Réunion du G8 en Allemagne les 7-8 juin 15
Le G8 se réunit les 7-8 juin 2015 à Schloss Elmau en Allemagne (pays qui assure la présidence du G8 cette année). D. Chassard nous présente ce G8 réduit à 7 : ébauche de gouvernement mondial ou simple forum de nantis ?
Le G8, produit de la mondialisation
Ebauche de gouvernement mondial ou simple forum de nantis où se concertent périodiquement les dirigeants des pays les plus industrialisés ? Les réunions du G8, redevenu aujourd’hui G7 pour cause de suspension de la Russie, font désormais partie des événements internationaux les plus médiatisés de la planète : présence simultanée des chefs d’Etat des plus grandes puissances donnant le spectacle (ou l’illusion?) d’une harmonieuse complicité ? Sans doute mais aussi une forte attente dans l’opinion que ces hauts responsables tracent les chemins du monde de demain tout en s’attaquant aussi aux problèmes politiques, sociaux et économiques auxquels est confrontée dans l’immédiat l’humanité. Chaque sommet annuel se conclut par une déclaration dans laquelle on espère trouver feuille de route et engagement de ceux qui sont aux commandes.
Un rappel historique d’abord : le G7, né en 1975, procède de la volonté du Président français de l’époque, Valéry Giscard d’Estaing, de réunir à Rambouillet ses principaux partenaires et de l’appui du chancelier allemand, Helmut Schmidt à la pérennisation de cette concertation au sommet. Aux six membres d’origine, Etats-Unis, France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Japon, s’ajoute en 1976 le Canada, puis, en 1977, le Président de la Commission européenne. Il faut attendre 1991 pour que le Président Gorbatchev soit invité à Londres et 1998 pour que la Russie, considérée comme suffisamment avancée sur la voie des réformes économiques et de la démocratie, soit officiellement admise dans le cénacle. Le G7 devient alors le G8 jusqu’en 2014 où l’annexion de la Crimée et le conflit dans l’est de l’Ukraine amènent les Occidentaux à suspendre la participation de Moscou au titre des « sanctions » décrétées contre le successeur de l’URSS. Le sommet prévu à Sotchi est déplacé à Bruxelles et celui de juin 2015 convoqué par l’Allemagne au château bavarois d’Elmenau se déroule sans la Russie absente également de toutes les réunions préparatoires et annexes qui accompagnent désormais cette échéance. Le G8 est redevenu le G7 sans que l’on puisse prédire pour combien de temps car les raisons ayant motivé la mise à l’écart du Kremlin dépassent le simple accident de parcours.
L’intention des fondateurs a été respectée : le G8 n’est pas une nouvelle organisation internationale ni une structure permanente dotée de moyens propres. Il n’a pas de secrétariat fixe et sa présidence passe chaque année d’un pays à l’autre, ce denier ayant ainsi la charge de préparer et d’organiser le sommet et de tenir les réunions des ministres des Affaires étrangères, des Finances, de l’Economie et de la Recherche (depuis peu) qui font partie désormais du rituel. Pour éviter également le risque de dispersion et de dérive bureaucratique la coordination des travaux est sous la responsabilité d’un « sherpa » placé auprès du chef d’Etat ou de gouvernement et qui rencontre très régulièrement ses homologues.
Le contraste est évidemment frappant entre la souplesse et la légèreté voulues du mécanisme et le nombre et la complexité des sujets abordés dont on a peine à penser qu’ils puissent être traités au fond en deux jours de discussion au coin du feu. Ecarter un thème d’actualité en se concentrant sur quelques priorités moins immédiates serait interprété comme une intention délibérée d’en minimiser l’importance. Aussi les déclarations finales sont-elles une énumération plus ou moins hétéroclite de sujets censés avoir été débattus. On s’efforce d’afficher une position qui convienne à tous, donc en forme de dénominateur commun où chaque terme est pesé pour qu’il y ait consensus. On se garde d’entrer dans des détails risquant de révéler des divergences, l’essentiel étant non ce qui s’est réellement dit mais le message que l’on veut faire passer dans les opinions. La chancelière allemande, pour sa présidence de 2015, a donné quelques pistes : situation en Ukraine, programme nucléaire iranien, crises africaines, conflits du Moyen Orient, mais a fait une large place dans sa présentation aux questions touchant aux changements climatiques dans la perspective de la Conférence de Paris en décembre, à la protection de l’environnement marin, à la lutte contre les maladies infectieuses, à la politique de développement. Le problème migratoire dans toutes ses implications, humanitaires, économiques et sécuritaires est également devenu un dossier incontournable. Madame Merkel qui réunira en octobre les ministres chargés de la Recherche scientifique veut aussi aborder cette thématique et les contacts pris avec les grandes fédérations syndicales indiquent le souci de l’Allemagne de se pencher sur le respect des conditions de travail en matière de protection sociale et de sécurité, ainsi que sur la transparence de l’information donnée au consommateur.
De fortes ambitions donc et une large palette d’initiatives qui reflètent la plupart des questions qui se posent dans le monde d’aujourd’hui mais qui relèvent avant tout du « déclaratoire » car l’opérationnel est évidemment laissé à l’appréciation et à la volonté de chaque participant. Le slogan de la Présidence allemande : « Think ahead, act together » (pensons pour l’avenir, agissons ensemble) vaut surtout pour la première partie de la formule. Le G7 ou le G8 n’est qu’une instance de réflexion et de concertation, certes utile et qui introduit une part non négligeable de rationalité et de prédictibilité dans le processus de mondialisation et dans la prise de de conscience de ses enjeux et de ses contraintes, mais il est encore bien loin de préfigurer ce qui pourrait peut-être apparaître un jour comme un directoire à l’échelle planétaire. L’absence de la Chine et des principaux pays émergents de ce forum ne permet pas d’imaginer que ce dernier voie sa nature et son fonctionnement évoluer dans un avenir proche. L’admission éventuelle de nouveaux participants risque par ailleurs d’introduire lourdeur et formalisme et de nécessiter des mécanismes et une logistique qui vont à l’encontre du but visé à l’origine. L’émergence d’un gouvernement mondial n’est pas pour demain. Il reste que l’expression collective d’une solidarité d’Etats représentants les ¾ de la puissance industrielle du monde est une avancée dont on ne trouve pas de précédent dans l’histoire de notre planète
Dominique Chassard (SNMUE)
Juin 2015