Migrants : un livret pour ouvrir le dialogue en Seine-Saint-Denis

A l’occasion de l’élection présidentielle, le diocèse de Saint-Denis propose des rencontres autour du livret « Où est ton frère ? » (Gn 4, 9). Explications de Christian Laruelle, délégué diocésain à la Pastorale des migrants.

Comment ce livret est-il né ?

C’est une idée de Mgr Pascal Delannoy, évêque de Saint-Denis. Il en a lui-même donné le plan ! Je l’ai rencontré au conseil épiscopal, juste avant ma nomination en tant délégué diocésain à la Pastorale des migrants. Il a été rédigé par l’équipe de la PM qui compte 5 personnes.

Pour les témoignages, nous avons sollicité d’autres contributeurs sur le département afin qu’ils sondent leurs réseaux. Certains témoignages sont poignants ! Car derrière les statistiques, il y a des femmes et des hommes. D’où la question : « Où est ton frère ? » Et la réponse : « Est-ce que je suis le gardien de mon frère ? » (Gn 4, 9)

A qui s’adresse-t-il ?

L’idée de Mgr Delannoy est d’inviter les catholiques du diocèse à réfléchir sur les migrations, sur des bases solides (définitions, statistiques), au regard de l’évangile.

Ce document s’adresse prioritairement aux catholiques de Seine-Saint-Denis mais il n’est pas diffusé à la sortie de la messe. Il est volumineux (48 pages) et il a un coût. Nous en avons tiré 1250 exemplaires. La version PDF – bientôt disponible sur le site du diocèse –  peut être projetée en paroisse, lors d’une conférence, par exemple.

Le document est bien ancré dans le territoire du 93…

Nous voulions rendre ce sujet un peu plus proche des gens. Il faut savoir que la Seine-Saint-Denis est le premier département de France métropolitaine, au regard du nombre d’immigrés. 30% de sa population est immigrée.

Nous avons aussi valorisé les sportifs séquano-dionysiens. Kylian Mbappé, né à Paris, est descendant de migrants. Il est bien rappelé que les immigrés sont souvent français.

Pendant la pandémie de Covid-19, les « travailleurs-clés » habitant en Seine-Saint-Denis étaient nombreux. Nous relayons une étude de l’Insee à ce sujet. A Aubervilliers, l’Institut Convergences Migrations rassemble plus de 600 chercheurs sur les migrations : statisticiens, démographes mais aussi sociologues, médecins, ethnologues…

Je suis chaque année le cours de son directeur, François Héran, au Collège de France, dont l’approche est pluridisciplinaire. C’est pourquoi nous introduisons le livret avec un texte sur la génétique qui explique que « nous sommes tous des métis ». Apparu en Afrique, l’homme a migré. La migration est un phénomène tout à fait naturel qui existe depuis que l’homme existe.

Deux rencontres autour de ce sujet auront lieu les 1er et 3 avril. Comment s’est passée la première ?

Elle a eu lieu à la maison diocésaine, le 18 mars. Les gens étaient satisfaits de cette présentation. Ils ont reçu le livret. La participation a été bonne. Après l’introduction de l’évêque, j’ai présenté la partie statistique que j’ai rédigée. La discussion a duré trois quarts d’heure sur les deux heures de rencontre. Le public a (re)découvert les définitions (migrant, étranger, immigré, déplacé…) Il y a eu aussi une réaction à la participation des populations coloniales aux guerres, aux côtés de la France. On a cassé le cliché du migrant qui serait un maçon portugais ou un manœuvre maghrébin, avec des chiffres selon l’âge et le sexe, sur les catégories socioprofessionnelles, le niveau de diplôme.

Un prêtre a réagi en disant : « 93, terre prophétique mais maintenant, que fait-on ? » Il n’a pas tort ! Nous avons répondu que nous étions prêts à aller en paroisse pour en discuter. L’objectif est bien d’ouvrir la porte au dialogue. Cet outil doit servir de base à la discussion.

L’actualité de la guerre en Ukraine s’est-elle invitée dans le débat ?

Il y a eu des questions sur les réfugiés ukrainiens, par rapport aux réfugiés syriens et afghans. Nous avons répondu qu’ils ne bénéficiaient pas du même régime. Pour ces derniers, la Convention de Genève et la procédure classique de la demande d’asile s’appliquent. Alors que pour les Ukrainiens, une directive européenne de 2001 prévoit une protection de six mois en cas de grand mouvement migratoire de réfugiés.  Honnêtement, peu la connaissait. Le public a réagi en disant qu’il y avait « deux poids, deux mesures ». C’est malheureux à dire mais c’est vrai.

Propos recueillis par Claire Rocher (SNMM)

Editorial de Mgr Pascal Delannoy : « Est-il possible… »


Est-il possible d’évoquer le sujet des migrants sans idées préconçues ni passions excessives, mais avec raison et cœur, ces deux termes n’étant pas incompatibles ? Est-il possible, à ce sujet d’éviter des propos qui n’auraient d’autres fondements que la peur ou la naïveté ? (…) Est-il possible de rappeler que les chemins de l’accueil, de la protection, de la promotion et de l’intégration, s’ils peuvent être difficiles, sont néanmoins possibles ? (…)

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