A la découverte de Mission-Langues à Angers

Mission-Langues est un centre d’apprentissage de la langue française au service de la Mission universelle de l’Église. Directeur de Mission-Langues depuis janvier 2020, Georges Delrieu nous fait connaître cette structure qui forme en moyenne 115 prêtres, religieuses, religieux ou laïcs par an, depuis 1993.

Comment se déroule un stage de formation à Mission-Langues ?

Douze sessions de quatre semaines (sauf en juillet et août où les sessions durent cinq semaines) sont organisées par an. Les stagiaires peuvent s’inscrire à n’importe quelle session en fonction de leur programme, de leur disponibilité, du calendrier de leur mission ; il n’y a pas de calendrier de rentrée.

En fonction de la mission, du niveau de français et des exigences que le stagiaire a vis-à-vis de la connaissance du français, il peut rester entre quatre semaines et un an. Certains stagiaires restent un an car ils ont besoin d’atteindre un niveau très élevé de français et parce qu’ils démarrent en étant quasiment débutants. La « moyenne » se situe entre deux et trois sessions mais cela dépend vraiment du niveau initial de français, de la facilité à apprendre (tout le monde n’a pas la même capacité à apprendre, ni la même vitesse d’apprentissage) et de l’objectif de la mission.

Les cours ont lieu du lundi au vendredi (35 heures de formation par semaine) et les week-ends sont libres. Le programme comprend les cours intensifs le matin, le laboratoire de langue et le travail personnel l’après-midi, supervisé par les professeurs.

Existe-t-il un profil type de stagiaire venant se former à Mission-langues ? Ce profil a-t-il évolué ?

Oui, le profil a évolué avec le temps, tout comme les missions. Au début, la formation à la langue française était destinée à des personnes qui, bien souvent, étaient amenées à partir en mission dans les pays francophones d’Afrique, c’est l’aspect plus ancien de la mission.

Petit à petit, s’est développée une formation pour les personnes venant en mission en Belgique, en Suisse, en France. Aujourd’hui, il n’y a pas de profil type de stagiaire venant à Mission-Langues puisqu’entre une laïque italienne envoyée par un diocèse italien au Tchad ou un prêtre mexicain venant étudier, à Rome, des œuvres françaises, on ne peut pas dire qu’il y ait vraiment de point commun. Cependant un courant est apparu au fil des années, de plus en plus important, pour la formation des séminaristes, des prêtres qui viennent en France soit pour un service pastoral soit pour être incardinés dans un diocèse français et pour des religieuses étrangères qui rejoignent des maisons-mères de congrégations en France. C’est une évolution qui date de 7 ou 8 ans mais, aujourd’hui, cela représente une part importante de l’activité de Mission-Langues.

Les professeurs qui enseignent à Mission-Langues ont tous une expérience à l’international. En quoi est-elle importante ?

Effectivement, les professeurs ont tous travaillé à l’étranger, dans des pays avec des langues parfois difficiles, comme la Hongrie, la Pologne, le Népal ou la Chine.

Leur parcours professionnel et personnel apporte un regard sur une culture différente. Pour apprendre une langue, il ne suffit pas de maîtriser la grammaire et le vocabulaire. Il faut comprendre la culture de cette langue, se l’approprier et arriver à réfléchir dans cette langue. Chacune a une forme de pensée différente. Nos professeurs, connaissant les formes de pensée différentes des stagiaires, arrivent à leur expliquer la différence entre leur manière de penser, par exemple, en coréen et la manière de penser en français. Nous ne fonctionnons pas du tout sur les mêmes types de raisonnement, ni sur le même mode de discipline. Dans notre pays, il y a beaucoup d’ouverture d’esprit, de latitude pour avoir des opinions différentes, ce qui n’est pas toujours le cas dans les pays d’où les stagiaires sont originaires.

Ces parcours très riches des professeurs sont très importants car ils permettent aussi aux stagiaires de rencontrer une écoute bienveillante de leur part puisqu’ils connaissent leurs cultures. Ils se rendent très vite compte que les professeurs comprennent leurs difficultés à passer au français.

