« Le Christ est vivant ! »
Le pape a publié ce 2 avril 2019 l’exhortation post-synodale concernant les jeunes (synode d’octobre 2018). Le titre est : « Le Christ est vivant ! » Le texte fait environ 50 pages. On trouvera le texte complet, dans une dizaine de langues. Ci-dessous, on pourra lire un résumé de cette exhortation, en version longue (document attaché en PDF) et en version brève, voir ci-dessous. Accompagné de quelques commentaires. Bonne lecture !
Présentation/lecture de ce grand texte qui invite à oser vivre l’amitié avec le Christ…
(Résumé, version brève)
« Il vit, le Christ, notre espérance et il est la plus belle jeunesse de ce monde. Tout ce qu’il touche devient jeune, devient nouveau, se remplit de vie» §1
Ainsi démarre l’exhortation apostolique post-synodale Christus vivit écrite par le Pape François sous la forme d’une lettre aux jeunes et à tout le peuple de Dieu. Ce texte a été rendu public ce 2 avril 2019, cinq mois après la fin du synode des évêques sur « les jeunes, la foi et le discernement vocationnel » qui s’est déroulé à Rome en octobre dernier. Ce texte magistériel est aussi le fruit de tout un processus synodal. Dans l’introduction le Saint-Père nous dit d’ailleurs s’être laissé « inspirer par la richesse des réflexions et des échanges du Synode de l’année passée ». Et le texte cite abondamment le Document final du synode (DF) ainsi que le Document final du pré-synode. Cette exhortation post-synodale est composée de neuf chapitres que l’on peut considérer comme un véritable petit traité de vie spirituelle et pastorale.
Chapitre un et deux. Cette exhortation démarre par un parcours biblique qui nous permet de méditer sur ce « que dit la Parole de Dieu sur les jeunes » comme l’indique le titre du premier chapitre. A travers différentes figures de l’Ancien-Testament – Joseph, Gédéon, Samuel, David, Salomon – et du Nouveau Testament suivi dans le chapitre deux par une réflexion sur la jeunesse de Jésus, le Pape François nous conduit vers une méditation sur la jeunesse de l’Église appelée à toujours se renouveler. Parce que la jeunesse est une attitude du cœur, l’Église est appelée à se laisser rénover en retrouvant l’essentiel, l’élan du premier amour. Pour cela elle doit être attentive aux signes des temps qu’elle peut lire quand elle « se laisse interpeller et stimuler par la sensibilité des jeunes » §42. L’Église doit dépasser ses craintes et prêter « attention aux revendications légitimes des femmes qui demandent plus de justice et d’égalité. » et « donner sa contribution avec conviction pour une plus grande réciprocité entre hommes et femmes » §42. L’accent est donc mis sur une vision spirituelle de l’Église qui appelle à chacun à marcher à la suite du Christ sur un chemin de conversion.
Le chapitre trois intitulé « Vous êtes l’aujourd’hui de Dieu » présente une vision plus sociologique de la jeunesse en posant un regard sur les jeunes d’aujourd’hui, leurs caractéristiques, leurs conditions de vie. S’il commence par les éléments positifs, il prend le temps de souligner à la suite des pères synodaux tous les nombreux problèmes et défis auxquels sont confrontés les jeunes dans ce monde en crise. L’Église a entendu leurs cris et souffrances nombreux, ils sont souvent les premières victimes de la violence, des guerres, de la pauvreté, de l’exclusion et l’Église se doit de reconnaître les drames des jeunes et regarder ces réalités douloureuses avec un cœur compatissant plein de larmes. Il est aussi intéressant de noter au §81 la prise en compte de l’importance du corps et de la sexualité pour les jeunes, appréhendés comme essentiels « pour leur vie et pour le chemin de croissance de leur identité. »
S’en suit un focus sur trois thèmes considérés comme majeurs durant le synode :
• Le monde numérique §86-90 comme un milieu de vie façonnant la culture des jeunes, avec une analyse des opportunités et menaces qu’il présente.
• Les migrants comme paradigme de notre temps §91-94
• La lutte contre les abus §95-102 dans une longue partie intitulée « mettre fin à tous genres d’abus » qui tout en dénonçant le fléau des abus revient aussi sur l’analyse des causes et la nécessité d’agir.
