Révolution fraternelle, le cri des pauvres
Le cri entendu par Véronique Fayet, présidente du Secours catholique-Caritas France, n’est pas seulement le cri des pauvres , c’est aussi celui de la planète et de la démocratie menacée.
Le Secours catholique est né il y a 70 ans pour répandre une « contagion de la charité » dans la France d’alors, en pleine reconstruction. Le mot de charité a malheureusement en français courant des connotations qui n’ont rien de théologiques : attitude un peu hautaine, descendante, paternaliste… Ces vingt dernières années, le Secours catholique a modifié sa culture d’origine et se présente aujourd’hui comme un organisme qui lutte contre les inégalités et l’exclusion, qui éveille à la solidarité et à la fraternité, qui construit avec ses partenaires une société de partage. « Ce qui rend heureux, c’est d’être dans l’échange. On n’a pas besoin d’être aidés, on veut s’entraider. Préférer l’entraide. .. Notre association portait cette tradition d’aider ceux qui étaient en difficulté. Mais s’entraider veut dire que chacun apporte ses talents, ses compétences. C’est à partir de là qu’il devient possible de construire une autre société. Sans hiérarchiser les savoirs, sans adopter une posture de surplomb… L’ensemble de la société doit se saisir, de manière urgente, de cette façon de penser et d’agir autrement » (p 26-27).
Pour que le Secours devienne, non une association de personnes bénévoles ou généreuses, mais une association de pauvres et de précaires, il reste certes un long chemin à parcourir.
La crise récente des Gilets jaunes montre qu’il est possible de faire descendre dans la rue des personnes du bas de la hiérarchie des revenus, du bas de l’échelle sociale, ceux qui ont peur d’être déclassés, de tomber un jour dans la pauvreté…. Mais ceux qui sont aujourd’hui tout en bas, les pauvres, monétairement ou autrement, ceux qui sont exclus, il est très difficile de les mobiliser. C’est une de leurs caractéristiques, ils votent peu. C’est une pauvreté de plus pourrait-on dire. Le Secours catholique a su en organiser quelques-uns pour les faire participer au grand débat national.
les pauvres n’ont pas choisi cette vie, ce sont des gens qui se battent… les pauvres ont beaucoup à nous apprendre
Ce petit livre, 40 pages, déconstruira beaucoup d’idées fausses concernant la pauvreté. Il est publié dans la collection Ceux qui marchent contre le vent des Éditions Indigène, rendue mondialement célèbre par la publication du « Indignez-vous » par Stéphane Hessel, vendu à plus d’un million d’exemplaires en France et traduit partout sur terre.
Un scoop : lorsque le président Macron préparait son plan de lutte contre la pauvreté (été 2018), il a rencontré des associations humanitaires. Il a écouté. Il a été convaincu qu’il fallait partir de ce que vivent les gens, et il a accepté d’aller à leur rencontre, hors caméra… une demi-journée avec des militants quart-monde où il a écouté des gens qui vivent la pauvreté depuis très longtemps. Il a été touché par cette vérité. Il a présenté son plan de lutte contre la pauvreté avec ces mots si justes : « les pauvres n’ont pas choisi cette vie, ce sont des gens qui se battent… les pauvres ont beaucoup à nous apprendre ». Il faut espérer qu’il va s’en souvenir en réformant l’allocation chômage à l’été 2019 (p 28).
La Charité, la vraie, est une puissante réaction en chaine qui touche tous les domaines de l’existence personnelle et collective : depuis les politiques publiques jusqu’à nos modes de vie, nos attitudes, notre manière de voir le monde. « Assieds-toi là, près de moi, par terre, regarde-moi, mon frère, ma sœur ».
Antoine Sondag
juillet 2019
Véronique Fayet, Révolution fraternelle, le cri des pauvres, Indigène éditions, 2019, 40p. 4 €