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Où en est l’Eglise catholique ?

Nathalie Becquart analyse les chantiers ouverts par le pape François pour l’Eglise catholique :en sortie vers les périphéries, en réforme vers la synodalité, en discernement vers l’accompagnement de chacun. Cet article constitue aussi une excellente synthèse-minute des divers documents publiés par le pape depuis quelques années.  Religieuse Xavière, congrégation féminine de la spiritualité d’Ignace de Loyola, Nathalie Becquart est également directrice du Service national pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations à la Conférence des évêques de France.

Eglise  catholique - création de la femme (noire) michel ange

Difficile de présenter en quelques lignes l’Église catholique quand le corpus de référence pour tenter d’expliciter le mystère de l’Église dans le monde – en particulier les 16 textes du Concile Vatican II particulièrement fondateurs de la vision actuelle de l’Église catholique – court sur plusieurs centaines de pages… Une manière de nous dire combien ce mystère qu’est l’Église est inépuisable et difficilement réductible à une présentation simple. Cependant, dans notre pays, l’Église catholique aujourd’hui, héritière d’une très longue histoire riche et mouvementée depuis l’évangélisation de la Gaule dans les premiers siècles, est aussi une réalité sociale, visible, dont il nous faut bien rendre compte.

Une première approche consistera tout simplement à regarder dans le glossaire du site officiel de la Conférence des évêques de France la définition donnée au mot Église. « Le terme hébreu kahal signifiant convoquer, l’Église est le rassemblement de tous les baptisés affirmant leur foi en Jésus ressuscité. Organisée en communautés ayant chacune leur structure et regroupée dans des ensembles appelés Église locale. En raison des séparations intervenues au sein du christianisme on distingue l’Église catholique romaine dont le chef spirituel est le pape, les Églises orthodoxes et les Églises issues de la Réforme. » Il est ainsi intéressant de repérer qu’une manière de distinguer l’Église catholique romaine des autres Églises chrétiennes est de souligner la place significative du pape, figure d’unité et d’autorité au service de la communion. Or depuis 5 ans, avec le pape François dont la popularité est forte, l’image de l’Église catholique est sans doute encore plus associée à celle de l’évêque de Rome. Sans doute parce que sa manière d’être homme, chrétien et pasteur, dans un style évangélique au langage simple rejoint particulièrement les aspirations de beaucoup. Ce premier pape non européen, ne sort pas de nulle part. Il a été façonné par sa formation jésuite et par l’Église d’Amérique latine dont il fut une figure majeure. Pour parler de l’Église catholique aujourd’hui en quelques flashs, je tenterai donc d’évoquer quelques aspects des accents donnés par le pape François pour redonner souffle à l’évangélisation en prenant en compte les mutations et réalités du monde actuel.

Une Église en sortie, appelée à aller aux périphéries

Dans son premier grand texte, l’exhortation apostolique « la Joie de l’Évangile », le pape François déroule sa vision programmatique pour cette transformation missionnaire de l’Église. « L’Église est appelée à sortir d’elle-même et à aller dans les périphéries, les périphéries géographiques mais également existentielles : là où résident le mystère du péché, la douleur, l’injustice, l’ignorance, là où le religieux, la pensée, sont méprisés, là où sont toutes les misères ». Le pape François ne cesse de le répéter, l’Église ne doit pas être « autoréférentielle » et centrée sur ses institutions, mais tournée vers tous pour témoigner du Christ. Comme un hôpital de campagne elle doit sortir de ses fastes, quitter l’esprit mondain de repli sur soi, pour devenir toujours davantage « une église pauvre pour les pauvres ». En France, dans un pays marqué par la laïcité et l’avancée de la sécularisation, l’Église catholique fait de plus en plus l’expérience de ses pauvretés face à une diminution importante de ses moyens humains et financiers. Elle est aussi particulièrement engagée auprès des plus pauvres à travers ses nombreux mouvements et associations de solidarité, comme le Secours-Catholique, la société Saint-Vincent de Paul… Ces dernières années, elle a remis l’accent sur la dimension de la diaconie inhérente à toute communauté chrétienne en soulignant l’importance de la « place et parole des plus pauvres et plus fragiles », dans l’élan du grand rassemblement national Diaconia qui eut lieu à Lourdes en 2013. Dans cette dynamique, les catholiques sont invités à (re)découvrir leur vocation-mission : « Je suis une mission sur cette terre et pour cela je suis dans ce monde, je dois reconnaître que je suis comme marqué au feu par cette mission afin d’éclairer, de bénir, de vivifier, de soulager, de guérir, de libérer »[1].

