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Journées Amérique latine 2017 : L’Amérique centrale révélatrice de nos contradictions

Il est possible d’entendre parler de migration, de migrants, sans entendre en même temps les mots de musulmans, terroristes, peur, différence culturelle, religieuse, différence de langue, de couleur, d’habitudes, de manières de vivre. Ici j’ai plutôt entendu les mots valeurs, honnêteté, solidarité, courage…

Le Père Carlos Caetano nous partageait ainsi ses réactions à la fin de la journée d’étude du 23 mai, premières des deux Journées Amérique latine (encore appelées Journées CEFAL) organisées par le Pôle Amérique latine du Service de la Mission universelle de l’Église (Conférence des Évêques de France). Une journée d’étude préparée avec le Secours Catholique-Caritas France et le CCFD-Terre Solidaire, à laquelle ont participé environ 85 personnes venues de tous horizons : membres des réseaux organisateurs, délégués à la pastorale de la mission ou des migrants, délégation de JRS-France, animateurs d’associations en lien avec l’Amérique latine, latino-américains travaillant en France, etc…

Journées Amérique latine 2017 - Participants écoutant une intervention dans l' amphithéâtre de la CEF

Participants écoutant une intervention dans l’ amphithéâtre de la CEF

Les Journées Amérique latine sont le fruit d’une longue tradition, celle de la rencontre annuelle des missionnaires travaillant ou ayant travaillé en AL, qui veulent à la fois garder contact entre eux et avec le continent, ses enjeux et son actualité. D’où l’intérêt des journées d’étude qui permettent une réflexion actualisée.

L’édition 2017 était donc centrée sur le phénomène migratoire, vu à partir de l’Amérique centrale. Deux intervenantes principales ont conduit notre réflexion : sœur Leticia Gutiérrez Valderrama et Madame Yolanda González Cerdeira. Sœur Leticia est mexicaine, scalabrinienne, responsable de la Mission scalabrinienne pour les migrants et les réfugiés. Yolanda, d’origine espagnole, vit au Honduras où elle coordonne le SJM, Réseau Jésuite des Migrants en Amérique centrale. Avec des chiffres, des cartes, des images et leur témoignage personnel, elles nous ont présenté la situation de l’Amérique centrale, le profil des migrants, les raisons qui les poussent à migrer, les dangers auxquels ils sont confrontés sur leur chemin. Elles nous ont également parlé des Maisons des migrants, installées tout au long des routes qu’ils empruntent, le plus souvent à l’initiative de l’Église. Ils y trouvent hospitalité, nourriture, conseils, aide juridique, protection. Une halte sur un chemin semé d’embûches et de violence. Depuis quelques années, elles proposent des programmes spécifiques pour les enfants et les adolescents, de plus en plus nombreux à emprunter seuls la route de la migration. Sœur Leticia et Yolanda sont intervenues en deux temps, le matin et l’après-midi.

Les causes des migrations et des politiques migratoires

S’il n’y a pas de frontières au ciel, que rien ne nous arrête sur la terre…

Les participants ont eu la possibilité de poser leurs questions aux intervenants, et ont prolongé leur réflexion par des échanges fructueux en ateliers. Chacun a pu participer à deux des quatre ateliers proposés :

  • Causes du départ
  • Violences aux migrants et à ceux qui les accueillent
  • Sociétés d’accueil et engagements possibles, délit de solidarité
  • Familles restées sur place.

Un des fruits palpables des ateliers a été la production de recommandations aux médias, aux politiques, aux citoyens et à nos propres organisations.

Au début de la matinée, avant le focus sur l’Amérique centrale, Pedro Vianna, ancien rédacteur en chef de la revue Migrations Société, nous avait brossé un panorama général du phénomène migratoire, en le présentant comme inhérent à l’être humain. Nous sommes tous enfants de la migration, nous ne serions pas là sans le départ de Lucy, de Toumaï, à la conquête de nouveaux espaces. Avec Pedro Vianna nous avons ainsi appris que ¾ des Français ont un ancêtre étranger, que le quart de la population luxembourgeoise est portugaise, qu’il y a 250 millions de migrants dans le monde… et qu’on en peut pas dire que les migrations ont explosé ! Le million de personnes arrivées en Europe en 2016 est l’équivalent de celles déplacées dans les années 90 avec la guerre en Yougoslavie. Il a également insisté sur le fait que toutes les grandes religions ont à la base une migration. Le peuple juif s’est constitué par l’Exode, Joseph et Marie ont fui en Égypte pour que Jésus échappe à la persécution d’Hérode, Mahomet et ses disciples ont quitté La Mecque pour Médine (l’Hégire), Rama exilé par son père a trouvé refuge dans la forêt… Tous ces événements nous parlent de chemin, d’errance, d’asile.

