L’écologie populaire face au pillage de la nature
Le piège de l’abondance,
l’écologie populaire face au pillage de la nature en Amérique latine
Centré sur l’extractivisme1 en Amérique latine, cet ouvrage invite à replacer le phénomène dans le contexte plus général d’une économie capitaliste mondialisée dans laquelle les flux des matières premières et des marchandises sont structurés selon des axes périphéries – centres.
En effet l’économie mondiale contemporaine se caractérise par une dissociation forte des lieux de production et de consommation, à laquelle s’ajoute une dissociation plus structurelle entre espaces d’extraction des matières premières et espaces de consommation.
Le premier objectif du livre est de donner à voir le passif de nos modes de vie et de nos habitudes de consommation, en se focalisant sur l’extraction des matières premières – première étape des processus de production de marchandises – et sur l’Amérique latine.
L’Amérique latine en effet est l’une des régions du monde les plus touchées par la fièvre extractiviste. Au début des années 2000, les gouvernements progressistes qui arrivent au pouvoir en Amérique latine, tirent profit des prix élevés des matières premières, prolongent et accélèrent les politiques extractivistes de leurs prédécesseurs, pour augmenter le volume des richesses disponibles – au besoin orientées vers des programmes sociaux – plutôt que d’essayer de mieux répartir les richesses déjà disponibles. La baisse des prix des matières premières après 2014 provoque une accélération de l’extractivisme pour compenser le manque à gagner. Le piège de l’abondance se referme !
Une telle démarche permet de réinscrire des pratiques de consommation apparemment inoffensives dans un cadre plus large en réassociant ce que le fonctionnement du système capitaliste tend au contraire à dissocier : centres et périphéries, plaisirs de la consommation et destruction de l’environnement, de cadres et modes de vie. En effet, comme le met en évidence le livre, les populations riveraines des zones d’extraction (pétrole, mines, barrages, parcs éoliens, coupes de bois, cultures intensives, …) « paient pour d’autres » : elles ne bénéficient en rien des ressources naturelles extraites ou des grands travaux réalisés destinés à des entreprises ou consommateurs situés à des milliers de kilomètres de là, mais doivent en supporter les conséquences négatives (usurpations des territoires, pollutions, destructions de l’environnement et des ressources dont elles ont besoin pour vivre, …).
Les textes réunis mettent en évidence des formes d’ « écologie populaire », c’est-à-dire les mobilisations sociales et luttes conduites par les classes populaires, par les peuples indiens, pour protéger leur environnement et les lieux de vie dont dépend leur existence. Ils prennent le contre-pied classiste et ethnocentriste du préjugé que pays pauvres et individus pauvres ne manifestent aucun intérêt pour l’écologie : ceux qui sont les premiers touchés par les externalités négatives des projets de développement sont aussi les premiers à s’y opposer !
Avec trente-cinq textes très variés (articles, essais, entretiens, témoignages, lettres) d’auteurs latino-américains journalistes, essayistes, économistes, personnes engagées, textes inédits en français à une exception près, et classés en trois parties (Politiques extractivistes, Prédation capitaliste et résistances populaires, Fronts de lutte), l’ouvrage documente les deux versants de ces phénomènes centraux de l’Amérique latine contemporaine : projets de développement et résistances, extractivisme et écologie populaire.
Élisabeth Croc
Janvier 2020
1- terme qui désigne l’extraction à grande échelle des ressources du sol pour leur vente sur le marché national ou à l’exportation
"Le piège de l’abondance, l’écologie populaire face au pillage de la nature en Amérique latine" Octobre 2019, Éditions de l’Atelier - Coordination de Nicolas Pinet, responsable de la revue DIAL