Père Sébastien Jean, Fidei Donum en RDC
Nous reproduisons avec son autorisation le courrier adressé par le P. Sébastien Jean, prêtre du diocèse d’Evreux, Fidei Donum en République Démocratique du Congo, à ses amis et à sa famille, en janvier 2023.
[…] C’est depuis le village de Loangu, à une centaine de kilomètres de Boma, dans la forêt du Mayombe que je commençais cette lettre il y aura bientôt un an. J’y étais accueilli depuis le lundi de Pâques 2022 par l’abbé Achille TATI, nouvellement nommé curé de la paroisse depuis son retour d’Évreux, où nous avions travaillé ensemble. Ce furent donc l’occasion de retrouvailles fraternelles et de découverte de cette paroisse. Il est en communauté avec un autre confrère prêtre (l’abbé Joseph) et un séminariste stagiaire qui se prépare à l’ordination diaconale en juillet prochain (Gabriel – ordonné diacre depuis).
Le village de Loangu se trouve situé sur la route de Boma à Tshela (axe principal et unique route « asphaltée » du Mayombe) La paroisse est composée du village de Loangu et de 17 « sous-postes » dans les alentours, accessibles à moto ou à pieds. L’activité principale comme partout au Mayombe est l’agriculture (en particulier l’ananas qui est réputé), un peu d’élevage et du petit commerce (informel). La vie est simple et la population pauvre. A Loangu, il y a quand même l’électricité, ce qui n’est pas le cas dans les villages alentours. Pour ce qui est de l’eau, la population va la puiser aux nombreuses sources qui existent dans les parages. Dès le lever du soleil, femmes et enfants sont sur les routes avec seaux et bidons pour transporter l’eau nécessaire aux besoins de la famille. Par rapport à mon environnement habituel de Boma, c’est donc le dépaysement, surtout que la langue parlée ici est différente : le kiyombe.
J’aime cette vie plus proche de la nature et calme. C’est un vrai temps de repos, propice à la méditation et à la lecture. J’en profite également pour visiter l’ITAV, une des écoles conventionnées catholique dédiée principalement à l’enseignement technique (agricole, vétérinaire et électricité) qui se trouve toute proche.
Depuis ma lettre pascale de l’année dernière (2021), plusieurs événements ont eu lieu. A pareille époque, l’année passée (mai 2021), j’étais en France pour 2 mois de vacances (en raison du covid, je n’avais pas pu voyager l’année précédente). Ces deux mois m’ont fait un grand bien et j’en garde un excellent souvenir […].
De retour en RDC
Après un départ avorté (l’avion n’arrivait pas à démarrer, ce qui a entraîné une panique mémorable dans la cabine), je suis bien rentré à Boma. Mon étape à Kinshasa n’ayant duré que quelques heures, puisqu’arrivé à 22h à la maison diocésaine, je prenais le taxi à 5h pour Boma. Fatigué mais content d’être rentré et de retrouver les 3 confrères de la paroisse.
C’était la semaine précédant l’ordination du nouvel évêque de Boma, Mgr José Claude MBIMBI MBAMBA, précédemment recteur du grand séminaire. Une célébration qui avait lieu à la cathédrale (sur le parvis) et qui a largement mobilisé les forces vives de la paroisse et de la ville. Un grand nombre de prêtres et d’autorités locales, provinciales et nationales étaient présentes, signe du poids que représente l’Eglise catholique dans la vie du pays. Une célébration festive, joyeuse et très belle, présidée par le cardinal et archevêque de Kinshasa, Mgr Fridolin AMBONGO. Mgr Cyprien MBUKA qui passait le flambeau après 25 ans à la tête du diocèse avait tenu à ce que ce soit réussi et ça l’a été.
[…] A la rentrée pastorale, en septembre (2021), quelques nouvelles missions se sont ajoutées à celles que j’avais déjà. Sur la paroisse, je reçois la charge d’aumônier de la Communauté Famille Chrétienne; il s’agit de couples qui se retrouvent en petits noyaux d’échange, de prière et de soutien. Mon rôle est de les visiter, les connaître et apporter quelques éléments de réflexion chrétienne pour leur vie de famille. L’évêque m’a également nommé au conseil presbytéral. Ce dernier se réunit 2 fois par an pour conseiller l’évêque sur les questions importantes de la vie du diocèse et des prêtres. A la réunion à laquelle j’ai participé, il a surtout été question de la fondation de nouvelles paroisses. C’est un bon aperçu du diocèse, de sa géographie et de son histoire. Là encore, je ne sais pas ce que je peux apporter mais j’apprends beaucoup.
