Visitation d’Église
Le Père Frédéric Hounkponou, du diocèse de Cotonou (Bénin), a 33 ans, il est prêtre depuis trois ans. Il est venu en France, six semaines, durant l’été 2015. Ce n’est pas sa première visite en Europe car il avait participé aux Journées Mondiales de la Jeunesse à Cologne en 2005, mais c’est sa première visite en France. Voici la transcription de son interview faite fin août.
Quels étaient les objectifs de votre visite en France ?
Le but de ma visite est la découverte de l’Église de France.
J’avais rencontré dans mon pays une délégation de la paroisse du Sacrè Cœur de Dijon, composée de deux prêtres et de dix laïcs, venue à Cotonou en 2011 pour la célébration des 150 ans de l’évangélisation de mon pays. J’y ai croisé des pèlerins intéressés à découvrir le Bénin et son Église. Et cela m’a donné l’idée de découvrir moi aussi l’Église de France, et celle de Dijon en particulier. Ainsi s’est concrétisé ce projet de faire une « visitation » à l’Église de Dijon/France cette année. Voir comment l’Église de France répond à la pastorale des périphéries, identifier les initiatives pastorales dans les paroisses, etc…
Au début, c’était une initiative personnelle, mais mon évêque a rapidement soutenu ma démarche. Je viens donc en France non pas pour un remplacement d’été, mais pour un apprentissage des propositions pastorales faites en France. C’est une « visitation » d’Église à Église.
Qu’avez-vous déjà vu en France à ce jour (fin août) ?
J’ai découvert Paris en arrivant : Notre-Dame, le Sacré-Cœur, le centre Pompidou, l’Académie Française, la Tour Montparnasse… et aussi la Maison des Évêques, siège de la Conférence des Évêques de France. J’ai été particulièrement intéressé par la visite du service BibDoc qui assure une veille sur certains sujets. On se rend compte comment la parole de l’Épiscopat se prépare. Une veille pour s’informer, pour discerner les enjeux, les textes importants, les diverses positions adoptées par les acteurs de la société…. J’ai eu un entretien avec deux secrétaires généraux adjoints de la CEF qui m’ont introduit aux réalités de la société française et de son Église. Très bon accueil et introduction stimulante aux défis de cette Église.
J’ai aussi vu le Réseau Ignacien Jeunes qui permet de se rendre compte qu’il existe des initiatives pastorales hors paroisse pour jeunes…
J’ai participé au pèlerinage diocésain à Lourdes. C’est la découverte d’une humanité blessée, de la faiblesse restaurée dans sa dignité. Une solidarité intergénérationnelle : les jeunes s’occupent des malades (l’hospitalité de Lourdes). Les malades, les handicapés, les gens fragiles ne sont pas cachés, mais se trouvent au centre de l’attention des autres. C’est toute l’humanité restaurée. Autour de Marie qui rassemble ces générations et ces diverses personnes.
Je suis accompagné par le délégué de Dijon à la mission universelle, ce sont des occasions nombreuses d’échange. Et j’irai encore voir des paroisses et des services dans le diocèse de Dijon.
Quelle a été une surprise agréable dans cette découverte de l’Église de France ?
Le stéréotype que nous avons dans mon pays sur l’Église de France est qu’elle est affaiblie quantitativement. Mon expérience maintenant est que le peu de gens qui reste est constitué de personnes convaincues. Il existe aussi une multitude de propositions qui manifestent la maturité de la foi (par exemple pour les malades, dans le domaine du tourisme…). Il y a un sens pastoral qui rend capable de sortir du classique. Cela est en phase avec les contemporains, avec les jeunes, les malades, les touristes… voilà une Église qui est déjà en sortie. L’importance du bénévolat. Je peux apprendre beaucoup de choses, et peut-être les transposer chez nous.
La paroisse, ce n’est pas et ce ne sera pas le tout de la proposition pastorale. Il existe autre chose… je le vois concrètement déjà réalisé en France.
Quelle a été une découverte, une surprise désagréable ?
Mon image de la France est qu’il s’agit d’une société développée, où l’on respecte les Droits de l’Homme… mais j’ai découvert que la fragilité humaine existe partout, aussi en France. J’ai vu des mendiants, manifestant parfois beaucoup d’agressivité… je ne l’aurais pas imaginé. J’ai vu à Paris, à Lourdes, à Dijon… des gens, des Français qui quémandent, des gens parfois misérables. Je ne m’y attendais pas.
Une société développée peut se fermer à la solidarité humaine. Tout n’est pas rose.
Si vous deviez préparer une telle visitation d’Église pour des Français venant dans votre pays (le Bénin), que voudriez-vous leur montrer ?
Je leur montrerais la vitalité de la vie autour de nos paroisses. Une messe le dimanche, la ferveur et la joie pour montrer le contraste avec les paroisses françaises.
Je leur montrerais la centrale des œuvres, l’aumônerie pour montrer la pastorale des jeunes/enfants qui est très dynamique chez moi.
Je leur ferais faire un parcours missionnaire depuis la ville d’Ouidah, qui a été la porte d’entrée de l’Évangile dans le pays, en visitant le cimetière où l’on voit les tombes des missionnaires morts parfois très jeunes (de maladie)… nous irions à Abomey pour voir des lieux historiques, la demeure du roi d’Abomey… et nous irions au siège de la Conférence des évêques à Cotonou.
A votre avis, quel est un point fort de l’Église de France ?
C’est très subjectif ma réponse !
Je vois la capacité de cette Église d’être en sortie missionnaire, elle s’en est donné les moyens. Par exemple cette université d’été de la Mission Universelle que j’ai découverte à Vannes. Il y a de la formation, des échanges, on tente de répondre aux défis de notre temps… tous mes vœux pour ces initiatives.
A votre, avis, quels sont les points faibles de cette Église de France ?
C’est très subjectif, ma réponse, que peut-on dire après quinze jours ?
J’insiste…
Je dirais : « le politiquement correct ». Dans l’Église de France, on ne veut pas choquer, heurter les Chrétiens… alors, on fait avec… la proposition chrétienne n’est pas faite de façon tranchante, pour des gens qui assument d’être chrétiens…
Interview réalisée par Antoine Sondag
Vannes, août 2015
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