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Ne remettons pas à plus tard…

Père Pierre Riouffrait en Equateur.

Depuis l’Équateur, Pierre Riouffrait, sous le titre « De nouvelles orientations qui ne peuvent être reportées », invite à un changement de regard et de comportement, à des relations équilibrées et fraternelles entre tous les êtres vivants, dans la société et dans l’Église.

« Même un vaccin ne pourra pas nous sauver si nous ne changeons pas notre manière d’entrer en relation entre nous et avec tout ce qui est créé ». Le propos est clair… et l’auteur [sœur Margot Bremer rscj, ndlr]  d’insister : « Si nous ne changeons pas, de pires virus viendront qui pourraient mettre fin à la vie sur notre planète… Ce virus existe depuis des milliards d’années ; il sommeillait dans la nature, sans lui nuire. Mais depuis que l’homme a détruit l’écosystème, il se réveille et se multiplie de manière désordonnée, envahissant notre habitat parce que nous avons pris le sien ». L’auteur ne fait rien d’autre que de reprendre les avertissements lancés depuis 15 ans par les scientifiques… Ce virus s’est installé, malgré tous les vaccins qui ne peuvent le faire disparaître mais se limitent à en réduire les conséquences mortelles.

Il est plus que temps de prendre au sérieux la priorité, désormais absolue, de relations amicales entre nous et avec la nature, en vivant et travaillant en faveur de la fraternité, du partage équitable des biens et de la protection de la nature. Il faut en finir avec ce système capitaliste mortel… comme vient de le dire le président de la Fondation Ford, Darren Walker, qui « nous exhorte à changer le capitalisme aux États-Unis ou à faire face au désespoir et au déclin de la société ». On ne peut le dire plus clairement ! La Fondation Ford est une organisation caritative américaine qui finance des programmes visant à promouvoir la démocratie, à réduire la pauvreté et à faire progresser le développement humain.

Nous serions-nous habitués à lire des nouvelles aussi horribles que celle-ci ? Car qui n’a pas mangé et ne mange pas encore de produits suisses Nestlé ? Le journal américain Financial Times écrit : « Nestlé admet que la plupart de ses produits ne sont pas sains… Seuls 37% des aliments et des boissons produits par Nestlé ont obtenu une note supérieure à 3,5 points dans un système d’évaluation australien au score maximum de 5 étoiles » ! Et ne parlons pas du Coca Cola et des autres boissons gazeuses qui sont toutes nocives.

La folie n’est pas le monopole des gouvernements et multinationales… Elle nous touche tous, en tant que consommateurs. Les gouvernements et les multinationales changent si nous changeons. Combien de personnes devront mourir dans nos familles avant que nous le comprenions ?

Nous devons changer notre façon de penser car, peut-être sans nous en rendre compte, sommes-nous tombés dans la proposition capitaliste : « Produire le plus possible d’argent et le plus vite possible ». Malheureusement, en Équateur, nous avons élu un gouvernement capitaliste qui favorisera les intérêts des riches. Nous devons nous réveiller en tant que citoyens et découvrir notre capacité à changer et à mettre en place un autre système social sans penser que d’autres vont nous sauver : « Nous ne manquons pas de dirigeants, nous manquons de citoyens… des personnes qui pensent avec leur propre tête… Sans citoyens, on ne peut pas fonder de démocratie… Sans citoyens, nous avons des guerres et des leaders. Nous n’avons pas besoin de leaders… Nous avons besoin de la force plurielle que représentent des hommes et des femmes conscients de leurs droits et habitués à s’entraider. Nous avons besoin de plus de politique et de moins de politiciens ».

Changement de paradigme avec la prochaine Assemblée ecclésiale

Au niveau ecclésial, le pape François insiste sur la proposition d’une Église de tous les baptisés : moins de clergé et plus de laïcs. À la fin de cette année, le pape a convoqué une « Assemblée ecclésiale de l’Amérique latine et des Caraïbes ». Il nous invite à apporter ensemble des solutions aux cris de la nature et des pauvres grâce à une conversion multiple : personnelle, sociale, environnementale et structurelle. Les précédentes réunions latino-américaines étaient des conférences épiscopales, des réunions d’évêques seuls, qui terminaient par un document résumant leurs réflexions et donnant des orientations. Il s’agit d’un changement structurel dans l’Église catholique, car jusqu’à présent, le pape, les évêques et les prêtres étaient ceux qui « commandaient ». La pandémie a révélé la faiblesse de l’organisation paroissiale et diocésaine lorsque les baptisés ne sont pas associés aux décisions et à la responsabilité des activités pastorales et sociales. Le pape désigne ce nouveau processus du mot « synodalité », qui signifie « marcher ensemble dans l’égalité et la responsabilité ». C’est un retour aux pratiques de Jésus et des premières communautés chrétiennes : Jésus était laïc, pas prêtre ; dans ces premières communautés, tout le monde était laïc, y compris ceux qui présidaient à la fraction du pain ou Eucharistie.

Tant dans la société que dans l’Église, nous sommes appelés à un changement radical dans notre façon de vivre, dans notre coexistence sociale avec une nouvelle manière de nous organiser et au niveau religieux, avec un retour aux racines de notre foi et de nos églises. Nous devons nous éveiller à notre capacité individuelle et politique, et apprendre de la cosmovision indigène et de la culture noire qui ont préservé une relation vitale avec la nature et une pratique communautaire que le système capitaliste nous a fait perdre. Décidons-nous à construire un humanisme ouvert à la nature et à la transcendance car c’est notre mission sans déléguer à quiconque, tant sur le plan religieux que politique, notre capacité à construire une société harmonieuse et une planète réconciliée entre les hommes et la nature. Nous sommes dans une période propice pour nous engager dans de nouvelles directions.

Pierre Riouffrait, prêtre du Puy, fidei donum à Guayaquil (Équateur)

Traduction Annie Josse (SNMM)

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