Sœurs Missionnaires de l’Évangile : revisiter la mission !
Sœur Colette Bence nous présente la manière dont une congrégation religieuse pluriséculaire, les Sœurs Missionnaires de l’Évangile (SME), envisage aujourd’hui la mission. Une congrégation un peu originale, née de la fusion de quatre anciennes congrégations à extension missionnaire, comme on disait jadis !
Sœurs Missionnaires de l’Évangile,
une congrégation née internationale ?
Une jeune congrégation avec 300 ans de racines
La congrégation des Sœurs Missionnaires de l’Évangile est née en septembre 2014, de l’union de quatre congrégations (Sœurs de la Charité Sainte Marie, sœurs de Saint Charles, Sœurs du Bon Sauveur, Sœurs de la Sainte Famille). Congrégations dites « à extension missionnaire ».
Ces quatre congrégations, nées pour trois d’entre elles aux confins XVIIe-XVIIIe siècle, ont en commun un même courant de spiritualité, celui de l’École Française, elles se rattachent à ses Maîtres : Bérulle, Vincent de Paul, Saint Jean Eudes, Olier. Dès l’origine, le désir de servir Jésus-Christ à travers le service des pauvres a rassemblé les sœurs et les a amenées à se différencier de la vie religieuse monacale : Gloire de Dieu et service des pauvres indissociablement liés.
« Contempler et servir Jésus-Christ dans la personne des pauvres »
Dans les premières décennies, les sœurs ont dû répondre au défi de mener une véritable vie religieuse apostolique et d’être reconnues comme religieuses à part entière : Ne rien renier des exigences de la vie religieuse de leur temps et en même temps « aller par les rues de la ville » au secours des plus nécessiteux,
Ce service des plus démunis recouvrit dès le départ divers domaines : celui de l’éducation : ‘petites écoles’ pour les enfants pauvres, orphelinats, monde la santé : ‘gouvernantes des pauvres’ à l’hôpital général, ‘pharmacie’, secours aux personnes touchées par les épidémies, les famines. Les sœurs ne dissociaient pas le soin des nécessiteux et l’annonce évangélique, en allant soigner les malades à domicile, il s’agissait de les soigner mais aussi de les préparer à recevoir les sacrements, souvent les préparer à ‘une bonne mort’. Il s’agissait selon le dessein primitif de François de Sales lorsqu’il fonda la Visitation « d’aller par les rues de la ville et faire tout le bien qu’il leur serait possible ».
Les communautés ont traversé la tourmente révolutionnaire non sans souffrances : emprisonnement, clandestinité. Ensuite, elles se sont vite réorganisées retrouvant leurs champs d’activité et répondant à de nouveaux appels : le soin des malades mentaux, l’éducation des sourds muets, la misère aux mille visages dans les bas quartiers de Nantes …
Au début du XXe siècle, comme toutes les congrégations enseignantes, elles furent touchées de plein fouet par les lois anti congréganistes. En 1904, quatre cent vingt deux sœurs enseignantes regagnent la maison Mère de Saint Charles à Angers, les sœurs qui choisissent de poursuivre leur mission d’enseignantes se sécularisent. Ces lois vont favoriser l’envoi de sœurs dans d’autres pays d’Europe, un « va vers l’ailleurs » quelque peu forcé.
Que représente durant cette période la Mission ad extra pour ces communautés ? Les documents nous manquent ou n’ont pas été exploités. Les sœurs comme les chrétiens des campagnes de l’ouest de la France, lisent les récits missionnaires qui leur arrivent par les Relations des jésuites, les Annales de la Propagation de la Foi, les bulletins de la Sainte Enfance faisant campagne pour le rachat des enfants païens. Comme tous les fidèles, elles contribuent aux « Missions » par leur prière et des aumônes. Leur souci de l’éducation des enfants pauvres les rend sensibles à l’œuvre des enfants abandonnés. En 1880, dans sa recension des congrégations religieuses en France, Émile Keller mentionne que les sœurs du Bon Sauveur de Caen « envoient de nombreux secours aux orphelinats d’Algérie »
Ad gentes… en France et au-delà des mers
Au long du XXe siècle les visages de la mission se modifient en fonction des besoins de la société et de l’Église, on trouve de plus en plus de sœurs engagées dans le monde du travail et en pastorale. Marquées par le livre des abbés Godin et Daniel «France pays de Mission ? » des sœurs quittent l’Anjou pour aller dans les diocèses plus déchristianisés du centre de la France.