Panorama général des migrations

La conclusion de la journée revenait, comme cela est indiqué plus haut, au Père Carlos Caetano, directeur du Service national de la Pastorale des Migrants et des Personnes itinérantes, à qui incombait la difficile tâche, après avoir écouté les différentes interventions, de formuler des « Leçons pour la France ». Il nous a invités à la conversion, à la rencontre avec le Christ pour devenir sacrement d’amitié et de communion parmi les nations. Nous ne pouvons pas faire des religions un alibi : en Amérique latine migrants et non-migrants ont la même religion et la même langue.

Il nous a dit également que l’expérience chrétienne montre que la qualité d’une culture se mesure à la conformité de la manière de vivre avec la conscience, et donc qu’aucune n’est en soi supérieure aux autres. Les migrants sont les témoins de la vocation universelle de l’Église, et l’accueil que nous leur réservons est un test de foi et de fidélité à l’Évangile.

Les migrations dans un monde globalisé

Soyons humbles et modestes pour accepter que dans la rencontre avec l’autre, nous recevons autant que nous donnons.

Le 24 mai, tout aussi enrichissant que la journée d’étude, était davantage axé sur le réseau CEFAL. Le CEFAL, devenu le pôle Amérique latine du Service national de la Mission universelle de l’Église, a pour mission de faciliter les échanges entre l’Église catholique de France et les Églises latino-américaines). La matinée a commencé par la présentation de deux livres récemment sortis dans la collection Signes des Temps chez Karthala : Nos soixante années au Brésil – Un sacerdoce vécu au féminin, de Marie Emmanuel Crahay qui retrace l’aventure des Auxiliaires du Sacerdoce et Un Français évêque au Brésil questionne son Église, de Xavier de Maupeou. Les auteurs ont eux-mêmes présenté leurs ouvrages qu’ils ont pu dédicacer et ont répondu aux questions des participants.

Dans un deuxième temps, les Pères Pierre Chovet, chargé de mission pour le Brésil, Jean-Claude Seguin, pour le Pérou et la Bolivie, et Annie Josse, coordinatrice du Pôle Amérique latine, ont parlé de leurs voyages (Brésil, Pérou, Bolivie, Chili) et des missionnaires qu’ils y ont rencontrés.

La parole a également été donnée à Monsieur Olivier Chatelan, Maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Jean Moulin de Lyon, qui travaille sur l’histoire des circulations intra-ecclésiales Europe-Amérique latine au XXe siècle. À ce titre, il s’intéresse à l’histoire du CEFAL et a bien voulu partager l’état de sa recherche, notamment les premiers résultats d’un questionnaire qu’il a envoyé aux actuels et anciens prêtres français en Amérique latine.

Une histoire du CEFAL

Pour terminer ces Journées Amérique latine 2017, une eucharistie aux accents latinos, avec des chants brésiliens et espagnols, nous a tous rassemblés dans la prière autour de Monseigneur (dom) Xavier de Maupeou, qui est évêque émérite du diocèse de Viana au Brésil.

Un des participants, lui-même migrant, disait à la fin de la journée d’étude : « j’ai de la chance de pouvoir participer à un événement comme ça, je me sens « normal », je me sens comme les autres ». L’un des aspects sur lesquels la plupart des ateliers ont insisté, c’est l’importance de considérer les migrants avant tout comme personnes, avec une histoire, une culture, des racines. Des personnes comme les autres !

Les recommandations des ateliers, la synthèse des évaluations des participants, et les interventions (au fur et à mesure qu’elles nous parviendront) seront progressivement ajoutées sur le site.

Journées Amérique latine 2017 – Recommandations

Journées Amérique latine 2017 – Évaluation

 

Annie Josse
Juin 2017

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