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Noyade de migrants dans la Manche : des associations appellent les autorités françaises à « changer de politique »

27 associations nationales et de la région littorale Calais-Grande Synthe-Dunkerque, mobilisées sur la situation à Calais, ont signé une tribune, publiée ce jeudi 2 décembre 2021 sur FranceTv Info, pour dénoncer la politique migratoire à frontière franco-britannique.

Vingt-sept personnes se sont noyées dans la Manche le 24 novembre. Ce drame était redouté par nos associations qui alertent depuis des années sur les risques pris par les personnes exilées pour aller en Grande-Bretagne faute de voies légales et sécurisées de passage, ou faute d’accès à une procédure d’accès à l’asile en France.

Nos organisations, aux côtés de toutes les personnes solidaires, adressent leurs condoléances et leurs pensées aux familles et à tous les proches des victimes. Elles dénoncent avec force l’aveuglement coupable des autorités françaises et britanniques qui accusent les passeurs, alors que ceux-ci ne sont que les profiteurs sans scrupules et la conséquence d’une politique aussi brutale qu’inefficace menée tout le long du littoral franco-britannique.

La mort de ces 27 personnes vient allonger la liste de celles qui sont décédées sur terre ou en mer – plus de 400 depuis 1999 – alors qu’elles cherchaient à franchir cette frontière. Ce drame intervient quelques jours après que les grévistes de la faim de Calais ont mis un terme à leur action entamée le 11 octobre, justement motivée par la mort d’un jeune Soudanais, Yasser, écrasé par un camion à Calais.

Cesser la politique de maltraitance

La demande des grévistes était simple : que cesse la politique de maltraitance contre les personnes exilées, décidée au sommet de l’État, qui brise toute confiance dans les autorités françaises et renforce leur volonté de se lancer dans des traversées périlleuses, voire mortelles.

Aujourd’hui, un double sentiment domine : l’espoir en constatant une réelle prise de conscience dans l’opinion publique ; mais un espoir vite recouvert de colère en constatant que l’action non-violente des grévistes de la faim n’a pas permis de changer quoi que ce soit aux pratiques déshumanisantes des pouvoirs publics.

Les annonces faites début novembre par le gouvernement à travers l’intervention de M. Leschi ne constituaient pourtant qu’une avancée minime : préavis donné avant les expulsions, sommation de 45 minutes avant intervention des forces de l’ordre pour que les personnes exilées puissent emporter leurs effets personnels, ouverture d’un « sas d’hébergement » (c’est-à-dire un hangar) de 300 places à Calais, et promesse d’une instance de dialogue plus représentative de l’ensemble des acteurs engagés sur le terrain ainsi que des exilés.

C’était encore trop ! Dès la fin de la grève, les pouvoirs publics ont choisi de renier immédiatement leurs engagements : le hangar, présenté comme une concession, pour répondre aux demandes des grévistes, a été refermé sur décision de la préfecture et du ministère de l’Intérieur. Après une légère accalmie, les évacuations de campement ont repris leur rythme infernal, avec la destruction des effets personnels. Un récent arrêté préfectoral est venu restreindre encore plus les lieux de distribution de nourriture et autres biens essentiels par les associations, des tranchées ont été creusées et des rochers déposés sur des lieux de (sur)vie, etc.

Tirer les conclusions du drame

Des propositions, fondées sur l’accueil et le respect de la dignité des personnes, existent pourtant : elles émanent d’institutions indépendantes comme la Défenseure des Droits ou la CNCDH, de parlementaires, d’élus. Tous partagent la même conviction qu’il est urgent d’appréhender autrement la présence de personnes exilées sur le littoral et de les considérer pour ce qu’elles sont : des êtres humains en quête d’une vie meilleure et, pour la plupart, dans des situations justifiant une protection internationale car leur vie est en danger dans leur propre pays.

La France doit maintenant tirer les conclusions du drame survenu le 24 novembre : arrêter les actes de maltraitance, proposer des systèmes de mise à l’abri tout le long du littoral, autoriser les personnes exilées à déposer une demande d’asile ou de séjour en France, négocier d’arrache-pied avec la Grande-Bretagne des voies légales et sûres de passage. Au lieu de dépenser des millions supplémentaires dans la surveillance de la frontière comme l’ont proposé les ministres de l’Intérieur réunis dimanche à Calais, il faut offrir à ces personnes la possibilité de se construire un avenir, et connaître la paix.

Ne pas le faire serait se rendre complice de nouveaux drames, de nouveaux morts. Les associations signataires appellent encore une fois les autorités à s’engager dans un dialogue constructif avec nos  associations et tous les acteurs concernés.

Il y a urgence.

Les signataires :
Amnesty International France, Cécile Coudriou, présidente
ATD Quart-Monde, Marie-Aleth Grard, présidente
CCFD-Terre Solidaire, Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente
La Cimade, Henry Masson, président
Collectif d’associations de Calais, Grande-Synthe et Dunkerque : ADRA France antenne de Dunkerque, Amis, Auberge des migrants, LDH Dunkerque, Maria Skobtsova, Project Play,
Refugee Info Bus, Safe Passage, Salam, Shanti, Solidarity border
CRID, Céline Meresse, co-présidente
Emmaüs France, Antoine Sueur, président
Emmaüs International, Nathalie Péré-Marzano, déléguée générale
Fédération Entraide Protestante, Jean Fontanieu, secrétaire général
Fondation Abbé-Pierre, Christophe Robert, délégué général
JRS-France, Véronique Albanel, présidente
LDH, Malik Salemkour, président
Médecins du Monde, Dr Carine Rolland, présidente
Médecins sans Frontières, Corinne Torre, chef de mission France
Oxfam France, Cécile Duflot, directrice générale
Utopia 56, Yann Manzi, délégué général et co-fond

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