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Résumé et commentaire de Laudato Si’

L’encyclique Laudato si a paru ce 18 juin 2015.

Pour ceux qui ne l’auraient pas encore lue, en voici un résumé en trois pages. On y a ajouté un petit commentaire qui veut mettre en relief les nouveautés et les arrêtes de ce texte largement commenté dans la presse mondiale et sur le web.

 

Antoine Sondag,
le 22 juin 2015.

Quelques points de commentaire sur l’encyclique Laudato Si…

1. L’encyclique constitue une étape nouvelle dans la pensée sociale de l’Eglise. Ce n’est pas une encyclique sur le changement climatique ou l’environnement ou l’écologie au sens étroit du terme. C’est un document qui prend place dans la série de Rerum Novarum (1891 sur l’industrialisation et la misère ouvrière), de Quadragesimo Anno (1931, sur l’ordre social et la subsidiarité), de Pacem in Terris (1963, la paix entre les nations), Populorum Progressio (1967, sur le développement des peuples pauvres), Centesimus Annus (1991, la critique du néo-libéralisme et la nécessité d’une éthique en matière économique et politique)… Laudato si porte un regard critique sur l’évolution des sociétés globalisées, sur le néo-libéralisme triomphant et sur la croyance naïve dans les vertus du marché et du progrès technique.

2. Laudato si est un appel à une révolution écologique, un changement de paradigme, selon les mots de l’encyclique. C’est à dire un changement de nos manières de pensée, de notre regard. Un paradigme, c’est l’ensemble des expériences, des croyances et des valeurs qui influencent la façon dont une société perçoit la réalité, réagit et construit l’avenir.

3. Ce paradigme –l’écologie intégrale– n’entre pas en compétition avec des paradigmes scientifiques (l’état de la science actuelle) ou politique (conservatisme, libéralisme, social-démocratie…). « L’Eglise n’a pas la prétention de juger des questions scientifiques ni de se substituer à la politique, mais j’invite à un débat honnête et transparent… pour le bien commun » (& 188). Ce nouveau paradigme est une pensée critique à l’égard des évidences de sens commun, et une sollicitude active (le soin, care en anglais, pour la maison commune, selon le sous-titre de l’encyclique), un soin de la planète pour les générations actuelles et futures.

4.Ce nouveau paradigme demande de bâtir de nouveaux modèles de développement, de définir à frais nouveaux le progrès. « Il ne suffit pas de concilier en un juste milieu la protection de la nature et le profit financier… il s’agit de redéfinir le progrès » (& 194). Ce progrès ne se confond pas avec la croissance, avec l’accumulation de richesses matérielles, avec l’augmentation du PIB… le vrai progrès consiste à augmenter la qualité de la vie. Voilà un vaste domaine de recherche ouvert : comment définir la qualité de vie ? comment la mesurer ? comment la faire croître ? etc.

5. Les connaisseurs de la pensée sociale de l’Eglise n’identifieront pas tant d’accents totalement nouveaux dans cette encyclique. La nouveauté, c’est la synthèse d’éléments déjà connus replacés dans une puissante réflexion globale. Le pape François appelle à abandonner les logiques de domination, d’exploitation, de gaspillage, de prédation, les cultures du déchet… au profit de logique de don, de beauté, de qualité de vie, de spiritualité… Il reprend l’enseignement de ses prédécesseurs sur la relation étroite entre les pauvres et la fragilité de la planète, les pauvres premières victimes des dérèglements climatiques ; la critique de la technologie ; la critique de la foi naïve dans les vertus du marché qui prétendrait détenir à lui-seul les solutions à nos problèmes collectifs ; l’invitation à chercher d’autres façons de comprendre l’économie et le progrès ; la dignité de chaque être humain ; la nécessité de débats sincères et honnêtes où l’on donne une place à toutes les parties prenantes, surtout les plus pauvres et les moins représentés ; la responsabilité de la politique internationale mais aussi locale ; le lien entre changement des politiques publiques et modifications des modes de vie ; la contribution de l’éducation et de la spiritualité …

6.Quelques points saillants de cette encyclique.
6.1. Crise écologique et crise sociale ne font qu’un. « Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale… (il faut) une approche intégrale pour combattre la pauvreté, pour rendre la dignité aux exclus et simultanément pour préserver la nature » (& 139).
6.2. Contre le messianisme de la technique et du marché. « La technologie et son développement (est devenue) un paradigme homogène et unidimensionnel… l’idée d’une croissance infinie ou illimitée a enthousiasmé beaucoup d’économistes, de financiers et de technologues… l’économie actuelle et la technologie ne résoudront pas tous les problèmes environnementaux… le marché ne garantit pas en soi le développement humain intégral ni l’inclusion sociale… » (& 106-108-109). Une nouvelle éducation doit viser à « une critique des mythes de la modernité : individualisme, progrès indéfini, concurrence, consumérisme, marché sans règles… » (&210)
6.3. Pour la régulation en économie. « Le principe de maximalisation du gain… est une distorsion conceptuelle de l’économie… on ne peut pas justifier une économie sans politique qui serait incapable de promouvoir une autre logique…la logique qui ne permet pas d’envisager une préoccupation sincère pour l’environnement est la même qui empêche de nourrir le souci d’intégrer les plus fragiles… » (& 195-196). « L’environnement fait partie de ces biens que les mécanismes du marché ne sont pas en mesure de défendre ou de promouvoir de façon adéquate » (& 190)
6.4. Pour la gestion en commun des biens communs globaux. « La gestion des océans (exemple) il faut un accord sur les régimes de gestion pour ces ‘biens communs globaux’… la maturation d’institutions internationales devient indispensable… plus fortes… efficacement organisées… une véritable autorité politique mondiale » (&174-175).
6.5. Pour un changement des modes de vie. « Le paradigme d’efficacité de la technocratie… mène à une culture consumériste qui donne priorité au court terme et à l’intérêt privé… » (&189 et 184). « Le consumérisme compulsif … et obsessif et le reflet subjectif du paradigme techno-économique » (& 203).

