Retour sur la canonisation de Charles de Foucauld

Malgré ses résistances, Jean-François Berjonneau, prêtre du diocèse d’Evreux, était à Rome le 15 mai 2022, pour la canonisation de Charles de Foucauld, figure qui l’accompagne à travers son appartenance à la fraternité sacerdotale « Iesus Caritas ».

Je suis parti à Rome avec une certaine appréhension.

D’un côté, j’avais un désir profond de participer à cet événement où l’Eglise reconnaît dans la vie d’une personne habitée par la passion du Christ et des pauvres, un don de Dieu, un signe de Dieu pour notre histoire.

Et depuis longtemps, je me sens accompagné par le « frère Charles » sur le chemin de mon ministère de prêtre. Des paroles comme celles qu’il a prononcées lors de sa retraite d’ordination continuent de résonner très fort en moi : « Ce banquet divin dont je suis le ministre, il fallait le présenter non aux frères, aux parents, aux voisins riches, mais aux plus boiteux, aux plus aveugles, aux âmes les plus abandonnées… »

Elles éclairent encore mon ministère auprès des migrants en situation irrégulière ou en difficulté d’intégration, des personnes qui sortent de prison et qui ont tant de mal à retrouver une place digne et reconnue dans notre société…

Mais d’un autre côté, dans cette célébration de la canonisation, dans les fastes de la liturgie romaine, j’avais la crainte que le frère Charles se trouve en quelque sorte récupéré, embaumé et placé sous les feux des projecteurs…

La veille de la cérémonie de canonisation, dans l’église Saint-Louis-des-Français, nous avions assisté au spectacle mis en scène par Francesco Agnello, intitulé « Charles de Foucauld, frère universel ».

Et dans cette belle évocation de la vie du frère Charles, l’accent avait été mis sur son chemin de Nazareth, sa recherche d’une vie cachée et obscure, dans les pas de Jésus enfant et jeune vivant au cœur de la sainte famille à qui Charles de Foucauld fait dire : « Combien je prêche à Nazareth l’humilité, en passant trente ans dans ces obscurs travaux, l’obscurité, en restant trente ans si inconnu, Moi, la Lumière du monde ! »

Oui, je me posais la question de la compatibilité entre la solennité de la canonisation et « l’abjection » dans laquelle le frère Charles a voulu mener sa vie…

Finalement, la solution à ce dilemme est venue du nombre des saints canonisés

Il y avait dix personnes reconnues comme saintes par l’Eglise ce jour-là.

C’était bien dans la ligne de cette « fraternité universelle » que le Frère Charles avait rêvée. Il était un parmi les autres, ami de Jésus comme les autres. Les propos du pape François au moment de l’homélie n’ont pas braqué les projecteurs sur lui.

Simplement on pouvait reconnaître dans ces paroles du Pape ce qui a caractérisé le chemin du frère Charles, comme celui de tous ses frères et sœurs en sainteté : « Être disciples de Jésus et marcher sur le chemin de sainteté, c’est avant tout se laisser transfigurer par la puissance de l’amour de Dieu. N’oublions pas la primauté de Dieu sur le moi, de l’Esprit sur la chair, de la grâce sur les œuvres ».

La grâce de Dieu est toujours première. La pauvreté des serviteurs n’en est que le reflet. C’est ce qu’a bien montré la canonisation du frère Charles de Foucauld.

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