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République de Centre Afrique : contre la lassitude, contre l’accoutumance à la violence !

Des déclarations des autorités religieuses du pays

Après l’attaque de la paroisse Notre-Dame de Fatima à Bangui le 1 mai et les morts occasionnées entre autres celle du curé… la Conférence Episcopale a publié un communiqué le 12 mai que l’on pourra lire ci-dessous. L’Alliance des Evangéliques de Centrafrique a également publié une  déclaration. De même que la Communauté Islamique Centrafricaine (CICA). Enfin dès le 12 mai, la plate-forme des Confessions religieuses en Centrafrique avait publié un mémorandum
Il ne suffit plus de dire que le conflit dans le pays n’est pas confessionnel. Il faut aussi indiquer des voies de sortie de la violence. Les pays voisins, l’Union Africaine, la communauté internationale (y compris la France) sont très impliqués dans la recherche de solutions. Avec quel résultat ?  Le risque est de s’habituer aux mauvaises nouvelles provenant du pays. Lassitude. Accoutumance à la violence. L’opinion risque de se fatiguer et de renoncer à comprendre la situation. Sans compréhension ou analyse de la situation, on ne trouvera pas non plus de solution. 
On pourra entendre le Père Joseph Tanga Koti, Secrétaire général de la Conférence Épiscopale de Centrafrique, intervenir le 11 juin pour la Journée Afrique 
Pour s’informer, on peut s’abonner gratuitement au bulletin Pharos, actualités de la RCA (veille approfondie, un courriel par semaine).

 

Le pasteur Nicolas Guérékoyame Gbangou, l’imman Omar Kobine Layama et le cardinal Dieudonné Nzapalainga, à Washington, où ils sont venus pour recevoir un prix.

Le pasteur Nicolas Guérékoyame Gbangou, l’imman Omar Kobine Layama et le cardinal Dieudonné Nzapalainga, à Washington, où ils sont venus pour recevoir un prix.

 

Message des évêques de Centrafrique à l’Église Famille de Dieu,
aux hommes et aux femmes de bonne volonté

Chers frères et sœurs en Christ,
et vous tous, hommes et femmes de bonne volonté,

Réunie en Assemblée plénière en janvier 2018, la Conférence épiscopale a rendu public un message intitulé « On entend des pleurs amers » (Jr 31, 15). Ce message oscille entre l’espoir et le désespoir qui traversent notre pays. Pris dans l’étau d’une lutte incessante entre le bien et le mal, nous continuons à avancer vers la paix à laquelle aspire tout le peuple centrafricain. En effet la Conférence Épiscopale comme sentinelle n’arrêtera jamais d’alerter, de dénoncer, de condamner mais aussi d’encourager à la paix. Néanmoins nous constatons que les événements du 1er mai 2018 à la paroisse Notre-Dame de Fatima signent la recrudescence de la violence à Bangui. Ils nous interpellent quant à la situation sécuritaire du pays.

I. Situation sécuritaire et humanitaire du pays

Dans les 16 préfectures du pays, à des degrés divers, les groupes armés tuent, pillent et rançonnent la population civile. Agressions et prises en otage de populations civiles, incendie de maisons ou de villages entiers, viols, vols, rackets, pillages, destruction de biens matériels et d’édifices, situation humanitaire difficile, attaques et assassinats dans les hôpitaux et sur les sites des déplacés, entrave à la libre circulation des personnes et des biens, utilisation d’enfants et de femmes comme boucliers humains, tel est le lot des centrafricains depuis ces quelques mois de l’année 2018.
La situation humanitaire est devenue difficile. Selon les statistiques du PNUD et de l’UNICEF, il est rapporté qu’au début de l’année 2018, « la moitié de la population centrafricaine avait besoin d’une aide humanitaire et une personne sur quatre avait fui son foyer pour se réfugier dans une région ou un pays voisin ». Notre pays reste dernier sur 188 pays dans l’indice de développement humain (PNUD) avec 2,4 millions de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire, plus de 633 300 personnes déplacées à l’intérieur du pays et 545 497 réfugiés dans les pays voisins, 1,4 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire et 1,8 millions d’enfants affectés par la crise (UNICEF).
Ce sombre tableau montre à suffisance que nous régressons au lieu d’avancer vers la paix. Et nous sommes en droit de nous poser la question de savoir ce qui justifie ce recul. Ne s’agirait-il pas de la mise en oeuvre d’un agenda caché ourdi contre la RCA qui consisterait à :
– Partitionner le pays
– Le rendre ingouvernable
– Le mettre sous protectorat ?