Une Église en réforme appelée à développer la synodalité

Avec le pape François s’est ouverte une nouvelle étape de la réception de Vatican II. Le cardinal Bergoglio au conclave a été clairement élu pour réformer la Curie romaine dans une perspective missionnaire. Il a ainsi déjà mis en place un certain nombre de changements, ce qui n’est pas sans susciter de la résistance. Mais le cœur de cette réforme n’est pas d’abord d’ordre structurel, il est de l’ordre de la conversion du cœur. En bon jésuite, le pape François met toute l’Église en Exercices spirituels l’invitant à une écoute profonde de l’Esprit pour discerner les appels de Dieu dans le monde d’aujourd’hui. L’important pour lui en premier lieu est d’ouvrir des processus, d’appeler à la conversion personnelle et à la miséricorde pour que chaque baptisé devienne toujours davantage disciple missionnaire à la suite du Christ. Au fil de ses écrits et discours, toute une ligne se dessine qui met l’accent sur l’Église peuple de Dieu par un mouvement de « décléricalisation » : « Notre consécration première et fondamentale prend ses racines dans notre baptême. […] Cela nous fait du bien de nous rappeler que l’Église n’est pas une élite de prêtres, de personnes consacrées, d’évêques, mais que nous formons tous le saint peuple fidèle de Dieu »[2]. Ainsi tous, laïcs, consacrés et prêtres, sont appelés à la sainteté en marchant ensemble dans un esprit de coresponsabilité et de communion missionnaire « Que tous soient un pour que le monde croit » (Jn 17,21).

Dans une Église catholique en France qui voit le nombre de prêtre diminuer fortement, mais où de plus en plus de laïcs sont mis en responsabilité – on estime aujourd’hui que près de 12000 laïcs sont salariés de l’Église au niveau local, diocésain ou national, dont bon nombre ont le statut de laïcs en mission ecclésiale – l’enjeu de la formation et de l’implication des laïcs, notamment celui de la place des jeunes et des femmes, devient crucial. Dans un des textes clés de son pontificat, le pape François identifie clairement cet appel à développer la synodalité : « Le monde dans lequel nous vivons, et que nous sommes appelés à aimer et à servir – même dans ses contradictions – exige de l’Église le renforcement des synergies dans tous les domaines de sa mission. Le chemin de la synodalité est justement celui que Dieu attend de l’Église du troisième millénaire. Une Église synodale est une Église de l’écoute, avec la conscience qu’écouter « est plus qu’entendre ». C’est une écoute réciproque dans laquelle chacun a quelque chose à apprendre. »

Une Église en discernement, appelée à accompagner chacun

Par ailleurs se dessine aujourd’hui, pour les catholiques engagés dans l’Église, à l’écoute des besoins, attentes, désirs, cris et souffrances de leurs contemporains, un appel à développer une posture pastorale d’accompagnement, faite d’accueil sans jugement, d’écoute bienveillante, de dialogue confiant, de proximité chaleureuse, ce que le pape François appelle « la culture de la rencontre ». Tout en restant un phare qui éclaire, donne des repères – comme elle peut le faire par exemple dans l’encyclique Laudato Si’ » – et transmet le trésor de la foi afin d’aider chacun à poser des choix libres au service de la vie, de sa croissance humaine et spirituelle et du bien commun. Les deux synodes sur la famille et l’actuelle préparation du prochain synode des évêques en octobre 2018 sur « la foi, les jeunes et le discernement des vocations » ont vraiment dégagé ces deux mots clés pour l’Église catholique aujourd’hui : le discernement et l’accompagnement. Pour cela, dans une société qui fonctionne de plus en plus en réseaux, l’Église est invitée à prendre soin de la relation pour tisser humblement la fraternité au service du vivre-ensemble dans la paix. Comme l’expriment avec force les jeunes du pré-synode, aujourd’hui nos contemporains « attendent une Église authentique. […] Nous devons être une communauté transparente, accueillante, honnête, attirante, accessible, joyeuse, une communauté qui communique. Une Église crédible est une Église qui ne craint pas de se montrer vulnérable. L’Église devrait pouvoir reconnaître rapidement et honnêtement ses erreurs passées et présentes, accepter qu’elle est composée de personnes pouvant être dans l’erreur ou l’incompréhension. Parmi les fautes à reconnaître, on peut nommer notamment les multiples abus sexuels et les mauvaises gestions financières. » Ce chemin de pauvreté par la reconnaissance de ses propres fragilités et défaillances, ou encore de ce qui semble à bout de souffle, donne à l’Église de France d’expérimenter une forme de traversée pascale… et à travers ces profondes transformations, travaillées à la fois par les mutations sociales en cours et le souffle toujours inattendu de l’Esprit-Saint, il lui est donné d’accueillir humblement une fécondité créative qui s’exprime par un foisonnement d’initiatives et des dynamismes nouveaux porteurs d’espérance.

Sr Nathalie Becquart

Cet article est repris du numéro de juillet 2018 de la revue : L’unité des chrétiens. Publication éditée par le Service national pour l’unité des chrétiens, SNUC, l’un des services de la Conférence des Evêques de France. On consultera le site de ce service pour s’abonner à cette revue en ligne.

1. Evangelii Gaudium n° 213.
2. Lettre du pape François au cardinal Ouellet, président de la commission pontificale pour l’Amérique latine, 2016.
CCFM
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