Comment Mission-Langues, dont les stagiaires sont pensionnaires, a-t-elle géré l’instauration du confinement, en mars 2020 ?

Les professeurs étaient confinés chez eux, alors que les stagiaires, ainsi que le personnel encadrant logé à l’abbaye, étaient confinés sur place. Personne ne sortait du centre de formation. Les repas étaient livrés, un service de blanchisserie passait pour le linge. Ce groupe a vécu trois mois de confinement. Ce fut une expérience humaine extrêmement intéressante : un groupe très hétéroclite ou très hétérogène qui s’est retrouvé à devoir vivre ensemble sans possibilité de sortie. Après un temps d’adaptation et quelques moments plus conflictuels, tous se sont rendu compte que chacun devait faire des efforts. La séparation, fin juin, a été très difficile parce que nous étions ensemble depuis 5 ou 6 mois tous les jours, tout le temps, de la prière du matin à l’Adoration du soir et nous étions devenus comme une famille. La séparation a été douloureuse, quelques larmes ont été versées, chacun est parti vers sa mission et nous envoie parfois des nouvelles. Tous ont compris, et moi le premier, que nous avions vécu une situation exceptionnelle sur le plan humain.

Dans quelle mesure avez-vous pu accueillir des stagiaires pendant la crise sanitaire de la Covid-19 ?

Mission-Langues a toujours pu accueillir des stagiaires, parfois très peu, mais l’activité a été maintenue, sauf au mois de mai 2020. Seuls deux stagiaires étaient présents dont un en cycle long et Mission-Langues a préféré qu’il retourne dans son diocèse parce que c’est fatigant d’être, un an, en permanence, en formation. Depuis juin 2020, les formations ont toutes été maintenues et les inscriptions continuent d’arriver. La Mission ne s’arrête pas !

Comment la crise sanitaire et les restrictions, notamment de déplacement, ont-elles impacté Mission-Langues ?

Le confinement de mars 2020 a poussé Mission-Langues à mettre en place des cours en ligne. Comme nous fonctionnons dans un centre où nos stagiaires sont internes, nous avons choisi de laisser les professeurs chez eux. Chaque salle de classe qui est faite pour accueillir entre 2 et 5 stagiaires était équipée d’un micro et d’une caméra permettant ainsi aux stagiaires de suivre les cours à distance. Très rapidement, il s’est avéré que, si l’enseignement à distance a un certain nombre d’avantages, il ne peut remplacer l’enseignement en présentiel. Il permet la continuité de l’enseignement dans une situation compliquée ou si un stagiaire ne peut pas venir jusqu’à Mission-Langues mais il implique un effort de concentration beaucoup plus important. On ne peut donc pas comparer un nombre d’heures d’enseignement en présentiel avec un nombre d’heures d’enseignement à distance. Dans ce dernier cas, il faut réduire le nombre d’heures d’enseignement car la fatigue arrive rapidement. En général, au bout de 45 minutes, un stagiaire arrive au bout de sa capacité de concentration et de fraîcheur d’esprit donc les professeurs ont mis en place un parcours pédagogique différent pour l’enseignement à distance.

L’enseignement à distance peut s’adapter à un certain nombre de situations mais reste moins efficace dans le cas d’étudiants totalement débutants. Quelqu’un qui ne connait absolument pas le français aura beaucoup de mal à démarrer en enseignement à distance.

Combien y a-t-il de stagiaires en formation actuellement à Mission-Langues ?

Une douzaine de stagiaires sont en formation, représentant 4 continents. Le cinquième continent, l’Océanie, est toujours très difficile à attraper ! Mission-Langues a déjà reçu des stagiaires néozélandais mais peu de stagiaires viennent de cette partie du monde. Les stagiaires sont originaires d’Asie, d’Afrique, d’Amérique et même d’Europe ! Un frère tchèque, un prêtre indien, une sœur nigériane, un prêtre mexicain : cette représentation des continents est une joie au moment des repas, une joie d’échanges culturels, d’étonnement des habitudes des uns et des autres, et provoque des questions des uns aux autres. Ce sont toujours des moments extrêmement intéressants.