Le chapitre 4 intitulé « la grande annonce pour tous les jeunes », prend la forme d’une catéchèse biblique pour annoncer aux jeunes le message central de la foi chrétienne : Dieu est amour, Dieu aime chacun. Dieu est « un Père qui voit tes besoins et respecte ta liberté » §112 « Pour Dieu tu es précieux et important » §115. Puis le Pape poursuit son annonce du kérygme : le Christ te sauve et Il vit ! Le Christ est ainsi présenté aux jeunes comme un Ami avec qui l’on peut tout traverser, l’Ami qui fait vivre et rend chacun plus vivant. Ainsi au §129 « Si tu parviens à apprécier, avec le cœur, la beauté de cette nouvelle, et que tu te laisses rencontrer par le Seigneur, si tu te laisses aimer et sauver par lui, si tu entres en amitié avec lui et commences à parler avec le Christ vivant des choses concrètes de ta vie, tu feras la grande expérience, l’expérience fondamentale qui soutiendra ta vie chrétienne. »
J’ai confiance en vous…
Le chapitre 5 est intitulé « chemins de la jeunesse » dans lequel est affirmé avec force que « la jeunesse est un don de Dieu » car « Dieu est l’auteur de la jeunesse, et il œuvre en chaque jeune. La jeunesse est un temps béni pour le jeune, et une bénédiction pour l’Église et pour le monde. Elle est une joie, un chant d’espérance et une béatitude. »§135 S’en suit une belle réflexion anthropologique sur ce qu’est fondamentalement cette période particulière de la vie : un temps de rêve et de choix…
Le chapitre 6 est intitulé « des jeunes avec des racines », il est à contre-courant du monde actuel qui valorise souvent l’instantanéité, un culte de la jeunesse et de l’apparence, une vie superficielle. Ce chapitre vient proposer un « un autre chemin, fait de liberté, d’enthousiasme, de créativité, d’horizons nouveaux, mais en cultivant en même temps ces racines qui nourrissent et soutiennent. » Un chemin qui passe par un sain enracinement dans une culture, une histoire.
Le chapitre 7 est ensuite consacré à la Pastorale des jeunes. Il plaide pour une pastorale synodale car la synodalité est la clé de l’évangélisation des jeunes, la manière même de transmettre la foi aujourd’hui. Et les mots-clés pour vivre cette pastorale d’un nouveau style avec et pour les jeunes sont : audace, créativité, flexibilité, proximité, gratuité, participation, coresponsabilité, proximité. Il s’agit d’un « marcher ensemble » dans la diversité « qui implique une « mise en valeur des charismes que l’Esprit donne selon la vocation et le rôle de chacun des membres [de l’Église], à travers un dynamisme de coresponsabilité. »
« L’école catholique reste essentielle comme espace pour l’évangélisation des jeunes. »§222 Il présente ensuite différents domaines à prendre en compte pour le développement pastoral §224-229 : la prière et la liturgie, le service des autres, les expressions artistiques, le sport, la protection de l’environnement – est ici mentionné le scoutisme – l’Eucharistie et le Sacrement du pardon. S’ensuit un plaidoyer pour une pastorale populaire à même de rejoindre les jeunes des périphéries.
Le chapitre 8 aborde le thème important de la vocation « compris au sens large comme appel de Dieu. La vocation inclut l’appel à la vie, l’appel à l’amitié avec lui, l’appel à la sainteté, etc. »§248 A la lumière de la Bible et du Concile Vatican II la vocation est ici présentée comme un appel pour chacun – toute vie est vocation – l’appel à l’amitié avec le Christ. Mais est surtout soulignée ici « la vocation entendue dans le sens précis d’un appel au service missionnaire des autres ». L’enjeu est alors de « penser que toute pastorale est vocationnelle, toute formation est vocationnelle et toute spiritualité est vocationnelle. »
La vocation fondamentale de tout être humain est une vocation à l’amour. En s’appuyant sur Amoris Laetitia (résumé et commentaire) l’exhortation présente d’abord la vocation au mariage. Tout en ayant conscience qu’il n’est pas facile de poser ce choix durable dans la culture du provisoire qui prévaut actuellement, le Pape François n’hésite pas à dire clairement aux jeunes « J’ai confiance en vous, et pour cela je vous encourage à opter pour le mariage. » Puis le §267 consacré aux célibataires rappelle que « la première vocation, et la plus importante, est la vocation baptismale ».
Est ensuite abordée une autre dimension de la vocation qu’est la dimension du travail. « Le travail définit et affecte l’identité et l’estime de soi d’un jeune adulte et c’est un lieu fondamental où se développent des amitiés et d’autres relations parce que, généralement, on ne travaille pas seul. » §268 Aussi il les invite à discerner leur travail comme une vocation en lui donnant du sens.