Il y a comme un remue-ménage dans l’intelligentsia du pays depuis l’arrivée de soldats russes sur le territoire national. Le gouvernement et l’Assemblée Nationale ont-ils préparé cette arrivée ? On assiste de nouveau aux regroupements de bandes armées à Kaga Bandoro avec une volonté affichée de prendre Bangui d’assaut et aux nouvelles alliances entre groupes rivaux. Par ailleurs, on relève une recrudescence d’actes de violence à tendance confessionnelle.

II – Position de l’Église catholique

A. Danger de la confessionnalisation du conflit
Depuis 2013, la Conférence Épiscopale n’a cessé de dénoncer la confessionnalisation de la crise en la qualifiant de militaro-politique. Or les ennemis de la paix, en posant des actes ignobles, s’efforcent de donner un caractère confessionnel au conflit :
– En mai 2017, assassinat de l’Imam et destruction de la mosquée de Bangassou
– Le 14 octobre 2017, assassinat de fidèles musulmans dans la mosquée, lors de la prière à KEMBE
– Le 07 février 2017, assassinat du Pasteur Jean-Paul SANKAGUI au PK5
– Le 21 mars 2018, assassinat de l’abbé Joseph-Désiré ANGBABATA à Séko avec des fidèles
– Le ler mai 2018, assassinat de l’abbé Albert TUNGUMALE-BABA MAKIMOS avec des fidèles à la paroisse Notre-Dame de Fatima, pour ne citer que ceux-là.

B. Mise en garde
Nous attirons l’attention du peuple centrafricain sur la vengeance aveugle qui risque de nous entraîner au génocide et ainsi à la réalisation de cet agenda caché. Les Centrafricains doivent savoir qu’on veut les prendre en otage et les instrumentaliser à des fins machiavéliques. Nous lançons un appel à la vigilance afin d’éviter toute manipulation.
Nous invitons donc chaque fille et fils de ce pays à la responsabilité citoyenne : ne pas céder à l’escalade de la violence qui servirait de caution aux intérêts des ennemis de la Centrafrique.
Nous rappelons à ceux qui nous gouvernent leurs obligations de protéger les populations et leurs biens ainsi que le territoire national, dans le respect des dispositions de la’ Constitution.
Nous demandons au gouvernement et à l’Assemblée Nationale d’expliquer à la population le contexte de la présence russe en Centrafrique et d’être prompts à communiquer sur les événements du pays.
Nous demandons aux élus de la Nation et à tous ceux qui sont en poste de responsabilité au gouvernement des statistiques fiables sur le nombre des morts et des victimes directes et indirectes du conflit. Nous demandons par ailleurs l’évaluation des destructions des villages, infrastructures religieuses et civiles sur tout le territoire centrafricain.
Nous demandons des gestes concrets de solidarité et de partage avec la population innocente qui a tout perdu et qui croupit dans le dénuement total.
Nous rappelons à la MINUSCA le respect de son mandat conformément aux résolutions du Conseil de sécurité et en particulier la Résolution 2387/2017 alinéa 42, relative à la protection des civils :
i) Protéger la population civile qui se trouve sous la menace de violences physiques, sans préjudice de la responsabilité principale des autorités centrafricaines et des principes fondamentaux du maintien de la paix définis dans la déclaration de son président (S/PRST/2015/22);
ii) Prendre des mesures actives, en appui aux autorités centrafricaines, pour anticiper, écarter et répondre efficacement à toute menace grave ou crédible à l’encontre de la population civile et, à cet égarc4 améliorer les systèmes d’alerte précoce, tout en maintenant un déploiement préventif et une présence mobile, flexible et robuste, et en organisant des patrouilles actives, en particulier dans les zones à haut risque.