Quelles ont été les conséquences sur Mission-Langues de la baisse du nombre de stagiaires accueillis du fait de la crise sanitaire ?

Le ralentissement de l’activité est l’aspect le plus compliqué du confinement. Avec l’aide du conseil d’administration de l’association, un certain nombre de mesures ont été mises en place pour faire rapidement baisser les charges de Mission-Langues, les facilités proposées par l’État relatives à l’activité partielle ont été utilisées, les soutiens mis en place pour venir en aide aux associations du type de Mission-Langues ont aussi été utilisés. Maintenant, il faut que l’activité remonte à un niveau correct début 2022, sinon, c’est vrai que cela sera difficile. Il faut être lucide, si Mission-Langues a encore des réserves, elles vont finir par s’épuiser.

Actuellement, quelles sont les principales difficultés auxquelles sont confrontés les stagiaires désirant venir se former à Mission-Langues ?

La principale difficulté est l’obtention du visa. Aujourd’hui, le plus gros contingent de stagiaires vient d’Asie or plusieurs pays asiatiques ont vacciné à l’aide des vaccins chinois et russes, non reconnus par l’Union Européenne, ce qui fait que des religieuses, religieux, prêtres vaccinés en Inde, au Sri Lanka ou dans d’autres pays d’Asie ne peuvent obtenir de visa pour venir en France car leur schéma vaccinal n’est pas reconnu par le gouvernement français. C’est très compliqué de leur expliquer alors qu’ils sont déjà vaccinés qu’ils doivent se faire de nouveau vacciner avec un autre vaccin qui n’est pas toujours disponible dans leur pays d’origine. Cela entraîne des incompréhensions et souligne aussi une certaine iniquité dans le monde, un égoïsme des pays occidentaux qui ont très vite acheté des vaccins ou les ont produits pour eux-mêmes, en oubliant qu’ils ne sont pas les seuls sur la planète.

Existe-t-il des liens entre Mission-Langues et les pouvoirs publics français qui permettraient de débloquer ce genre de situations ?

Non. Il est arrivé un ou deux fois que Mission-Langues envoie des lettres à des ambassades pour confirmer que le stagiaire était bien inscrit à une formation à Mission-Langues mais cela reste très ponctuel.

Mission langue utilise régulièrement les services de la Cellule Accueil du Service National Mission et Migrations, de la Conférence des Evêques de France, pour résoudre les problèmes liés à l’obtention des visas, avec de très bons résultats.

Comment envisagez-vous l’avenir de Mission-Langues ?

Ce qui nous intéresse, c’est demain. Le principe du passé, c’est qu’il est passé. Ce qui est important pour l’avenir de Mission-Langues c’est de s’ouvrir davantage vers des services de l’Église notamment vers le Service National Mission et Migrations car nous travaillons avec les mêmes personnes, les mêmes objectifs. Nous avons donc tout intérêt à partager nos informations, nos pratiques pour avancer, pour faire en sorte que la mission soit toujours la plus forte, c’est ça l’essentiel !

Propos recueillis par Maria Mesquita Castro (SNMM)

Retour sur la création de Mission-Langues en 1993, en Belgique

On doit l’intuition fondatrice au Belge Willy Lambert, professeur de français dans une institution spécialisée pour les hommes d’affaires et diplomates étrangers. Ayant reçu à plusieurs reprises des prêtres parce qu’ils partaient en mission soit en Belgique soit en zone francophone, il s’est rendu compte qu’il n’y avait pas d’outil au service de la mission pour les religieuses, religieux, prêtres ou laïcs. "Le centre s’est installé près du sanctuaire de Banneux, explique Georges Delrieu. Avec le temps, il s’est avéré qu’il était compliqué d'y faire venir les stagiaires car Banneux est éloigné d’un aéroport ou d’une gare importante et, par ailleurs, la capacité d’accueil du centre était limitée". La congrégation de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur a proposé d’installer Mission-Langues dans l’abbaye Saint-Nicolas à Angers.

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