Le synode décidé par le pape François pour l’Eglise universelle est présenté lors des journées de rentrée pastorale. L’évêque en profite pour donner ses priorités pour le diocèse et son souhait de vivre un synode diocésain en 2023-2024. Il donne quelques priorités, entre autre: développer des pratiques d’audit à tous les niveaux, promouvoir les projets d’agro pastorale pour une meilleure prise en charge de la vie de l’Eglise, … C’est ainsi que sur la paroisse cathédrale, nous avons commencé un poulailler dont j’ai la charge. Le projet est d’arriver à avoir 30 poules pondeuses pour la vente d’œufs. Je commence avec 6 poules (dites de « race locale ») et un coq de race « améliorée ». A ce jour, nous avons 29 poulets (certains encore au stade de poussins) nés de ce croisement. Les coqs seront consommés ou vendus et les poules conservées pour la production d’œufs. C’est une expérience nouvelle pour moi et j’apprends beaucoup : les installations à réaliser, comprendre la reproduction, l’alimentation, me passionne. Dans l’enclos des poules, nous avons planté des papayers et du manioc pour notre consommation. En parallèle de ce poulailler, je mets en place le tri sélectif avec 2 bacs à compost. Pour le moment, la gestion des déchets est anarchique et les nouvelles habitudes sont difficiles à faire adopter. Le problème, c’est le plastique que l’on retrouve partout et qui est jeté n’importe où. Je dois régulièrement en retirer du bac à compost. Dans ce domaine, il y a un énorme travail de conscientisation à faire parmi la population et auprès des décideurs politiques. Des endroits de la ville sont des déchetteries à ciel ouvert et tout fini dans la rivière Kalamu qui se jette ensuite dans le fleuve. C’est encore pire à Kinshasa….
« Ndoyi » pour la deuxième fois
Pour la deuxième fois, j’ai été sollicité pour être le « ndoyi » d’un enfant à naître : un des veilleurs de la cathédrale attend un enfant avec sa jeune épouse (ils n’ont pas plus de 20 ans). J’ai fini par accepter, même si je sais que la demande est loin d’être désintéressée. Le 22 octobre, je reçois la visite de Gloire (le papa) qui m’annonce la naissance d’une petite fille. Puisqu’il ne peut pas lui donner mon prénom, il choisit à mon grand étonnement de lui donner le prénom de ma maman. Ce sera une petite Marie-Thérèse. Depuis j’ai régulièrement l’occasion de visiter la famille et de recevoir leur visite, en particuliers lorsqu’il n’y a plus de moyens pour acheter la bouillie… « Elle mange beaucoup » me dit Jolette, sa maman. En effet, elle est bien plus grasse qu’elle !
C’est un couple très attachant et j’apprécie les discussions avec Gloire. Il est curieux de connaître mon avis sur de nombreux sujets et m’oblige à parler en kikongo. Baptisé dans l’Eglise catholique, il a rejoint une fois adulte, ce que l’on appelle ici, une « Église des Noirs » qui s’efforce de revenir à ce qu’ils croient être les croyances et pratiques traditionnelles africaines. Je l’ai accompagné une fois et j’ai trouvé que c’était un grand mélange… et surtout une foi qui est guidée par la peur.
Depuis plusieurs mois, un SDF se promène dans le quartier, sollicitant les passants. Il s’appelle Abraham et il vient de Kinshasa. A l’écouter, il voudrait se rendre en Pologne. Il lui manque juste les moyens. Il m’a repéré bien sûr, et je ne peux pas passer devant lui sans me faire interpeller. Il m’appelle Séba et il a toujours beaucoup à me raconter et… à me demander ! Un jour, il s’est fait attraper pour avoir volé dans une maison (je crois que c’était chez les Sœurs franciscaines) un balai ou une poubelle ! Toujours est-il qu’il s’est retrouvé en prison pendant un mois. A sa sortie, il sentait terriblement mauvais. J’ai réussi à ce qu’il se lave et change de vêtements. Puis, il s’est fait tabasser et s’en est tiré avec une très mauvaise plaie à la jambe. C’est à partir de ce moment, qu’il s’est installé pour dormir et passer ses journées devant la porte de la cure. Vu l’état de sa jambe, je me dis qu’un jour on va le retrouver mort devant la maison. J’obtiens que la Caritas diocésaine fasse quelque chose. Ils envoient une équipe qui le lave, l’emmène à l’hôpital et l’habille. Ce jour-là, j’ai eu le sentiment d’avoir remporté une petite victoire. Deux jours plus tard, il était de retour, en meilleure forme. Malheureusement les semaines ont passé et sa situation a encore empiré, sans compter l’état mental qui s’aggrave. Constat cruel, rien n’est fait pour des personnes comme lui et elles sont nombreux !
