Prix Nobel de la paix 2018
Le prix Nobel de la paix 2018 est remis lundi 10 décembre à deux symboles de la lutte contre les violences sexuelles employées comme « armes de guerre » dans les conflits : le gynécologue congolais Denis Mukwege, 63 ans, et l’activiste yézidie Nadia Murad, 25 ans, ex-esclave sexuelle du groupe État islamique.
Le 5 octobre, le docteur Mukwege recevait le Prix Nobel de la Paix. C’est un grand bonheur et un honneur pour nous tous qui le connaissons. Nous sommes heureuses que ses efforts, déployés et soutenus pendant plus de 20 ans, soient reconnus mondialement, dans un contexte rendu très vulnérable et très insécurisant.
Qu’évoque en nous le docteur Mukwege ?
- Un homme vaillant qui a fait un choix audacieux, clair et primordial pour venir à la rencontre des femmes, jeunes filles et petites filles, détruites dans leur dignité sur tous les plans et qui a rendu à des milliers des femmes, jeunes et petites filles leur dignité volée arbitrairement, injustement et violemment.
- Un homme pacifique, pacifiant et serein, qui soigne la femme humiliée dans toutes ses dimensions : humaine, corporelle et spirituelle, dans l’espérance et le respect. Il suffit de l’avoir rencontré une fois pour ne plus oublier son visage souriant et son regard interpellant avec grande humanité, comme s’il portait en lui et avec lui l’interrogation grave et permanente de chacune de ses patientes : « Pourquoi tant de violences sur moi ? » ou encore « Que t’ai-je fait ? »
- Un homme aimant qui a permis à tant de victimes d’entrer dans le processus d’un pardon difficile à recevoir et à donner parce que les mêmes atrocités continuent et que leurs victimes continuent de les subir dans une violence indescriptible, le mépris et la solitude (la grande majorité des femmes violées sont mal vues dans la société machiste et certaines sont rejetées par leurs maris comme si elles étaient allées provoquer elles-mêmes ces malheurs). Une conséquence de la superstition dans un contexte teint de relations de dominant-dominé et de rapports de force.
- Un homme coopérant avec d’autres médecins qui, jour et nuit, s’offrent pour que la vie renaisse dans le cœur et le corps de ces meurtries de notre société
- Un homme courageux et persévérant qui remet en question e et dénonce les injustices et les discriminations flagrantes de seigneurs de guerres avec leur arme de combat, leur bombe qui annihile notre devenir.
Oui, nous sommes heureuses qu’il soit remercié à la mesure de son don vaillant et si humaniste. Qu’il vive heureux et longtemps. Qu’il soit remercié à jamais.
Cinthia Banda
(travaille pour une ONG-femmes à Kinshasa et ne veut pas signer de son vrai nom,ce qui en dit long sur le climat en ce mois de campagne électorale au Congo RD)
L’action du docteur Mukwege est relatée dans le film belge « L’homme qui répare les femmes », réalisé en 2015 par Thierry Michel et Colette Braeckman.