Pauline Jaricot : laïque au service de la mission

Le 26 mai 2020, le pape François signait le décret reconnaissant le miracle qui ouvre la voie à la prochaine béatification de Pauline Jaricot. Mgr Colomb nous présente cette laïque lyonnaise du 19e siècle, bien ancrée dans son époque et pourtant si moderne.

paulinejaricot. Pauline Jaricot : une laïque au service de la mission

L’annonce de sa prochaine béatification, reconnaît l’histoire d’une femme qui a fait preuve d’une grande imagination au service de l’Évangile : “ Ce jour que fait le Seigneur est un jour de joie !

Déjà déclarée vénérable, Pauline Jaricot sera béatifiée prochainement. Cette jeune femme au tempérament de feu est née dans une famille de soyeux lyonnais à la fin du XIXe siècle. À cette époque de révolution industrielle, le visage de la France se transforme. L’industrialisation vide les campagnes. Les ouvriers forment désormais une classe sociale marquée par la pauvreté et gagnée par l’athéisme (Déclaration du Pape Pie IX : L’Église a perdu la classe ouvrière au XIXème siècle).

Très jeune, à l’âge de 17 ans, profondément marquée par un sermon de carême sur la vanité des jeunes filles, elle ouvre son cœur et ses yeux sur le monde et met son intelligence au service de sa foi. Intuitive, audacieuse, profondément enracinée dans une vie de prière, elle va édifier en quelques années une œuvre missionnaire considérable sans quitter la France, à l’exception d’un voyage à Rome, et demeurera toute sa vie en l’état laïc.

Ce qui caractérise incontestablement Pauline Jaricot, c’est son esprit d’entreprise, associé à une profonde piété. Pour elle, il n’est pas de problème qui ne trouve de solution !

Interpellée par son frère, séminariste à Paris, sur les besoins financiers des missionnaires partis en Asie, elle a l’idée d’une collecte basée sur le système décimal : des groupes de 10 personnes, chaque personne formant à son tour un autre groupe de 10 et ainsi de suite, chacun donnant quelques sous par semaine. Ce système d’une extrême simplicité, nourri d’une spiritualité eucharistique très vive, s’étend rapidement dans le monde et devient l’Association de la Propagation de la Foi. Une fois l’œuvre lancée, Pauline n’hésitera pas à la laisser à la gestion de mains qu’elle pense plus expertes que les siennes, elle se tournera vers d’autres projets, toujours au service de l’évangélisation.

Gardant le même principe d’appel à des bonnes volontés, Pauline lance l’œuvre du « Rosaire Vivant« , persuadée que seule la prière aura raison de l’athéisme qui se propage en France.
À sa mort en 1862, 150.000 groupes, réunissant 2 250 000 membres auront été créés dans notre pays.

Mais Pauline Jaricot ne s’arrête pas là.  Celle qui disait « j’ai aimé Jésus Christ plus que tout sur la terre, et pour l’amour de Lui, j’ai aimé plus que moi-même tous ceux qui étaient dans le travail ou la douleur » va se tourner vers les artisans et les ouvriers dont la misère est grande, vers les enfants des rues livrés à eux-mêmes, vers les prostituées, nombreuses dans la ville de Lyon. En 1830 et 1831, la France et Lyon sont secouées par des troubles révolutionnaires et par des grèves sanglantes. Pauline, sans approuver les violences, défend la cause des ouvriers et des ouvrières des soieries lyonnaises. Elle veut surtout dénoncer la misère et les injustices. À Casimir Périer qui demande aux ouvriers patience et résignation Pauline répond : « S’il est parfois nécessaire de réprimer les émeutes et de rétablir l’ordre, il est encore plus nécessaire et plus urgent de supprimer les causes du désordre en donnant à ceux qui souffrent les deux choses dont les hommes ne peuvent se passer : du pain et une espérance, la sécurité et la lumière, ce qui assure la vie matérielle et ce qui la transfigure. »1

On a pu recueillir le témoignage d’un ouvrier présent lors de ces journées historique. À tous il parle de cette « petite bonne femme qui s’appelle Pauline Jaricot ». « C’est une sainte », dit-il. Ce que veut Pauline, c’est mettre en place un système social fondé sur les valeurs évangéliques. Elle apparaît ainsi comme précurseur dans l’engagement social de l’Église qui sera développé dans l’Encyclique du pape Léon XIII Rerum novarum (1891).

Femme d’action, Pauline ne serait rien sans une profonde et intense vie spirituelle, enracinée dans la prière et dans l’adoration eucharistique. Confrontée à de nombreuses difficultés, à des échecs aussi, elle ne se décourage jamais, remet tout au Christ et à sa sainte mère. Le curé d’Ars dira d’elle : « Je connais quelqu’un qui a beaucoup de croix et de très lourdes, et qui les porte avec un grand amour, c’est Mademoiselle Jaricot ».

Jamais elle ne renoncera à cette certitude : le Christ veut attirer à lui tous les hommes, sans distinction. Désirant ardemment hâter la venue de ce temps, soucieuse du rayonnement de l’Église dans le monde, Pauline Jaricot est une authentique missionnaire dont la vie et l’œuvre encouragent la foi et invitent à la mission.

À nous, hommes et femmes du XXIe siècle, siècle de troubles, de mutations, siècle aussi en attente d’esprits créatifs, ingénieux, audacieux, Pauline dit que le don total de soi, à la suite du Christ est possible. Elle nous invite, comme le pape François, à être une « Église en sortie« , soucieuse des périphéries. Femme et laïque, elle nous dit que tous, nous sommes appelés, chacun dans son état de vie, dans la spécificité de ses charismes propres, à œuvrer à l’avènement du Royaume. La mission est l’affaire de tous les baptisés, car chacun peut être, selon ses termes « l’allumette qui allume le feu ».

Mgr Georges Colomb
Évêque de La Rochelle et Saintes

Dossier sur la béatification de Pauline Jaricot

1 Louis Muron, « Le chant des Canuts », Ed. Presses de la cité, 2002

 

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