Les anges blancs

Quatrième dimanche de carême : celui de « Laetare », c’est-à-dire de la joie.

J’ai envie de dire ou plutôt de crier « et quelle joie, en cette période et dans le monde entier en plus ! »
Si Jésus devait traverser les rues du monde, dans le contexte sanitaire et planétaire actuel, peut-être que beaucoup de gens, moi aussi sans aucun doute, lui demanderaient : « Jésus, mais pourquoi cette situation si tragique ? Avons-nous fait quelque chose de mal ? À qui est-ce la faute ou plutôt qui sont les coupables ? N’est-ce pas par hasard que la fin du monde arrive ? Dis-nous quelque chose, au moins toi, sauve-nous ! »
Je voudrais comprendre le vrai sens de ses paroles – en Jn 9, 1-41 – « … déjà la nuit approche, et personne ne pourra plus agir. Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. » En fait, non seulement nous, mais aussi ceux qui croient – ou se considèrent ou prétendent être – les Grands de ce monde savent comment agir, comment se comporter,  comment faire et surtout quoi dire. Plus les jours passent, plus les statistiques des personnes infectées et des décès augmentent notre inquiétude et notre peur. Nous traversons un méga tunnel profond et sombre sans savoir comment nous en sortir et retrouver un moyen de regarder le ciel bleu et les arbres en fleurs, au début du printemps.

2020.03.26_Anges-blancs. Anges blancs

Je pense beaucoup, et je suis en pleine admiration, à tous les anges blancs(1) – femmes et hommes – avec leurs blouses blanches, avec ces masques, avec ces gants et ces tenues – style astronaute – qui courent, du matin au soir, dans les couloirs des hôpitaux pour essayer de sauver tant de malheureux et d’innocents lentement dévorés par cet étrange ennemi invisible.  Ils ne craignent rien, comme Tu l’as fait avec l’aveugle, en s’approchant pour faire tout ce qui est possible, et même l’impossible, afin de redonner espoir et vie à des milliers de malades.
J’aimerais qu’ils soient soutenus et encouragés à pouvoir accomplir sereinement leur merveilleuse mission – car ce n’est pas un travail ou une profession – au lieu d’entendre l’habituel inaudible refrain « il y a pénurie, mais les masques arriveront ! »
Combien d’émissions, combien de promesses, combien de contradictions, combien de discussions et de débats au niveau national, européen et même international. Beaucoup savaient, beaucoup regardaient, beaucoup croyaient être prêts, beaucoup pouvaient aider, encore maintenant beaucoup continuent de s’accuser et de se justifier… mais au final il y a toujours énormément de mais … non résolus ! Ce n’est plus le temps de jouer « a scaricabarile », autrement dit, d’échapper aux responsabilités et aux devoirs en donnant la faute toujours aux autres.

Même dans le récit de l’évangile « Ainsi donc ils étaient divisés ». Pendant ce temps, les anges blancs poursuivent sans relâche et courageusement – malgré la fatigue et l’épuisement – leur noble et vaillante mission humanitaire, risquant leur propre vie chaque minute afin de sauver d’autres vies humaines.
Tout le monde est confiné, « restez chez vous, restate a casa » – et qui sait combien de temps encore – mais pour sauvegarder essentiellement notre propre vie, celle de ceux que nous aimons, celle de ceux qui nous aiment, celle de chaque être humain parce que nous avons reçu le monde et nous devons le redonner entièrement aux autres.
À l’aveugle qui avait retrouvé sa vue, Jésus lui dit :  » « Crois-tu au Fils de l’homme ? » Il répondit : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? » Jésus lui dit : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. » Il dit : « Je crois, Seigneur ! », et il se prosterna devant lui.  »
Être confiné n’a rien d’agréable, mais nous retrouvons la valeur essentielle de la famille, d’être et du vivre ensemble, et aussi de prier dans nos maisons, symbole des églises domestiques que nous sommes et nous formons. « Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. » Ensemble – avec foi, charité et espérance – nous y arriverons et nous nous en sortirons ! « Ce la faremo e andrà tutto bene ! »

P. Alfonso Bartolotta omi
Nice, le 22 mars 2020

(1) Pendant la Première guerre mondiale, de nombreuses femmes volontaires sont parties au front afin de devenir infirmières : on les a surnommées les "Anges blancs".