Dans les années 1950, avec l’encyclique Evangelii praecones et surtout Fidei Donum en 1957 l’appel à la Mission au loin se fait entendre. Le premier départ pour le Sénégal a lieu en 1954, d’autres suivront : Bénin, RCA, Madagascar, Guinée mais aussi Uruguay, Équateur, Nicaragua. Les sœurs qui partent s’enracinent dans le peuple vers lesquelles elles ont été envoyées et répondent aux appels de l’Eglise locale, appels qui rejoignent le charisme fondateur : éducation comme facteur de développement, soin des malades, attention aux plus petits, catéchèse, formation des communautés chrétiennes de brousse … Pour toutes les sœurs, ces départs seront l’occasion d’une ouverture au monde et à l’universalité de l’Église.
…qu’ils fassent l’expérience de se savoir aimés…
Aujourd’hui, une même mission aux multiples visages
Aujourd’hui, les sœurs venues du sud représentent plus du quart de la congrégation, beaucoup sont en formation (en décembre 2017, il y a 94 sœurs en EPADH et 94 sœurs en formation). Le « Ad gentes » se vit de diverses formes et dans toutes les directions : d’abord dans la disponibilité pour quitter son pays et aller vivre la mission dans un autre, non seulement dans un mouvement sud-nord mais aussi sud-sud, de Madagascar en Centrafrique et au Sénégal, de RCA à Madagascar etc. Les communautés des Sœurs Missionnaires de l’Évangile sont de plus en plus internationales, interculturelles et intergénérationnelles. Ce vivre ensemble différentes voudrait être signifiant pour les sociétés dans lesquelles nous vivons que ce soit en Europe ou en Afrique : Dire qu’il est possible de vivre ensemble tout en étant d’ethnies différentes, dire à notre société occidentale prête à rejeter l’étranger que nous n’avons pas à avoir peur de l’autre différent.
Le Ad Gentes se vit aussi pour toutes dans l’attention aux personnes de la périphérie pour reprendre une expression chère au pape François, le service des pauvres demeure une priorité, il prend le visage de l’étranger, de l’homme marginalisé, défiguré, de la personne blessée dans son psychisme, des familles chassées sur les routes de l’exode par la guerre en RCA. L’éducation qui a tenu une place importante dès les fondations reste une orientation privilégiée en Afrique et à Madagascar avec toujours le souci de faire une place de choix aux plus défavorisés, aux jeunes handicapés.
Dès les débuts des laïcs ont été associés à la vie des communautés. Aujourd’hui des hommes des femmes, en France comme en Afrique et Madagascar sont associés à la Congrégation. Ils vivent de son charisme et en partage la mission à travers leurs engagements là où ils sont. Ils se sentent héritiers et responsables du charisme de fondation qui a soutenu les sœurs depuis plus de trois cent ans.
« Nos communautés sont envoyées en mission de préférence là où la vie est plus menacée ou plus fragile, là où l’amour est mal connu, dans une attention au plus pauvre. Contempler le visage du Christ Serviteur, que nos propres visages voudraient refléter, nous conduit en particulier auprès de ceux que les événements de l’existence ont davantage abîmés, défigurés, exclus, pour qu’ils fassent l’expérience de se savoir aimés, reconnus dans leur dignité d’enfants de Dieu et deviennent eux aussi création nouvelle ». Règle de vie n° 10
Colette Bence, SME
décembre 2017