Nous condamnons :
– La violence sous toutes ses formes, l’incitation à la violence et à la haine et le non-respect de la personne humaine;
– Toute violence exercée sur les ministres sacrés, les fidèles et les lieux de culte;
– L’ingérence de certains pays tiers qui ne veulent pas laisser le peuple centrafricain décider de sa destinée ;
– Le manque de patriotisme de certains fils du pays qui se laissent manipuler ou entretiennent la crise;
– L’utilisation des réseaux sociaux pour inciter à la violence et créer la psychose dans la population civile;
– L’inertie et le manque de visibilité du gouvernement qui est loin du peuple;
– La lenteur du gouvernement dans ses interventions pour protéger et sauver les populations;
– La lenteur dans les interventions, le manque de professionnalisme de certains contingents de la MINUSCA et le manque de mécanisme de prévention;
– Le non-respect des accords signés par les groupes armés;
– L’impunité dont jouissent les chefs de guerre.

III. Pistes de solution

À vous, chers frères et sœurs en Christ, à tous les hommes et femmes de bonne volonté, et surtout à vous, jeunes, qui êtes une cible de choix pour les manipulateurs, nous lançons cet appel à la suite de Saint Paul :
« Alors, qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ?
la détresse ? l’angoisse ?
la persécution ? la faim ?
le dénuement ? le danger ? le glaive ?
En effet, il est écrit : c’est pour toi qu’on nous massacre sans arrêt, qu’on nous traite en brebis d’abattoir.
Mais, en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés. » (Rm 8, 35-37)

Nous invitons tous les chrétiens catholiques à prier tous les jours en famille pour la paix et encourageons les autres croyants à faire de même. « Veillez et priez...» (Mt 26, 41). Restez vigilants et ne cédez pas à la violence gratuite.
Au Gouvernement, nous demandons de rendre vite opérationnelle la Cour Pénale Spéciale afin que justice soit rendue aux victimes qui se croient désormais oubliées.
Au Gouvernement et à la MINUSCA, nous demandons une coordination entre les forces de défense nationales et les forces internationales. Nous leur recommandons de prendre au sérieux les menaces et d’activer le mécanisme de prévention et de réaction, afin d’éviter les situations dramatiques et de vite secourir les civils en danger. Nous les exhortons à lutter contre l’impunité et à faire justice aux victimes dont les cris et les plaintes deviennent assourdissants.
À l’Assemblée Nationale, nous demandons :
– L’interpellation du gouvernement sur la présence russe en Centrafrique
– L’évaluation objective des actions de la MINUSCA.
S’agissant des groupes armés, nous louons les accords de cessation d’hostilité déjà signés dans certaines localités (Kouki, Bangassou, Markounda, Bouar, Batangafo, Boda, etc). Ce sont des lueurs d’espoir. Tout n’est pas perdu ; la paix est possible. Nous encourageons ceux qui ne l’ont pas encore fait à le faire et à le respecter. Nous invitons tous les combattants à accepter le processus du DDRR.
Nous demandons à l’Initiative Africaine pour la Paix et la Réconciliation en République Centrafricaine de finaliser dans un bref délai les propositions de sortie de crise pour aller vers la paix.
La paix est le nom de Dieu ; il nous l’a donnée en son Fils Jésus : «Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix » (Jn 14, 27). Chaque croyant est appelé à être artisan de paix.
Que la Vierge Marie, Reine de la Paix, intercède pour notre pays.

Donné au Siège de la CECA à Bangui, le 12 mai 2018
Le Conseil permanent de la Conférence Épiscopale Centrafricaine

Dieudonné Card. NZAPALAINGA
Archevêque de Bangui
Président de la CECA

Mgr Nestor Désiré NONGO AZIAGBIA
Évêque de Bossangoa
Vice-Président de la CECA 

Mgr Guerrino PERIN
Évêque de M’Baïki

Mgr Cyr-Nestor YAPAUFA
Evêque d’Alindao

P. Joseph Tanga -KOTI
Secrétaire général de la CECA

 

 

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