« La bonne politique est au service de la paix »
Comme chaque année, le pape publie un message pour la Journée mondiale de la paix que l’Église catholique célèbre le 1 janvier. En 2019, ce sera le 52e message (ou la 52e année). L’ensemble de ces messages constituent une véritable encyclopédie de la paix selon le catholicisme. Cette année, le thème est consacré à la responsabilité des hommes et femmes politiques : la bonne politique est au service de la paix.
On trouvera ici un commentaire de ce message par Mgr Y. Boivineau, évêque d’Annecy et président de Justice et Paix-France. Ce commentaire a été publié à l’origine dans la Lettre de JP. On s’abonnera (gratuitement) avec intérêt à cette lettre électronique.
Dans ce message, le pape dresse le portrait en ombre chinoise de l’homme politique bon, juste et pacifique, qui œuvre pour la fraternité nationale et universelle. C’est en quelque sorte une image en négatif de la politique populiste : une politique (et des politiques) fondée sur la confiance, qui renonce aux boucs émissaires, qui vise la fraternité, qui manifeste la bienveillance, qui n’a pas le cœur rempli de ressentiment ou de haine, qui prend en compte les intérêts des générations actuelles et des générations futures….
Égrenons quelques termes choisis du Pape François dans son Message pour la Journée mondiale de la Paix 2019.
Maison. Reprenant les mots de Jésus, François souhaite à tous : « Paix à cette maison ! » (Lc 10,5). Or, « la ‘‘maison’’ dont parle Jésus, ajoute le Pape, c’est chaque famille, chaque communauté, chaque pays, chaque continent, dans sa particularité et dans son histoire ; c’est avant tout chaque personne, sans distinctions ni discriminations. C’est aussi notre ‘‘maison commune’’ : la planète où Dieu nous a mis pour y vivre et dont nous sommes appelés à prendre soin avec sollicitude » (§1). On sera peut-être surpris que la « maison » soit avant tout … chaque personne On l’est moins si on se souvient que les mots hébreux Ben et Bath, « fils » et « fille », signifient originellement : « construit(e), bâti(e) ». Il s’agit d’exister comme fille ou fils, bâti(e) par Dieu, inscrit(e) dans une construction en cours, une suite de générations, riches d’événements et de rencontres.
Promotion. Le pape invite à aller de l’avant, et pour cela, « la politique est un moyen fondamental pour promouvoir la citoyenneté et les projets de l’homme, mais quand elle n’est pas vécue comme un service à la collectivité humaine par ceux qui l’exercent, elle peut devenir un instrument d’oppression, de marginalisation, voire de destruction » (§2). Pour Mgr Duffé, la bonne politique est fruit d’un discernement : elle « devient un service, écoute les personnes, accueille les talents et les aspirations de tous, avec une attention particulière aux pauvres et nécessiteux »(1). C’est chercher « à réaliser ensemble le bien de la cité, de la nation, de l’humanité » (§2).
Génération. François invite aussi à relier générations présentes et futures : « Nous en sommes certains : la bonne politique est au service de la paix ; elle respecte et promeut les droits humains fondamentaux, qui sont aussi des devoirs réciproques, afin qu’entre les générations présentes et celles à venir, se tisse un lien de confiance et de reconnaissance » (§3). La bonne politique encourage les jeunes talents, « des vocations qui demandent à se réaliser », intègre les charismes et les capacités de chacun, pour la construction de la maison commune : « chaque femme, chaque homme et chaque génération portent en eux une promesse qui peut libérer de nouvelles énergies relationnelles, intellectuelles, culturelles et spirituelles » (§5). On remarquera l’appel insistant du pape à faire confiance aux jeunes, à leur confier des responsabilités pour qu’ils prennent part activement aux projets d’avenir.
La paix est une conversion du cœur et de l’âme
Confiance. François dénonce clairement les vices de la politique qui génèrent la méfiance et mettent en danger la paix sociale, d’autant que nous vivons ces temps-ci dans un climat de méfiance qui s’enracine dans la peur de l’autre ou de l’étranger, dans l’angoisse de perdre ses propres avantages,… sans compter les attitudes de fermeture qui remettent en cause cette fraternité dont le monde a tant besoin. (§ 5) Il n’y a d’avenir et de paix possibles que dans la confiance.
Conviction. Le Pape dit non à la guerre, à la stratégie de la peur : « Maintenir l’autre sous la menace veut dire le réduire à l’état d’objet et en nier la dignité. C’est pourquoi nous réaffirmons que l’escalade en termes d’intimidation et la prolifération incontrôlée des armes sont contraires à la morale ainsi qu’à la recherche d’une vraie concorde. La terreur exercée sur les personnes les plus vulnérables contribue à l’exil d’entières populations en quête d’une terre de paix. Les discours politiques qui tendent à accuser les migrants de tous les maux et à priver les pauvres de l’espérance ne sont pas justifiables » (§6). Il s’agit, non de vaincre par la force, mais de convaincre en « artisan de paix ».
Édification. Pour Benoît XVI, « quand elle est inspirée et animée par la charité, l’action de l’homme contribue à l’édification de cette cité de Dieu universelle vers laquelle avance l’histoire de la famille humaine ». Et François de commenter : « C’est un programme dans lequel peuvent se retrouver tous les politiciens, de n’importe quelle appartenance culturelle ou religieuse, qui souhaitent œuvrer ensemble pour le bien de la famille humaine, en pratiquant ces vertus humaines qui sous-tendent le bon agir politique : la justice, l’équité, le respect réciproque, la sincérité, l’honnêteté, la fidélité ». Et le Pape de citer Benoît XVI : « À côté du cœur et de l’intelligence, la main peut devenir, elle aussi, un instrument du dialogue » (§5).
Conversion. « La paix est une conversion du cœur et de l’âme ». Le Pape rappelle : « Nous célébrons ces jours-ci le soixante-dixième anniversaire de la Déclaration Universelle des droits de l’homme, adoptée au lendemain du deuxième conflit mondial » (§7 ; cf. p. 4 de cette Lettre), et il note que Jean XXIII invitait à relier conscience des droits à celle d’obligations correspondantes, comme autant d’expressions de la dignité humaine. Quelle politique, quelle humanité et quel monde allons-nous générer en 2019 ?
Les béatitudes du politique, du cardinal Nguyên Vãn Thuân, ex-président du Conseil pontifical Justice et Paix, constituent une belle feuille de route : « Heureux le politicien dont la personne reflète la crédibilité, qui travaille pour le bien commun et non pour son propre intérêt,… qui sait écouter,…qui n’a pas peur. »
Mgr Yves Boivineau, Justice et Paix France
Lettre de Justice et Paix de janvier 2019
1. Conférence de presse du 18 décembre 2018, Santa Sede, Bollettino n° 0948.