La grande dignité des réfugiés d’Ukraine accueillis à Metz
Aumônier national des Slovènes et accompagnateur de la Pastorale des migrants du diocèse de Metz, le Père Joseph Kamin a participé à l’accueil de 236 personnes ayant fui l’Ukraine, mardi 8 mars 2022, à Metz. En partenariat avec l’Etat, l’Eglise locale est mobilisée.
Quelle est l’origine de votre mobilisation ?
En Slovénie, Mgr Andrej Saje, tout jeune évêque de Novo Mesto, a été très réactif. Deux ou trois jours après le début de la guerre (24 février, ndlr), il a proposé deux chambres à l’évêché pour des réfugiés ukrainiens et a demandé à tous les prêtres de voir ce qu’ils pouvaient faire en terme d’hébergement, en spécifiant bien qu’il soit décent pour l’accueil. J’ai tout de suite appelé le vicaire général à Metz, P. Sébastien Klam, pour lui expliquer ce que l’Eglise faisait en Slovénie. Je lui ai dit que je pensais que le temps n’était plus à la prière mais à l’action. Trois jours plus tard, le diocèse a mis à disposition trois pièces à l’évêché, une chambre au séminaire et dans certains presbytères. Puis vingt-six particuliers ont proposé d’héberger chez eux, à Metz, et vingt-cinq autres, en dehors de la ville. J’ai moi-même été contacté par une famille de la Nièvre qui souhaite accueillir une maman avec un enfant, car le père, ingénieur, a travaillé en Ukraine.
Comment l’accueil s’est-il organisé et déroulé à Metz?
Début mars, le vicaire général m’a transmis le lien pour une visio-conférence avec le Dr Khalifé Khalifé, médecin libanais et 1er adjoint au Maire de Metz, François Grosdidier. Une quinzaine de personnes participait à cette réunion dont JRS Welcome et Corinne Maury, déléguée diocésaine à la Pastorale des migrants. Il était question d’affrêter des bus pour la Pologne, à la frontière avec l’Ukraine, pour acheminer des médicaments, de la nourriture, des vêtements et de revenir avec 250 réfugiés.
Mardi 8 mars, dès 9h, j’étais au complexe sportif de Metz. Ma mission était l’accueil, l’interprétariat et l’écoute. Le serbo-croate, que je parle, est assez proche de l’ukrainien. Pour les deux ou trois personnes avec qui je n’ai pas pu entrer en contact, nous avions une personne qui traduisait au téléphone !
Je reste frappé par l’odeur. Celle de personnes ayant souffert sous terre pendant plusieurs jours. J’ai vu des pieds écorchés, un enfant qui n’avait même plus de chaussures. Les arrivants ont pris une douche et ensuite nous les avons accueillis. Tout se passait entre le bar où était distribué un repas très simple et les grandes tables. Il y avait des jeunes, des personnes âgées, des enfants et des bébés. Ce qui m’a beaucoup touché, c’est leur grande dignité, malgré la tristesse qui se lisait sur les visages. Je l’ai remarqué en distribuant des bonbons, quand un garçon de peut-être sept ou huit ans m’a dit : « Je n’en prends qu’un. Il y a encore d’autres enfants ». S’ils recevaient un deuxième sandwich, ils le prenaient avec un tel respect !
Trois personnes étaient disponibles pour la vaccination anti-Covid et les tests PCR. On a dépisté des cas positifs. D’ailleurs très peu d’entre eux portaient des masques. Trois fonctionnaires de la préfecture assuraient l’enregistrement.
Parmi les Ukrainiens, il y avait quatre étudiants pakistanais dont l’université avait été détruite par une bombe et un Camerounais, professeur de français à Kiev. Leur attitude détonnait car ils n’avaient pas laissé derrière eux de famille. Il faut savoir que la France n’est pas une destination de rêve. La plupart des réfugiés aurait voulu rester au plus près de leur pays, parce qu’ils ont encore quelqu’un là-bas et qu’ils gardent l’espoir de rentrer.
Quelles actions le diocèse de Metz va-t-il mettre en œuvre ?
Dès la visio-conférence, j’ai insisté sur la nécessité de prévoir un accueil à long terme et non pas seulement dans l’urgence. Dans un pays bombardé, où voulez-vous que les gens retournent tout de suite ?
Nous allons mettre en place des cours de langue pour les adultes. Nous cherchons une salle pour « le Café français » que Corinne va organiser. L’Etat va scolariser les enfants. Les transports sont gratuits pour eux, grâce à une attestation. Certains sont déjà repartis en TGV – pour Paris notamment – mais la majorité reste à Metz.
Quel message souhaitez-vous transmettre ?
Il y a quelques temps, j’étais dans un magasin où deux dames testaient des parfums : « Et celui-là, tu crois que mon mari va aimer ? » Je préfère de loin le parfum de souffrance que j’ai senti à travers mon masque FFP2. C’est le parfum de quelqu’un qui ne s’est pas lavé, qui n’avait même pas un morceau de papier journal pour s’essuyer. C’est le parfum de la guerre, de la déportation, de la fuite. Encore un détail : chacun des bus est parti avec une remorque. La première dame âgée que j’ai aidée à descendre du bus avait une valise. C’était la seule ! Les autres n’avaient que des petits sacs. Ils avaient marché des kilomètres. Ils sont arrivés à bout de forces. Le temps est à la prière mais en ce Carême, il est surtout à l’action.
Propos recueillis par Claire Rocher (SNMM)
P. Joseph Kamin : « Je suis venu en frère » " Quand l’évêque m’a nommé accompagnateur de la Pastorale des migrants en septembre dernier, il m’a dit que je le représentais. Mais je suis venu accueillir les réfugiés en tant que bénévole, sans signe distinctif. Je ne suis pas quelqu’un d’hyper sensible et pourtant je n’en ai pas dormi de la nuit. Tout ce que je vis depuis près de quarante ans avec les migrants slovènes a ressurgi : la crainte, la peur, la fuite, la déchirure. Les gens portent cela en eux jusqu’à leur mort. Ils sont traumatisés à vie. Une femme avait pris des photos des bombardements. « Je ne veux plus rien voir ». Elle a tout effacé. C’était une manière de dire qu’elle voulait couper net le lien avec son pays, son histoire ".
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La Mission catholique slovène de Freyming-Merlebach, dans le diocèse de Metz, existe depuis plus de 100 ans, et sa naissance est liée aux mines de Lorraine. Le père Joseph Kamin, aumônier national, nous partage les témoignages de chrétiens français membres de la communauté slovène.