Portée du Mois Missionnaire Extraordinaire

En octobre 2019, s’est tenu à l’ Université catholique de Fribourg (Suisse) un colloque sur le thème : Baptisés et envoyés : quel évangile et quelle Église pour le monde d »aujourd’hui ? Sous la conduite de F.X. Amherdt, il s’agissait d’apprécier les enjeux et la portée du Mois Missionnaire extraordinaire qui devait se célébrer en octobre 2019. Antoine Sondag, ancien directeur du SNMUE, nous partage sa contribution portant sur ce point.

2020.08.28_MME. Portée du Mois Missionnaire Extraordinaire

 

 

Portée du Mois Missionnaire Extraordinaire

À partir de ces considérations interprétatives sur les motivations et les enjeux du MME, nous désirons prolonger notre réflexion avec l’énoncé de quatre thèses sur la portée et les fruits potentiels de l’initiative pontificale.

Thèse 1 : Changer le paradigme missionnaire

De l’envoi à l’échange

Il ne s’agit plus tellement, comme l’exprimait clairement le titre du décret de Vatican II Ad gentes, avec sa préposition « ad » (vers les nations), de concevoir la mission purement en termes d’envoi (selon l’étymologie latine du verbe mittere) : envoi de personnes susceptibles d’apporter quelque chose que les destinataires ne possèdent pas ; des ressources humaines, financières, organisationnelles ou spirituelles ; envoi de notre « superflu » en quelque sorte – même si, bien sûr, théologiquement le mouvement part des missions trinitaires du Fils et de l’Esprit. Mais il convient désormais d’entrer dans une logique de l’échange et du partage, du donner et du recevoir, dans la perspective relationnelle éminemment trinitaire où, puisque l’Esprit Saint est déjà à l’œuvre en toute personne et nous précède dans les Galilée contemporaines postmodernes, personne n’est trop démuni pour n’avoir rien à donner, ni trop riche pour n’avoir rien à recevoir.

Thèse 2 : Pour un nouvel imaginaire d’Église,

Sans catégorisation obsolète

Deuxième impact possible des impulsions données par le Message pour la Journée mondiale des missions 2019 : l’abandon du modèle colonial de l’Église sous-jacent à l’ancien paradigme missionnaire. Il faut d’engager pour un nouvel imaginaire ecclésial dépourvu de catégorisations dépassées. Il n ‘y a pas dans l’Église de territoires de chrétienté, de terres de mission… la mission est partout. Il n’y a pas de personnel spécialisé pour accomplir cette tâche missionnaire (les religieux, certains ordres d’hommes et de femmes…). Tout baptisé est missionnaire ou appelé à le devenir. Cela fait partie des constantes de l’enseignement du pape François.

Thèse 3 : Affronter le défi des « non-affiliés »

Dans les pays occidentaux surtout, le nombre de ceux qui affirment ne se rattacher à aucune communauté ni tradition religieuse ne cesse d’augmenter. Il atteindra bientôt la moitié de la population. Cela lance un défi nouveau à l’évangélisation missionnaire : comment annoncer l’Évangile à celles et ceux qui disent déjà le connaître, qui refusent le Christ dont ils ont déjà abondamment entendu parler… la catégorie « peuples qui n’ont jamais entendu parler du Christ » a perdu sa pertinence. Au profit de personnes qui estiment connaitre le christianisme, qui prétendent parfois en avoir retiré les éléments positifs, mais qui ne s’identifient pas ou plus à l’Église catholique.

Thèse 4 : Pas de prosélytisme du tout

L’histoire du salut ne se présente pas comme la conquête progressive de territoires, à l’exemple d’un Alexandre le Grand ou d’un Jules César, ni comme l’extension toujours plus grande d’influence, comme la « macdonaldisation » commerciale des USA. Le catholicisme se refuse au prosélytisme, il n’a pas de « produit » à vendre. Il ne dispose que de richesses à donner et à partager en toute gratuité. Il n’en « dispose » pas du reste. Les missionnaires ne possèdent rien, ils ne sont que des « passeurs d’un Évangile » qui les précède et les enfante.

C’est donc une logique du don, du partage, de la gratuité, de la surabondance qui préside à l’élan missionnaire voulu par l’évêque de Rome.

Conclusion

C’est avec beaucoup de difficultés que les discours pontificaux et missiologiques réussissent à pénétrer la conscience des chrétiens et à se répandre vraiment dans les discours des baptisé(e)s et de l’opinion publique. Les déclarations institutionnelles et académiques touchent encore peu les convictions profondes des « catholiques de base », sans parler des médias.

Des gestes forts, telles les modifications structurelles des Congrégations autour de la nouvelle évangélisation peuvent commencer à frapper les esprits. L’évolution des modèles missionnaires s’avère indispensable.

Antoine Sondag
août 2020

Baptisés et envoyés. Quel évangile et quelle église pour le monde aujourd’hui ?

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