Le Zimbabwe votera en 2018
Le dimanche 4 juin, dimanche de la Pentecôte, la Conférence épiscopale du Zimbabwe publiait, sous le titre : Élections, paix et développement, une lettre pastorale sur les élections présidentielles prévues avant la fin août 2018. Les évêques des 8 diocèses qui composent le pays déclinent leur réflexion en sept appels :
- Accepter l’autre et respecter ses opinions
- Choisir des mots qui construisent la communauté nationale au lieu de la détruire
- Estimer la constitution
- Voter des lois en harmonie avec la constitution
- S’engager dans le combat pour une vie meilleure et le respect des droits de chaque personne
- Être partie prenante du processus électoral
- Rejeter toute forme de violence et de coercition
Le Zimbabwe ? Un pays de 14 millions d’habitants en 2015, pour une superficie un peu supérieure à celle de l’Allemagne, enclavé en Afrique australe, entouré par l’Afrique du Sud, le Botswana, le Mozambique et la Zambie. Un des derniers pays africains à accéder à l’indépendance, en 1980, dont le président, Robert Mugabe, est au pouvoir depuis cette date… d’abord comme premier ministre, puis comme président depuis 1987. Âgé de 93 ans, il est également le plus vieux dirigeant en exercice de la planète.
Les évêques dénoncent depuis longtemps la politique de Robert Mugabe et de son parti, la Zanu-PF (Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique). Déjà en 2011 dans la lettre pastorale : Travaillons tous au bien commun, sauvons notre nation, ils stigmatisaient un pouvoir marqué par « la corruption comme un cancer détruisant notre nation », ainsi que par « la violence, l’injustice, la peur, la fraude électorale ».
Environ 10% de la population est catholique, tout comme le président lui-même. La Zanu-PF reproche pourtant aux catholiques du pays d’être majoritairement sympathisants du parti d’opposition de Morgan Tsvangirai, le Mouvement pour le changement démocratique. Ce qui explique les tentatives d’intimidation du clergé et des catholiques engagés avant chaque élection.
Les semences de la violence sont dans nos esprits et dans nos cœurs, elles se nourrissent de toute forme de nos peurs
Depuis 2016, les protestations contre le gouvernement de Mugabe se multiplient, avec à leur tête un pasteur évangéliste. Les Églises unies ont publié en août 2016 un communiqué appelant à l’unité nationale, cosigné par neuf organisations, parmi lesquelles la Conférence des Évêques catholiques, le Conseil des Églises du Zimbabwe et l’Association Évangélique. 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté et plus de 10 % des gens dépend de l’aide alimentaire internationale. Est mise en cause la réforme agraire de 2000, qui visait avant tout les fermiers blancs maintenus sur leurs terres au moment de l’indépendance. Son objectif était de redistribuer les exploitations à la majorité noire, en particulier des vétérans, sans capitaux pour exploiter les terres ni qualification. En 2008, le pays a donc été confronté à une grave pénurie alimentaire. De plus, cette réforme s’est imposée par la violence, des groupes de vétérans prenant possession des terres en chassant les fermiers blancs et leurs employés par la force, allant jusqu’au meurtre, avec la complicité au moins passive du pouvoir.
Robert Mugabe aura 94 ans au moment des élections. Il a pourtant été réinvesti comme candidat par son parti. Ce qui fait craindre à nouveau des violences pendant la campagne électorale. Malgré le risque, comme le soulignent les évêques, qu’elles ne jettent le discrédit sur les élections : « Les semences de la violence sont dans nos esprits et dans nos cœurs, elles se nourrissent de toute forme de préjudices, renforcées et soutenues par nos peurs, et elles infectent chaque aspect de nos vies, transformant tous nos engagements, y-compris les élections, en instruments de violence ». Que le peuple du Zimbabwe sache préserver sa maison commune et construire la communauté nationale, comme l’y appellent ses évêques.
Annie Josse
Juin 2017