Renouvellement de l’accord Chine Vatican

L’accord entre le gouvernement de Pékin et le Saint-Siège signé le 22 septembre 2018 à titre provisoire pour deux ans vient d’être renouvelé en octobre 2020. Cet accord signifie que pour la première fois la Chine reconnaît l’autorité du successeur de Pierre dans la nomination des évêques. Le Saint-Père de son côté retire les condamnations antérieures de la politique religieuse chinoise. En 1957, l’Association patriotique des Catholiques de Chine était jugée destructrice de la foi catholique. C’était peut-être porter un jugement trop européen sur l’athéisme marxiste chinois.

Un petit pas dans la longue marche, un grand pas pour l’avenir du monde

2020-11-18_Chine-Vatican. Renouvellement de l’accord Chine Vatican

Les dernières décennies ont montré que l’athéisme chinois vise surtout à détruire les superstitions malsaines de le société ancienne dite « féodale », au nom de la science et de la modernisation du pays. En fait les grandes religions sont reconnues pour leur importance mondiale, leurs Écritures et leur enseignement moral. Elles sont qualifiées de phénomène social de longue durée appelé à disparaître avec la solution des problèmes économiques dans la société sans classes. Les chrétiens sont même doublement reconnus puisque protestants et catholiques forment deux des cinq grandes religions à côté des musulmans, des taoïstes et des bouddhistes.  Chaque religion est coiffée par une association de croyants qui fait le lien avec le Bureau des affaires religieuses, organe du Front Uni du Parti communiste chinois. Les associations catholiques et protestantes sont qualifiées de « patriotiques » pour bien marquer leur rupture avec « l’impérialisme » occidental. C’est toujours le même souci d’indépendance et de patriotisme qui commande la politique religieuse.

Comme dans les tractations économiques, l’accord signé avec le Saint-Siège par les diplomates chinois peut être qualifié de « gagnant-gagnant » bien que de nombreux catholiques chinois le jugent « perdant » pour l’Église. Ils ne peuvent que constater en effet un durcissement des lois religieuses. Les prêtres depuis longtemps « clandestins » sont maintenant forcés de s’inscrire officiellement pour justifier leur emploi ecclésiastique. S’ils s’obstinent à refuser, leur église peut être détruite. Les enfants sont soumis strictement au seul programme éducatif de l’école et tenus à l’écart de toute instruction religieuse. Ils ne peuvent même pas accompagner leurs parents à la messe du dimanche. En quoi donc l’accord est-il gagnant ?  Le gain le plus évident est la reconnaissance du privilège papal de nommer les évêques qui lui sont présentés par la Conférence épiscopale chinoise. Le pape en retour réintègre dans l’Église les 7 ou 8 évêques qui avaient été consacrés sans l’accord du Saint-Siège. Il pose ainsi les bases d’une réunification de l’Église catholique chinoise déchirée depuis 70 ans. Mais la fracture est telle que l’Église risque d’être perdante s’il se forme un noyau schismatique de « vieux catholiques ». Les clandestins ont porté un témoignage admirable de fidélité au pape et à l’Église, mais ils tendent maintenant à juger que le pape est mal conseillé et qu’il se trompe.

Mais le Pasteur suprême de l’Église universelle est guidé par l’Esprit saint. Il fait confiance à la foi imperturbable des catholiques chinois. Il est aussi soutenu par tous les historiens, sinologues et diplomates qui suivent l’évolution positive du peuple chinois depuis 1919 et le Traité de Versailles si désastreux pour la Chine. Les territoires chinois occupés par les Allemands furent alors confiés aux Japonais. Le mouvement universitaire chinois du 4 mai 1919 marqua alors le réveil de la Chine sous les étendards de « Science » et « Démocratie ». Cette même année, l’encyclique pontificale « Maximum illud » invita l’Église missionnaire à se désolidariser de la colonisation.  Voilà un centenaire qui n’a pas été suffisamment célébré l’an dernier, ni par la Chine, ni par Rome.  La deuxième guerre mondiale et la longue guerre froide entre monde communiste et Occident libéral ont achevé de brouiller les cartes.

La renaissance chinoise est marquée de grandes étapes : proclamation de la République populaire de Chine par Mao Zedong en octobre 1949, reconnaissance de la Chine nouvelle par le général De Gaulle en 1964, entrée de la Chine aux Nations Unies en 1971, ouverture et modernisation de la Chine sous l’impulsion de Deng Xiaoping en 1978, visite en Chine de Nixon en 1982, restitution de Hongkong à la Chine en 1997. Au XXIème siècle, la Chine prend sa place au sein des grandes puissances et peut jouer un rôle mondial.

L’Église catholique aidée par les jésuites avait développé des échanges amicaux avec le grand empire chinois du XVIIIème siècle. Trop solidaire du monde occidental, elle a malheureusement participé aux humiliations de la Chine en lien avec les entreprises coloniales du XIXe siècle. Nos trois derniers papes ont bien compris qu’il était grand temps pour l’Église de faire place à la Chine nouvelle et de ménager en ce grand pays une place pour les croyants. A la suite du concile Vatican 2, l’Église est ouverte au monde et se montre au service d’une humanité plus équitable et fraternelle. Le récent accord Chine Vatican offre aux catholiques chinois la perspective de pouvoir coopérer positivement et activement au développement humain de leur société. Face à l’effort de sécularisation de la société chinoise, l’Église peut paraître perdante. Mais sa foi dans le mystère du salut par le Christ assure l’Église qu’elle sera gagnante à long terme. En réalité, plus le président chinois veut siniser l’Église, plus il aide à christianiser la Chine.

La Chine elle-même est-elle gagnante en amorçant des relations plus amicales avec le Saint-Siège ? Elle est sans doute consciente du rôle joué par le Vatican dans la diplomatie mondiale. Mais elle craint encore les condamnations pontificales du communisme athée. Elle craint aussi le précédent polonais du rôle joué par le pape Jean-Paul 2 dans la chute du Parti communiste en Europe. En outre, elle n’a peut-être pas encore assouvi son désir de vengeance pour toutes les humiliations subies aux siècles précédents.  L’héritage profond de la culture chinoise demeure pourtant le « Da tong » un idéal d’harmonie universelle, l’avènement d’une seule grande famille sous le ciel (Tianxia yijia). Le docteur Sun Yatsen, père de la patrie, avait bien engagé le pays en ce sens.  Devenue puissante, la Chine contemporaine peut aider à l’organisation d’une nouvelle société mondiale plus équitable. C’est ce que le pape François espère en renouvelant l’accord provisoire inauguré il y a deux ans. L’accord reste discrètement limité car il faut attendre que les catholiques clandestins pansent leurs blessures et finissent par comprendre l’appel du Pape à la réconciliation et à l’espérance.

Jean Charbonnier MEP 
Paris, 17 novembre 2020

CCFM
DCC