Enfin il aborde les vocations à une consécration particulière en proposant aux jeunes de ne pas exclure de leur discernement « la possibilité de se consacrer à Dieu dans le sacerdoce, dans la vie religieuse ou dans d’autres formes de consécration. »§276
Le chapitre 9 consacré au discernement de « sa propre vocation dans le monde » commence par s’arrêter sur ce lieu fondamental de la formation de la conscience « qui permet au discernement de grandir en profondeur et dans la fidélité à Dieu. »§281 Puis il indique concrètement aux jeunes comment discerner sa vocation. Cette démarche de discernement requiert d’abord un engament personnel « parce qu’il s’agit d’une décision très personnelle que d’autres ne peuvent pas prendre pour quelqu’un » §283 et surtout le moyen du silence et de la prière. Le Pape liste aussi les bonnes questions à se poser… Le discernement vocationnel proposé par le Pape François aux jeunes comme un modèle susceptible de leur parler est un « discernement d’amitié ». Est ensuite explicité le moyen spirituel habituel du discernement qu’est l’accompagnement par des ainés capables d’écoute attentive et désintéressée, aidant à discerner ce qui vient du bon ou du mauvais esprit, et pouvant entrer dans une disposition d’écoute profonde permettant à l’autre à aller de l’avant sous l’impulsion de l’Esprit.
Et pour conclure le Pape François exprime un dernier désir aux jeunes : « Chers jeunes, je serai heureux en vous voyant courir plus vite qu’en vous voyant lents et peureux… ».
Sr Nathalie Becquart, xavière
Auditrice au synode et coordinatrice générale du pré-synode
Le Christ est vivant !
Exhortation apostolique post-synodale
Quelques éléments de commentaire :
- Un synode se termine en général par la publication d’un texte du pape, appelé exhortation apostolique post-synodale. Ce texte reprend les conclusions de ce synode. Pour cette exhortation Le Christ est vivant, il faut signaler la rapidité de la publication (4 mois au lieu de 12 ou 15) et la brièveté du texte : 50 pages.
- L’exhortation se présente comme une lettre aux jeunes (avec tutoiement de rigueur à la mode latino !). Cette Lettre aux jeunes est aussi adressée à « tout le peuple de Dieu ». Les jeunes la liront comme un message pour eux, les autres comme un traité de spiritualité (genre littéraire tombé en désuétude en France !) car la jeunesse est aussi le mot et la métaphore pour dire : nouveauté, un avenir est possible, un avenir différent est possible, liberté, renouvellement, enthousiasme, créativité… des thèmes à travailler sur le plan personnel, sur le plan spirituel, sur le plan chrétien.
- On trouvera bien sûr dans ce texte, largement de la main du pape lui-même (on y retrouve son style), les thèmes favoris du pontificat: les migrants, la société numérique, les abus dans l’Eglise et dans la société, la démarche inductive (on commence par regarder, accueillir la réalité), le discernement, l’accompagnement, la pastorale populaire…
- Sur la vocation. Il est maintenant clair que ce mot ne désigne pas (seulement) les vocations religieuses ou sacerdotales. Tout jeune a une vocation, est une vocation, tout jeune a une mission en ce monde, est une mission. Toute pastorale des vocations doit donc s’ouvrir amplement à toutes les formes de vocation au sein du peuple des baptisés.
- On remarquera le & 267 : on y parle du célibat non choisi (très fréquent dans un pays comme la France). C’est sans doute la première fois dans un texte de pape, qu’on évoque cette réalité : une vocation de chrétien qui n’est ni la vie religieuse ou le sacerdoce, ni le mariage. Et qui n’est pas vraiment choisie.
- Selon son habitude, le pape François cite amplement des auteurs (Guardini, son théologien favori) et des conférences épiscopales (le pape illustre ainsi son discours sur la synodalité dans l’Eglise) par exemple ici la Suisse, la Corée, l’Argentine et la Colombie. Il cite surtout le Document Final de la 15e assemblée ordinaire du Synode (c’est-à-dire le Synode qui s’est tenu à Rome en octobre 2018). Il cite aussi, et c’est plus étonnant, le document de la réunion pré-synodale pour la préparation de la 15e assemblée du Synode, c’est-à-dire la réunion de jeunes venus du monde entier tenue à Rome en avril 2018. Comme si le document final de cette rencontre de jeunes avait une valeur magistérielle ?
- Le plus important dans ce texte n’est pas le texte. Mais la méthode large de participation engagée pour préparer le synode. Questionnaire envoyé dans les diocèses et les paroisses. Invitation à créer des groupes de réflexion pour répondre aux questions des Lineamenta. Synthèse des réponses obtenues. Y compris par les réseaux sociaux. Assemblée pré-synodale avec des personnes concernées (ici les jeunes). Assemblée synodale avec des observateurs nombreux. Publication du document final du synode (avec les recommandations) avant la publication de l’exhortation du pape. Cela tranche fortement avec certains synodes tenus précédemment.
Le processus et la méthode utilisée pour ce synode sont plus importants que le résultat, à savoir le texte final qu’on peut lire. C’est une illustration et le commencement d’une pratique synodale de la gouvernance dans l’Eglise.
Antoine Sondag,
3 avril 2019
Sur le site de la Conférence des évêques de France : Exhortation apostolique post-synodale : Christus vivit