7. L’encyclique est un exercice pratique de collégialité pour l’Eglise catholique. 14 conférences épiscopales sont citées, mais pas la française. En plus du CELAM et du FABC.

8. L’encyclique est un exercice pratique d’œcuménisme. « Je voudrais recueillir… l’apport du cher Patriarche œcuménique Bartholomée… » (&7). C’est la première fois dans une encyclique qu’un chrétien non catholique est cité comme source de la pensée de l’Eglise. Le pape résume la pensée de Bartholomée comme source d’inspiration (& 8-9).

9. L’encyclique appelle au dialogue :
9.1. Dialogue entre chrétiens. Voir l’œcuménisme au point 8.
9.2. Dialogue avec les scientifiques et les politiques et au dialogue entre eux.
9.3. L’encyclique cite des auteurs profanes (ce qui est rare dans les encycliques) : le philosophe Ricoeur et surtout le théologien allemand Guardini. Scannone, argentin a aussi droit à une citation ! La pensée sur la technique est fondée sur Guardini et non sur Ellul ! Un mystique musulman soufi est cité en note : Ali al-Khawwas (& 233).
9.4. Dialogue avec les « personnes concernées », c’est-à-dire surtout les plus démunis des habitants affectés par des projets de « développement ». Le pape est soucieux que toutes les parties prenantes aient droit au chapitre, surtout dans les pays où la mal gouvernance et la corruption entravent les processus démocratiques.

 

LAUDATO SI’: un résumé

 L’Encyclique tire son titre du poème de saint François d’Assise, « Loué sois-tu, mon Seigneur » qui, dans le Cantique des Créatures, rappelle que la terre est aussi comme une sœur et une mère.

Le cri de la nature maltraitée et le cri des pauvres abandonnés montent jusqu’à Dieu. Avec le Patriarche Bartholomée, le pape François qualifient les atteintes à l’environnement de péchés. La réponse appropriée à cette prise de conscience est une conversion écologique globale (& 5). Sont inséparables la préoccupation pour la nature, la justice envers les pauvres, l’engagement pour la société et la paix intérieure.

encyclique

Le parcours de l’Encyclique Laudato si’ est construit autour du concept d’écologie intégrale, comme un paradigme capable d’articuler les relations fondamentales de la personne : avec Dieu, avec lui-même, avec d’autres êtres humains et avec la création. Le plan de l’encyclique reflète la méthode voir-juger-agir, avec une partie additionnelle sur l’éducation, la spiritualité et la célébration.

L’encyclique commence (chap. I) par un panorama des résultats scientifiques disponibles aujourd’hui sur les questions environnementales, pour ensuite « en faire voir la profondeur et de donner une base concrète au parcours éthique et spirituel qui suit » (15) : la science est l’instrument privilégié à travers lequel nous pouvons écouter le cri de la terre.

Le chapitre II est la reprise de la richesse de la tradition judéo-chrétienne, en puisant dans les textes bibliques, puis dans l’élaboration théologique de la tradition chrétienne. L’analyse se dirige ensuite (chap. III), « aux racines de la situation actuelle, pour que nous ne considérions pas seulement les symptômes, mais aussi les causes les plus profondes » (15).

Le but est d’élaborer un nouveau paradigme : celui d’une écologie intégrale (chap. IV).

Le chapitre V présente une série d’orientations et d’actions pour un renouvellement de la politique internationale, nationale et locale, des processus de décision dans le secteur public et des entreprises, du rapport entre politique et économie, entre religions et sciences, tout cela dans un dialogue transparent et honnête, qui donne la parole à toutes les parties prenantes.

A partir de la conviction que « tout changement a besoin de motivations et d’un chemin éducatif », le chap. VI propose des pistes pour une éducation et une spiritualité conformes à ce nouveau paradigme d’une écologie intégrale.

De nombreux thèmes sont traités au fil du texte : « l’intime relation entre les pauvres et la fragilité de la planète ; la conviction que tout est lié dans le monde ; la critique du nouveau paradigme et des formes de pouvoir qui dérivent de la technologie ; l’invitation à chercher d’autres façons de comprendre l’économie et le progrès ; la valeur propre de chaque créature ; le sens humain de l’écologie ; la nécessité de débats sincères et honnêtes ; la grave responsabilité de la politique internationale et locale ; la culture du déchet et la proposition d’un nouveau style de vie » (16).

