Lettre aux Chrétiens de Normandie

A l’approche de l’élection présidentielle (avril 2022), les chrétiens engagés aux côtés des migrants adressent ce message aux communautés chrétiennes de Normandie.

Nous sommes des chrétiens* engagés auprès des migrants et, à quelques mois de l’élection présidentielle, nous souhaitons vous faire part de notre inquiétude quant à l’accueil qui leur est actuellement réservé.

Évoquer le thème des migrations est toujours délicat, tant l’attitude à adopter vis-à-vis des migrants divise l’opinion. Les peurs et les phénomènes de rejet à leur égard ne cessent de se développer un peu partout en France. L’espace médiatique est là pour nous en convaincre.
Cette méfiance et cette hostilité n’épargnent pas nos communautés chrétiennes.
Depuis plusieurs années, le pape François, qui a fait de l’hospitalité un des enjeux majeurs de son pontificat, nous invite à Accueillir, Protéger, Promouvoir et Intégrer les migrants et les réfugiés.

Dans son Message pour la 107e Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié (JMMR) du dimanche 26 septembre 2021 ”Vers un “nous” toujours plus grand ”, il demande « aux chrétiens et à tous les hommes et à toutes les femmes du monde un engagement personnel et collectif prenant en charge tous les frères et sœurs qui souffrent… sans faire de distinction entre autochtones et étrangers, entre résidents et hôtes, car il s’agit d’un trésor commun, et personne ne doit être exclu de ses soins et bénéfices ».

Nous, chrétiens, animés par notre foi, sommes invités à répondre à cet appel : « Tout émigré qui frappe à notre porte est une occasion de rencontre avec Jésus-Christ, qui s’identifie à l’étranger de toute époque accueilli ou rejeté » (cf. Mt 25,35-43, cité par le pape François dans son Message pour la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié 2018).

L’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme stipule que toute personne a le droit de quitter son pays  et d’y revenir, mais rares sont celles  qui le quittent de gaieté de cœur. « Cependant avant le droit d’émigrer, il y a le droit de ne pas émigrer » (Benoît XVI).
Nous voyons que de nombreuses migrations sont la conséquence d’une précarité économique  et sociale, d’absence de perspectives pour les jeunes, d’un manque de biens essentiels, de catastrophes naturelles, de guerres et de désordres sociaux et, de plus en plus la conséquence du réchauffement climatique.
Tout homme a le droit non seulement de vivre en sécurité mais aussi de disposer des ressources nécessaires à son épanouissement lui permettant de vivre dignement (article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme). Au nom du principe de « destination universelle des biens », si ces « ressources vitales » ne sont pas disponibles chez lui, il a le droit d’aller les chercher ailleurs. Cela crée, pour les nations riches, un véritable devoir d’accueil, ainsi formulé dans l’article 2241 du Catéchisme de l’Église catholique :
« Les nations mieux pourvues sont tenues d’accueillir autant que faire se peut l’étranger en quête de sécurité et des ressources vitales qu’il ne peut trouver dans son pays d’origine ».

Aujourd’hui des femmes et des hommes, convaincus que l’accueil de l’étranger est source d’enrichissement mutuel, se mobilisent pour mettre en place un système plus respectueux  des droits de la dignité humaine. Par leur action ils invitent à « changer notre regard sur le frère venu d’ailleurs » et à considérer les migrations comme un chance et non comme un problème.
Dans le 1er chapitre de l’Encyclique Fratelli Tutti, le pape François affirme avec force : « Dans certains pays d’arrivée, les phénomènes migratoires suscitent des alarmes et des peurs, souvent fomentées et exploitées à des fins politiques. Une mentalité de fermeture et de repli sur soi se diffuse alors. Il est inacceptable que les chrétiens partagent cette mentalité et ces attitudes, faisant prévaloir certaines préférences politiques sur les convictions profondes de leur foi ».

Il nous faut aussi rappeler que les immigrés ont le devoir de s’intégrer dans le pays d’accueil, en respectant ses lois et ses règles. « Il faudra alors concilier l’accueil, qui est dû à tous les êtres humains, avec l’évaluation des conditions indispensables à une vie digne et pacifique pour les habitants originaires du pays et pour ceux qui viennent les rejoindre » (Jean-Paul II, Message pour la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié 2001).

Avec cette lettre nous souhaitons éveiller les consciences et appeler à la vigilance. Nous devons provoquer un dialogue à l’intérieur de nos communautés chrétiennes sans oublier d’inviter les migrants et migrantes que nous accueillons. Que s’organisent des débats, non pas pour en faire des déclarations publiques mais pour mieux nous connaître et mieux vivre ensemble. C’est ainsi que nous retrouverons  le chemin d’une humanité réconciliée.

*Les Equipes de la Pastorale des Migrants de Normandie
ACAT, CCFD-Terre Solidaire, Emmaüs, Mission Universelle, Mission Ouvrière (ACO ; ACE ; JOC), Secours Catholique, Société de Saint Vincent-de-Paul.

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