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CESEDA recodifié : changement de forme sans changement de fond

Entré en vigueur le 1er mai 2021, le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) a fait l’objet d’un toilettage de forme mais le vrai sujet reste celui d’un changement de fond pour le droit des étrangers en France. Décryptage de Julien Fromangé, chargé d’accompagnement au CEDRE – Secours Catholique – Caritas France.

En quoi consiste ce texte et pourquoi le toiletter ?

Né en 2005, le CESEDA rassemble toutes les règles applicables aux personnes étrangères en France.  Il définit qui peut entrer sur le territoire, qui a le droit d’y séjourner et à quelles conditions, mais aussi quelles sont les règles permettant d’expulser des personnes étrangères. Auparavant, le texte en vigueur était « l’Ordonnance de 1945 », sorte de loi sous la IVème République. Depuis la fin des années 80, on a observé une inflation législative dans le domaine de la migration, avec 21 lois entre 1986 et 2018 donc 21 lois en 32 ans. C’est énorme ! Il existe très peu de domaines dans lesquels on légifère autant. Or chaque gouvernement tient à faire « sa loi » dans ce domaine très sensible électoralement. En 2003-2004  a été mené le projet d’écrire un code qui rassemblerait, selon un plan cohérent et de façon lisible, toutes les règles d’entrée, de séjour et d’éloignement des étrangers en France. Ce code n’a pas échappé à l’empilement des lois successives, devenant à force inintelligible. L’objectif officiel de la recodification était donc d’améliorer le plan et de clarifier la rédaction du code.

Quelles sont les nouveautés ?

Il s’agit surtout d’une réorganisation des contenus. Dans le cadre de la loi « Asile et immigration » de septembre 2018, sous la présidence d’Emmanuel Macron, une des dispositions de la réforme était de revoir le plan, à droit constant – c’est-à-dire sans changer les règles. La recodification a eu pour objectif de simplifier l’organisation des règles du droit des étrangers. Par exemple, en ce qui concernait les conjoints de Français, une disposition sur le visa « long séjour », délivré dans le pays d’origine de la personne, était classée dans la partie « entrée au séjour », donc inaccessible. Elle avait aussi pour but de prendre en compte les nouvelles règles liées à la jurisprudence. En effet, certaines dispositions – notamment de la loi de 2018 – avaient été bloquées par des décisions du Conseil d’Etat en 2019, ce qui nécessitait quelques mises à jour.

Cette recodification a pourtant fait réagir des associations…

Depuis le premier jet, sorti en décembre 2020, on a remarqué des erreurs dont certaines très défavorables. Etait-ce intentionnel ? Des associations étaient en veille pour vérifier que la réforme se faisait bien à droit constant. Les autorités ont fait des corrections. Il reste néanmoins des petits oublis très fâcheux pour le droit des personnes. On n’a peut-être pas tout vu : la pratique vérifiera (ou non) que l’objectif a bien été atteint. Un exemple d’erreur commise concerne l’Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF). Le préfet peut décider d’une « OQTF sans délai » : on ne laisse pas 30 jours à la personne pour faire ses valises et quitter la France. Elle a 48 heures pour faire un recours. Jusqu’à présent, « l’OQTF de 48h » ne pouvait être remise qu’en main propre. Cela a disparu dans la recodification. Nous avons déjà repéré, dans trois préfectures, des cas de personnes qui ont reçu la notification par voie postale. Ces personnes sont donc allées chercher leur recommandé à la Poste. Ce document au langage administratif est compliqué à comprendre, encore plus pour une personne étrangère ! C’est source de beaucoup de stress. Même si, a priori, les juges des tribunaux administratifs diront que le délai de 48 heures n’est pas opposable – on ne peut pas imposer à quelqu’un de faire un recours dans les 48 heures, si c’est par voie postale – ce n’est pas encore certain. Cela génère beaucoup d’incertitudes. Et il subsiste peut-être encore d’autres points.

Comment cette recodification a-t-elle été accueillie par le Secours catholique – Caritas France ?

Elle n’a pas été mal accueillie, étant donné qu’elle ne change presque rien. En réalité, ce que demandent le Secours catholique – Caritas France et d’autres associations, est de promouvoir une approche positive des migrations et de le rendre beaucoup moins restrictif qu’il n’est aujourd’hui. Si le droit des étrangers reste très complexe à l’instar des dispositions sur l’éloignement qui sont une vraie usine à gaz, le problème n’est pas tant la forme : ce que nous demandons est surtout un changement de fond! Le droit des étrangers s’est restreint considérablement depuis la fin des années 80 jusqu’à ce jour. Le SCCF demande davantage de régularisations, moins de restrictions pour les visas d’entrée en France, et de manière générale, de mettre fin à la vision sécuritaire qui régit les politiques migratoires pour favoriser le vivre ensemble et l’intégration.

Quels points sont mis en avant dans le plaidoyer sur la réforme du droit des étrangers ?

On travaille sur le droit au séjour des mineurs non accompagnés (MNA), sur les difficultés rencontrées par les personnes étrangères pour déposer une demande de titre de séjour, suite à la dématérialisation des démarches administratives. Il y a aussi d’autres actions politiques pour régulariser davantage de personnes   et qui ont déjà entamé une vie en France : des personnes qui travaillent, des familles avec des enfants scolarisés, etc. On défend aussi les droits fondamentaux souvent bafoués des personnes exilées aux frontières franco-italienne et franco-britannique. Beaucoup d’actions également pour rendre juste effectif les droits existant des personnes étrangères. On perd beaucoup de temps à rendre le droit applicable. Entre la loi et la pratique, il y a un monde ! Voilà les sujets importants.

Propos recueillis par Claire Rocher (SNMM)

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