A propos d’Ephraïm
J’aimerais vous parler d’Ephraïm, un garçon que je connais depuis mon arrivée. Il avait autour de 16 ans et vivait à la rue à cause de différends avec son père. Le travailleur de la salle paroissiale le faisait travailler lorsqu’il avait trop de travail pour transporter des chaises ou d’autres petits services. Un jour, après une fête de mariage, une personne de la fête est venue se plaindre auprès de moi qu’il avait cassé une chaise. Lorsque je lui en ai fait reproche, j’ai tout de suite vu à sa réaction que ça ne pouvait pas être lui et d’autre personnes me l’ont effectivement confirmé. Un peu plus tard, j’apprenais qu’il avait été arrêté par la police avec d’autres jeunes de la rue (des « kuluna ») pour avoir volé des ordinateurs dans une école de la ville. En fait, il était au mauvais endroit au mauvais moment et n’avait rien volé. Il s’est quand même retrouvé en prison. J’ai pu faire la connaissance d’une femme avocat qui s’est battue pour le faire sortir puis nous avons eu une rencontre avec son père pour qu’il puisse rentrer à la maison et reprendre l’école. Depuis, je n’ai jamais totalement perdu contact avec lui. L’année dernière, il a contracté la tuberculose. Même si le traitement est pris en charge, il reste quelques examens à la charge du patient. J’ai apporté ma contribution à la demande de son père pour ne pas trop peser sur le budget de la famille. Il a maintenant 20 ans et son père l’a une fois de plus mis à la porte et il a trouvé une chambre qu’il paie en lavant des voitures. Comment suivre sa formation de mécanique chez un patron, se loger et se nourrir sans moyens ? Il a fini par laisser sa formation pour partir en Angola chercher du travail. Là, il vend du carburant. Un petit boulot qui lui permet de survivre. A ma grande surprise, il continue de garder le contact avec moi et me fait signe régulièrement par un appel téléphonique.
En juillet 2022, mon traditionnel séjour en France pour le temps de vacances s’est trouvé prolongé de deux semaines suite à des examens médicaux qui nécessitaient d’être approfondis par d’autres à l’hôpital. Fort heureusement, c’était sans gravité; juste un parasite qui s’était installé je ne sais où dans mon organisme et qui a pu être traité […].
Départ de Boma
De retour à Boma, le fil des activités pastorales a repris sans qu’il y ait d’annonces de nominations dans le diocèse, l’évêque ayant décidé de geler les affectations cette année pour finaliser les audits et prendre des mesures par rapport à des dérives financières dans la gestion de quelques projets. (Cela a fait un peu de bruit dans le diocèse, quelques confrères ont dû rendre des comptes, mais au final, c’est une bonne chose.) Le rapport à l’argent est partout compliqué mais plus encore ici, dans le contexte d’un pays qui est en proie à la corruption et à des détournements de l’argent public. L’Eglise n’y échappe pas, même si dans l’ensemble, elle est plus fiable que beaucoup d’autres institutions.
Malgré mon désir de changer de paroisse (pour connaître une autre réalité que celle de la cathédrale), je m’étais donc résolu à ne pas bouger. Ce fut donc une heureuse surprise lorsque l’évêque m’a annoncé au début du mois de septembre qu’il m’envoyait à Muanda sur la paroisse Sainte-Trinité. Voici maintenant bientôt cinq mois que j’y suis avec 3 autres prêtres: Les abbés Antoine, Léon et Malachie.
Malgré l’excellent accueil des confrères et des paroissiens, les premières semaines m’ont paru difficiles; j’ai été malade d’une crise de malaria et typhoïde qui m’ont beaucoup fatigué et mis le moral à plat. De plus, je continue de me heurter à la difficulté de la langue, surtout dans ce nouveau contexte de la paroisse de Muanda. Cité où le kikongo est plus utilisé qu’à la cathédrale de Boma. Je pensais avoir bien progressé mais même si je suis en mesure de célébrer la messe en kikongo en m’appuyant sur les livres, la discussion spontanée et la compréhension des conversations restent très difficiles. Ce constat m’a beaucoup découragé en arrivant. En plus, je suis dépendant des confrères pour me traduire mes homélies quotidiennes, ce qui est une charge pour eux, même s’ils sont très disponibles avec moi et ne s’en plaignent pas du tout.
Les premiers temps, je me suis également senti largement inoccupé. Il fallait que je trouve mes marques, fasse connaissance avec la ville et les paroissiens. Aujourd’hui, ça va mieux. Même avec le kikongo, j’ai le sentiment que je progresse, quelques mots de discussions, quelques paroles spontanées à la messe… petit à petit.
