Lourdes au temps du confinement

Le 11 mars 2020, l’OMS déclare que l’épidémie du covid-19 a atteint le stade de pandémie. Le monde s’arrête. Quatre jours plus tard, le sanctuaire de Lourdes fermait ses portes. Il s’agit d’une situation inédite dans son histoire.

2020.04.21_Lourdes-Grotte. Lourdes au temps du confinement.

La grotte Massabielle, Lourdes, le 15 mars 2020.

Le sanctuaire, fidèle à sa vocation, est cependant resté un lieu de prière. Depuis le début du confinement, les chapelains du sanctuaire portent la prière en continu à la grotte de Massabielle. Cette prière, en plusieurs langues, se fait entendre dès le point du jour jusqu’au soir. Des milliers de personnes à travers le monde s’y associent par les retransmissions en direct réalisées par TV Lourdes et relayées par la radio et les télévisions catholiques partenaires : KTO pour la France et les pays francophones, EWTN pour l’Amérique du Nord et TV2000 pour l’Italie.

« Dans l’humilité et la discrétion, dans le silence si poignant de notre sanctuaire, nous serons aux pieds de Marie et nous lui présenterons ce monde souffrant, lui demandant inlassablement de prier pour nous maintenant et à l’heure de notre mort »  disait Mgr Olivier Ribadeau Dumas, recteur du sanctuaire, dans une lettre adressée aux chapelains.

Chapelain récemment arrivé au sanctuaire, je suis en train de vivre un temps qui sera tristement marqué dans les annales du sanctuaire.

Je suis arrivé à Lourdes par le même train que de nombreux participants au pèlerinage du Rosaire en octobre dernier. Je l’ai découvert les jours suivants, en reconnaissant les visages de mes compagnons de route. « Ce pèlerinage est parmi les plus beaux de l’année. Inscris-toi ! Deviens pèlerin avant d’être chapelain. C’est une belle porte d’entrée » – m’a dit Mgr Xavier d’Arodes, vice-recteur du sanctuaire. Le lendemain, je me retrouve donc au milieu des pèlerins venus de toute la France. Émerveillé par les conférences et les témoignages de conversion dignes du temps des Apôtres, la beauté des célébrations, je vis à chaque instant de la journée une nouvelle rencontre, une nouvelle découverte. Un début de présence promettant un ministère à la hauteur de mes aspirations missionnaires. Mais vite sont venus les mois d’hiver et ensuite ce triste temps de la pandémie, complètement imprévisible et dur à vivre où il faut chaque jour résister à l’angoisse qui a de quoi s’accrocher dans une telle situation.

Une journée de grand questionnement fut celle du dimanche 29 mars. Je suis descendu à la grotte très tôt le matin. C’était encore la nuit et il faisait froid. Le monde me paraissait triste. La radio que j’avais écoutée avant de quitter ma chambre parlait de plusieurs milliers de malades du coronavirus en France et de la situation tragique en Italie où des centaines de personnes mouraient chaque jour. J’étais le premier chapelain de la journée à prier à la grotte. Tout seul dans ce grand sanctuaire, le regard tourné vers la caméra, je commence en disant : nous sommes très heureux de pouvoir prier pour vous et avec vous qui nous suivez par le biais de la télévision ou de la radio. Je l’ai dit sans aucune conviction, loin d’être vraiment heureux. Une voix intérieure me disait : ne pense pas que quelqu’un puisse prier avec toi si tôt le matin, en ce jour où le changement d’heure nous faisait basculer dans l’heure d’été.

Les jours suivants, je me suis posé beaucoup de questions. Comment vivre dans cette situation où il m’est impossible de rencontrer les pèlerins, les écouter, prier avec eux ? Comment vivre ce confinement qui m’oblige à célébrer la messe tout seul et à manger le pain de l’Eucharistie sans pouvoir le partager avec les autres ? Comment faire face à ce défi de la prière continue à la grotte, transmise en direct par la télévision, alors que je suis toujours tellement mal à l’aise devant une caméra ou un micro de radio, au défi de la prière avec les autres sans les voir en face de moi, ni sentir leur présence ? Tout cela était en contraste avec la vie du sanctuaire que j’ai connu en octobre. L’idée que j’aurais pu être à ce moment-là dans un hôpital auprès des malades, célébrer des obsèques et chercher à consoler les familles en deuil me devenait insupportable et me rendait triste. Combien de temps cette situation va-t-elle durer, demandais-je avec impatience ? Une consolation est venue le jour où un des chapelains m’a dit : je viens de recevoir un message d’une dame qui nous remercie pour la prière à la grotte. Son mari est mort pendant que KTO transmettait le chapelet de Lourdes. Elle veillait son mari et priait avec nous. « Je ne me sentais pas seule. J’étais avec vous et Notre Dame de Lourdes. Merci pour votre présence », disait-elle.

De nombreux témoignages nous sont donnés comme un écho à notre prière continue à la grotte de Lourdes. De nombreuses intentions de prière nous sont confiées. Les prières des personnes malades et des familles en deuil. Les prières de ceux qui ne résistent pas à l’angoisse et perdent leur espérance, des personnes âgées qui vivent dans l’isolement. Les prières pour le personnel soignant, les scientifiques à la recherche d’un traitement et ceux qui exercent le pouvoir public. L’écho de la prière continue à Lourdes me fait découvrir cette communauté invisible des personnes unies par la prière et en même temps la nouvelle dimension de ma mission au sanctuaire. La prière en continu à la grotte en ce temps de confinement donne un nouveau sens à ma vie missionnaire.

La grotte de Massabielle est consacrée par la présence de Marie et par les millions de pèlerins venus du monde entier pour la rencontrer à la suite de Bernadette. Tant de prières y ont été exaucées ! Tant de miracles y ont été réalisés !

Nous continuerons à y prier en ce temps de détresse sans précédent. Nous prierons tout seuls, jusqu’au jour où les portes du sanctuaire seront de nouveaux ouvertes et ensuite avec tout ceux qui viendront pour chanter un cantique en action de grâce aux pieds de Notre Dame de Lourdes.

Dans ce sanctuaire qui est un lieu de prière depuis la première apparition de la Sainte Vierge à Bernadette, vous êtes tous attendus.

 

Krzysztof Zielenda
Oblat de Marie Immaculée