Témoignage de Sœur Christine Dione
Les chrétiens sont maintenant habitués à accueillir des prêtres et des religieuses venus d’autres continents pour un service pastoral temporaire. Ils sont moins habitués à voir arriver des membres d’instituts religieux n’ayant pas de maisons en France. Récemment, plusieurs congrégations religieuses, masculines et féminines sont venues s’installer en France avec le projet d’une présence durable.
Les religieuses : Filles du Saint Cœur de Marie
Dans un souci pastoral et pour faire face aux difficultés climatiques et socio culturelles que rencontraient les sœurs européennes, Monseigneur Kobès, alsacien d’origine, a fondé la congrégation des Filles du saint Cœur de Marie à Dakar, en 1858. Ce fut la première congrégation autochtone au Sénégal. Présente dans sept pays africains, la congrégation est implantée en France depuis 2008, elle y a maintenant cinq communautés. Au départ, il y a eu un appel de la Fondation des Apprentis d’Auteuil qui demandait leur présence dans ses centres. Du côté des sœurs, il y avait aussi le désir d’ouvrir une maison sur les lieux du village natal du fondateur.
Sœur Christine Dione est arrivée en France, à Strasbourg, en 2013, elle est aujourd’hui responsable des communautés présentes en France.
Témoignage :
« Enseignante, directrice d’école, j’ai plusieurs fois quitté un poste pour répondre à un appel de mes supérieures. Je n’avais jamais envisagé de venir en France, lorsque la demande m’en a été faite j’étais responsable de l’ensemble des communautés formant le district saint Louis au Sénégal. J’y ai vu un appel du Seigneur à redire le Oui de ma consécration. »
A Strasbourg la communauté des Filles du Saint Cœur de Marie est d’abord au service d’un établissement des Apprentis d’Auteuil. Il leur a été demandé d »être une présence priante et aimante’ près des jeunes’. Une sœur est en étude, les trois autres participent à la pastorale et à l’animation du Centre : ateliers divers, cuisine, coiffure, danse… Toutes sont insérées dans la pastorale paroissiale.
« Nous nous sommes senties attendues et accueillies aussi bien par l’établissement que par la paroisse. Des communautés religieuses voisines ont donné des habits chauds, du linge de maison, le nécessaire pour l’oratoire etc. Nous avons été aidées dans les démarches administratives. Cet accueil chaleureux a beaucoup aidé les sœurs à s’intégrer. »
Q : Il y a bien eu des difficultés de départ, lesquelles ?
La première difficulté a été celle des démarches administratives, des heures de queue pour obtenir un titre de séjour. Il y a aussi les différences culturelles : en France les gens se côtoient sans se dire un mot. Maintenant les professeurs me disent : ‘vous nous avez appris à dire bonjour’ et ils me le disent chaque fois qu’ils me rencontrent. Il y a eu aussi l’étonnement devant des positions pastorales différentes : des personnes communient et ne sont pas en règle avec les lois de l’Église, des enfants sont admis à faire leur première communion alors qu’on sait qu’ils ne persévéreront pas. Une interrogation de départ a été celle de la relation parents-enfants, les parents semblent impuissants, où est l’autorité parentale ?
Mais je suis arrivée ici avec un a priori de sympathie pour la France et les Français, je suis heureuse d’être là dans ma mission de consacrée, heureuse d’apprendre et de découvrir des réalités nouvelles. J’ai vite été intégrée dans l’équipe liturgique de la paroisse, à la chorale qui utilise maintenant le djembé, je fais partie du conseil pastoral.
Q : Quel lien avec la paroisse d’origine de votre fondateur ?
Des échanges entre notre congrégation et la paroisse d’origine de Mgr Kobès existent depuis longtemps, il y a une amitié qui dure. Notre présence permet de la concrétiser. Il y a aussi des liens avec le village, la mairie est partie prenante de l’échange Alsace-Sénégal. Nous participons à la fête paysanne en décorant un char à la sénégalaise.
Q : Quels conseils donner aux Missionnaires arrivant en France ?
Il faut arriver avec un grand esprit d’ouverture, sans présupposés. Il est aussi important de bien préparer le départ de son pays d’origine. Les premières sœurs ont quitté le Sénégal sans préparation. Depuis la congrégation a senti l’importance d’introduire la missiologie dans la formation des jeunes. A chaque départ les sœurs reçoivent un minimum de préparation : connaissance du pays dans lequel on est envoyé : histoire, réalités culturelles, économiques. Chaque communauté du Sénégal se sent solidaire de celles qui partent et le manifeste par une offrande : pagne, cadeau divers.
Nous quittons notre pays, nous sommes toujours dans l’Église. À la fin du XIXe siècle, notre fondateur quittait Strasbourg pour faire connaître Dieu à l’Afrique. Aujourd’hui, il est normal que nous soyons là. L’évangélisation ne s’arrête jamais.
Témoignage recueilli par Colette Bence,
15 mai 2017