La ville de Muanda est située à l’embouchure du fleuve Congo. C’est la deuxième ville du diocèse de Boma en terme de population (90 000 habitants estimés en 2012). En plus des institutions et administrations officielles, l’activité économique est dominée principalement par deux sociétés liées à l’exploitation du pétrole: la SOSUR et la PERENCO. Cette dernière est une société franco-britannique qui exploite plusieurs puits de pétrole sur terre et en mer. Il n’y a pas de raffinage sur place, elle ne fait qu’extraire le pétrole, le stocker et le transporter vers des raffineries à l’étranger. La présence de cette société fait qu’il y a une petite communauté de ressortissants français à Muanda, mais pour le moment je n’ai pas encore eu l’occasion de les rencontrer. Ils vivent regroupés dans un quartier de la ville et c’est à bord des véhicules de la société qu’il arrive de les croiser ou dans l’enceinte de la société, mais je n’y suis pas encore allé. Par ailleurs, la paroisse Sainte-Trinité est une paroisse de la cité, en périphérie de la ville, ce n’est donc pas la partie touristique où on peut croiser des étrangers, comme au bord de la plage. Une occasion se présentera sûrement pour faire connaissance… Si elle ne se présente pas, je la provoquerai mais il me faut d’abord dépasser quelques apriori négatifs liés à l’image de cette société, en particulier comment expliquer le décalage entre la pauvreté de la population et l’insalubrité de la ville sur un territoire où est exploité le pétrole ?
Le gouvernement actuel vient de relancer un projet ancien qui devrait contribuer au développement économique de toute la Province, à savoir la construction d’un port en eau profonde à Muanda. Le président de la République est même venu poser la première pierre de ce port, l’année dernière. Mais il y a beaucoup à faire pour y arriver: entre autres, le relogement des populations qui habitent sur le site, l’aménagement d’infrastructures pour le transport des marchandises vers Kinshasa (la voie ferrée n’existe plus et la route est une deux voies qui n’est pas encore totalement asphaltée).
En insertion à Muanda
Une autre caractéristique de Muanda que j’ai pu découvrir à l’occasion du passage d’amis (Le père Alain MABIALA avec une religieuse de la congrégation des Soeurs de Marie Réconciliatrice connues à Val-de-Reuil et une étudiante de cette même paroisse) et que peu d’habitants connaissent, c’est la mangrove qui se trouve dans l’embouchure du fleuve Congo. Il s’agit d’une véritable forêt sur l’eau composée d’un dédale d’ilots avec une végétation impressionnante.
Nous avons navigué pendant une demi-journée dans un véritable labyrinthe, croisant à de nombreuses reprises des pêcheurs dans leurs pirogues, nous avons vu des villages sur l’eau avec des maisons sur pilotis, des îlots de coquillages, un site de réintroduction du lamantin et même un hippopotame dont le pilote de notre embarcation a eu peur qu’il nous accoste et nous renverse. L’un des défis pour les années à venir sera sûrement de protéger cet environnement, aujourd’hui encore assez bien préservé.
L’autre attrait touristique de Muanda, c’est la plage: une trentaine de kilomètres de côtes qui constituent l’unique ouverture de la RDC sur l’Océan atlantique. Malheureusement, la tendance est à la privatisation et de nombreux promoteurs privés ou des particuliers achètent les parcelles en bord de mer pour en faire des plages privées.
En résumé, le territoire de Muanda est doté de plusieurs atouts au plan économique: la pêche, le pétrole et le tourisme, et malgré cela, la population reste majoritairement très pauvre. Les raisons sont sûrement multiples et tout le monde aurait à se remettre en question, tant les responsables politiques, les acteurs économiques nationaux et internationaux que la population.
Je commence à comprendre les discours désabusés que j’entends parfois parmi les prêtres qui se sont beaucoup investis dans l’éducation et le développement et qui ne constatent pas de changements…
Sur le plan paroissial, la réalité que je découvre est assez différente de la cathédrale, il s’agit d’une paroisse populaire avec une forte population et de nombreux groupes. A titre d’exemple, les chorales sont une quarantaine, aucune n’a moins de 25 membres et certaines en ont plus de 100 ! Les quartiers ecclésiaux sont au nombre de 23 avec chacun un chef catéchiste et deux ou trois catéchistes. Les célébrations sont également plus nombreuses puisqu’en plus de la messe quotidienne à la grande église paroissiale, chaque semaine la messe est célébrée dans 2 quartiers ecclésiaux à tour de rôle (ce que nous appelons « la proximité »). La première semaine où j’ai eu à célébrer dans un quartier, c’était dans une chapelle en construction, et le premier jour, nous avons eu une pluie torrentielle: j’étais sous une petite toiture en tôle mais les paroissiens étaient sous l’eau, et pourtant ils étaient là assez nombreux (vu les conditions !).