Le dialogue que le Pape François propose comme une façon d’aborder et de résoudre les problèmes environnementaux est pratiqué dans le texte même de l’Encyclique, et se réfère à la contribution des philosophes et des théologiens catholiques, mais aussi orthodoxes (tel que le Patriarche Bartholomée) et protestants (le français Paul Ricoeur), en plus du mystique islamique Ali Al-Khawwas.

I. CE QUI SE PASSE DANS NOTRE MAISON

Ce chapitre inclut les dernières découvertes scientifiques sur l’environnement comme une façon d’écouter le cri de la création, « reconnaître la contribution que chacun peut apporter » (19). Les questions abordées sont les suivantes : la pollution, le changement climatique, l’eau, la perte de la biodiversité, la détérioration sociale, les inégalités planétaires, la faiblesse des réactions devant ces drames !

II. L’EVANGILE DE LA CREATION (& 62)

La complexité de la crise écologique nécessite un dialogue multiculturel et pluridisciplinaire qui inclut la spiritualité et la religion. La foi offre « de grandes motivations pour la protection de la nature et des frères et sœurs les plus fragiles » (64) ; les obligations envers la nature font partie de la foi chrétienne.

III. LA RACINE HUMAINE DE LA CRISE ECOLOGIQUE

Ce chapitre présente une analyse de la situation actuelle, « pour que nous ne considérions pas seulement les symptômes, mais aussi les causes les plus profondes » (15), en dialoguant avec la philosophie et les sciences humaines.

IV. UNE ECOLOGIE INTEGRALE

Le cœur de la proposition de l’encyclique est l’écologie intégrale comme un nouveau paradigme de la justice, une écologie « qui incorpore la place spécifique de l’être humain dans ce monde et ses relations avec la réalité qui l’entoure » (& 15). En effet, nous ne pouvons « concevoir la nature comme séparée de nous ou comme un simple cadre de notre vie » (& 139). Cela est vrai dans différents domaines : en économie et en politique, dans différentes cultures, en particulier les plus menacées, et même dans chaque instant de notre vie quotidienne.

Il existe un lien inséparable entre les questions environnementales et les questions sociales et humaines. Par conséquent, il est « fondamental de chercher des solutions intégrales qui prennent en compte les interactions des systèmes naturels entre eux et avec les systèmes sociaux. Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale » (& 139).

V. QUELQUES LIGNES D’ORIENTATION ET D’ACTION

Ce chapitre aborde la question de ce que nous pouvons et devons faire. Les analyses seules ne suffisent pas : il faut des propositions « d’action qui concernent aussi bien chacun de nous que la politique internationale » (& 15) et « à même de nous aider à sortir de la spirale d’autodestruction dans laquelle nous nous enfonçons » (& 163). Il est essentiel que la construction des pistes concrètes ne soit pas abordée de manière idéologique ou réductionniste. C’est ainsi que le dialogue est indispensable. Ce mot est présent dans le titre de chaque section de ce chapitre.

VI. EDUCATION ET SPIRITUALITE ECOLOGIQUES

1. Miser sur un autre style de vie : malgré la culture du consumérisme, « tout n’est pas perdu, parce que les êtres humains … peuvent aussi se surmonter » (& 205). Le changement des modes de vie et des choix de consommation ouvre de grandes possibilités : « Quand nous sommes capables de dépasser l’individualisme, un autre style de vie peut réellement se développer et un changement important devient possible dans la société » (& 208).

2. Éducation pour l’alliance entre l’humanité et l’environnement

3. La conversion écologique : la foi et la spiritualité chrétiennes offrent de profondes motivations «pour alimenter la passion de la préservation du monde » (& 216), sachant que le changement climatique individuel n’est pas suffisant : « On répond aux problèmes sociaux par des réseaux communautaires » (219).

4. Joie et paix : « La sobriété, qui est vécue avec liberté et de manière consciente, est libératrice » (& 223), tout comme « le bonheur requiert de savoir limiter certains besoins qui nous abrutissent, en nous rendant ainsi disponibles aux multiples possibilités qu’offre la vie » (& 223).

5. Amour civil et politique : « Une écologie intégrale est aussi faite de simples gestes quotidiens par lesquels nous rompons la logique de la violence, de l’exploitation, de l’égoïsme » (& 203), tout comme il existe une dimension civique et politique de l’amour : « L’amour de la société et l’engagement pour le bien commun sont une forme excellente de charité » (& 231). « Au sein de la société germe une variété innombrable d’associations qui interviennent en faveur du bien commun en préservant l’environnement naturel et urbain » (& 232).

 Laudato Si – Quelques points de commentaire

Laudato Si – Résumé

Traduction espagnole du résumé et du commentaire de l’encyclique… Encíclica Francisco Resumen

Sur le sujet de la gouvernance globale abordée dans l’encyclique, on lira aussi  « La gouvernance mondiale, de quoi s’agit-il? »