Dieu est assez grand pour se défendre tout seul

Léonard Katchekpelé est intervenu lors de l’université d’été du SNMUE. Et il vient de publier un livre chez Lessius « Dieu est assez grand pour se défendre tout seul, Apologie du témoin ». Il a donné une interview pour le site de la Mission universelle.

 

Léonard Katchekpelé à l'Ermitage Saintez-Thérèse de Lisieux pendant l'université d'été en août 2018

Léonard Katchekpelé à l’Ermitage Sainte-Thérèse de Lisieux pendant l’université d’été du SNMUE en août 2018

 

Je m’appelle Léonard Katchekpelé, je suis prêtre du diocèse d’Atakpamé au Togo, j’ai 35 ans, prêtre dans le diocèse de Metz. J’ai d’abord été accueilli comme prêtre étudiant, en théologie et en droit canonique. Et je suis actuellement prêtre fidei donum (donc en mission pastorale) et aumônier des étudiants de l’université de Metz, et juge à l’officialité à Metz.

Q : Tu es venu à Lisieux ce jeudi 23 août pour intervenir dans le cadre de l’université d’été du service de la Mission universelle. Quel a été ton message pour les participants ?

Mon intervention s’est articulée autour de deux axes. Le premier -l’apologie du témoin- a développé l’idée que le trait d’union dans le mot titre de cette université d’été (disciple-missionnaire), entre disciple et missionnaire, devait prendre en compte l’idée du témoignage chrétien.

Le disciple est celui qui écoute, le missionnaire est celui qui parle. A moins de n’être qu’une caisse de résonance, il y a une étape intermédiaire à prendre en compte, à savoir voir Dieu à l’œuvre dans nos vies, passer de l’écoute à la vision afin de pouvoir annoncer Dieu avec nos mots à nous, au travers de notre vie à nous.

Cela nous libère de la crainte obsessionnelle d’échouer, car la parole du témoin n’a pas vocation à faire l’unanimité, comme celle du Christ lui-même, elle en rassure certains et en dérange d’autres.

Le deuxième axe, c’est le passage du témoin. Il s’agit de s’interroger sur la manière d’aider les autres à devenir témoin à leur tour. On a exploré le statut du disciple dans l’évangile de Jean, où il est question de prendre le temps de demeurer avec le Christ. D’expérimenter quelque chose de la vie éternelle et d’y faire entrer d’autres.

J’ai insisté sur trois éléments : le modèle de l’appel qui se fait de personne à personne ; le modèle de la mission qui demande une hospitalité qui prend son temps ; le modèle de la transmission qui n’est pas transmission d’un contenu mais qui relève plutôt de l’accompagnement. Un peu comme un noviciat plutôt qu’une école.

 

Q : Tu viens de publier un nouvel ouvrage : Dieu est assez grand pour se défendre tout seul, Apologie du témoin, Lessius (100p, 12 €)…  Au-delà du titre ironique, quelle vérité de la foi est visée ?

Le titre est ironique. Parce que je crois que Dieu est ironique avec nous. L’ironie de Dieu consiste dans ces choses ou situations auxquelles nous accordons de l’importance et qui pour lui, sont secondaires. On ne peut pas ne pas y penser quand on entend Jésus nous dire en Mathieu : que Salomon lui-même dans toute sa splendeur rougit de honte devant les lys des champs qui se lèvent le matin pour se faner le soir.

Mais il y va aussi d’une vérité essentielle de la foi : si nos efforts pour témoigner de Dieu dans le monde d’aujourd’hui peuvent parfois échouer, nous ne sommes pas autorisés à confondre nos échecs avec l’échec de Dieu. C’est dans ce sens, que Dieu est et sera toujours assez grand pour se défendre tout seul. Face à tous ceux qui l’attaquent d’une façon ou d’une autre. Ce qu’il nous demande, ce n’est pas d’être ses avocats, c’est d’être des témoins.

 

Q :Tu insistes sur cette catégorie de témoin… Est-ce pareil ou différent de la catégorie de baptisé, de pratiquant, de disciple-missionnaire selon le pape François ?

Dans le livre, j’ai essayé de saisir la figure du chrétien à travers plusieurs angles. Qui donnent leur nom aux chapitre : le veilleur, l’insolent, le saint, le pèlerin… et on peut y ajouter ceux de disciple, de missionnaire, de baptisé… A mon sens, c’est la figure du témoin qui donne une unité à toutes ces façons fragmentées de nommer le chrétien. Parce que le chrétien est à la fois celui qui a vu Dieu à l’œuvre, qui peut dire avec assurance qu’il l’a vu, sans obliger personne à le croire

Et qui atteste malgré le refus, malgré l’indifférence que la rumeur de Dieu ne s’arrêtera jamais.

Et, de plus, ce mot de témoin est à rapprocher de son étymologie grecque, de martyr : celui qui donne sa vie pour la vie du monde. Et qui au plus haut point me parait être le disciple à la perfection.

 

Q : quand tu as écrit ce livre, tu pensais à qui ? Pour qui as-tu écrit ce livre ?

Ce livre a pris du temps à mûrir, mais ce qui m’a décidé à l’achever et à le publier, c’est mon expérience d’aumônier d’étudiants depuis deux ans.

Vivre la foi en milieu universitaire est souvent un exercice compliqué pour les jeunes que j’accompagne. Tantôt ils s’affichent catholiques, et alors ils sont relégués à la marge pour raison de laïcité… Et quand, prenant acte de cette situation, ils s’organisent entre eux, alors ils prennent le risque d’être traités de communautaristes…. C’est une situation qui soulève la question centrale : comment vivre sa foi dans la société actuelle ?

Je pense que c’est à eux en premier que j’ai voulu m’adresser en insistant sur l’idée que prendre la posture du témoin, c’était s’engager sur une voie de liberté. Mais je pense et peut-être est-ce prétentieux, que ce livre peut intéresser tout chrétien. Et je m’y suis permis aussi de m’adresser à l’athée triomphant, qui pourrait tirer profit profit à comprendre qu’être chrétien est une expérience de liberté.

 

Interview recueillie le 24 août par Antoine Sondag.