Il y a également plusieurs établissements scolaires catholiques dont un dans l’enclos de la paroisse et un hôpital géré par les Sœurs Servantes de Marie de Boma, dont la communauté se trouve sur la paroisse.
Les demandes de prière individuelle sont également nombreuses surtout après la messe matinale, beaucoup de personnes viennent demander la prière pour des questions de santé et des problèmes en tout genre. Ils n’osent pas encore trop frapper à ma porte, pensant souvent que je ne les comprendrai pas…
Etant plus disponible, je me trouve régulièrement sollicité pour des visites à des malades, et c’est une occasion supplémentaire de découvrir les quartiers et de pratiquer le kikongo. Je suis également parfois sollicité par les jeunes pour un enseignement ou une messe.
Comme à Boma, j’ai hérité du développement du poulailler et du jardin. Petit à petit, j’adapte les installations pour avoir un élevage de poules pondeuses et quelques poules reproductrices. Il y a également quelques canards. Pour le jardin, je suis encore dans la phase d’observation, mais l’espace est assez limité.
Le 11 décembre, j’ai été invité par mon ancienne paroisse à Boma (la cathédrale) pour une messe d’au revoir. Les paroissiens m’ont fait un très bon accueil et ont été très généreux. Cela faisait plaisir de les revoir. Il est encore prévu qu’une chorale de la paroisse avec une délégation de fidèles viennent me « déposer » à Muanda […].
De la situation politique en RDC
L’année a été marquée par deux évènements majeurs: la guerre à l’Est du pays et le démarrage du processus électoral en vue des élections présidentielles en décembre 2023.
Concernant la guerre à l’Est, la situation est en réalité ancienne puisqu’elle date de la fin de la guerre au Rwanda qui a déstabilisé cette région et en particulier la RDC. Beaucoup de groupes de rebelles armés se sont développés avec l’appui des pays voisins et de multinationales peu scrupuleuses y voyant une opportunité pour piller les très importantes ressources minières de cette région. L’ONU est présente depuis de nombreuses années mais n’obtient aucun résultat, les puissances étrangères se limitent à des condamnations pour la forme et la France s’est engagée depuis peu dans un soutien de l’armée rwandaise; ça fait beaucoup et la RDC se sent abandonnée de tous. Le président Tshisekhedi ayant fait de la résolution des conflits à l’Est une de ses promesses de campagne, après l’échec des démarches diplomatiques, il a adressé un appel à la jeunesse pour s’enrôler dans l’armée et il a lancé des offensives militaires contre les rebelles en condamnant le soutien du Rwanda à ces mouvements de rébellion. Dans ce contexte, l’ONU et les puissances occidentales – au premier rang desquelles la France – ont été fortement dénigrés dans les réseaux sociaux. C’est ainsi que lorsque l’Eglise a initié une marche pour la paix en décembre dernier, après discussion avec les confrères, j’ai préféré m’abstenir d’y participer pour que ma présence ne soit pas vue comme une provocation, mais en fait je n’ai jamais été inquiété depuis que je suis à Muanda et pourtant je circule très librement partout. La situation n’en demeure pas moins trés préoccupante avec beaucoup de morts et de populations civiles déplacées et affamées, ce qui est très peu relayé par les médias internationaux.
Pour ce qui est du processus électoral, la première étape est en cours, elle consiste dans l’enrôlement des électeurs (inscription sur les listes électorales) sur l’ensemble du territoire de la RDC. Un vrai défi, vu l’étendue du pays et l’enclavement de certains territoires. L’Eglise catholique qui a quitté la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI, en charge de l’organisation des élections) pour ne pas se trouver instrumentalisée par le pouvoir a délégué un certain nombre d’observateurs pour s’assurer de la régularité de cette première étape. Le curé de ma paroisse est de ceux-là.
Autre évènement majeur en cours pour le pays: la visite du pape François le 31 janvier à Kinshasa pour une visite de trois jours. Espérons que cette visite va obliger l’opinion internationale à œuvrer pour une réelle résolution du conflit à l’Est. Nous en reparlerons…
Je conclus mon message et vous souhaite à nouveau une heureuse année 2023 ! Avec toute mon amitié […]
Père Sébastien JEAN
Muanda, le 31 janvier 2023
Les inter-titres sont de la rédaction du site