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L’Église d’Afrique de l’Ouest face à l’islamisme

Les prises de position et les initiatives de l’ Église d’Afrique de l’Ouest se multiplient face au défi du terrorisme dans cette région d’Afrique.

Église d’Afrique de l’Ouest face à l’islamisme. Carte de l'Afrique de l'Ouest

Carte de l’Afrique de l’Ouest.

Dans leur message de Noël, les évêques du Niger appelaient à l’unité des religions : « A l’heure où notre pays est secoué par le terrorisme, chrétiens et musulmans sont invités au nom de leur foi commune à Abraham, à se tenir les mains pour lutter ensemble contre les ennemis de la paix. », tandis que le cardinal Ouedraogo du Burkina invitait à construire « la paix [qui] est possible » en s’adressant à tous ses concitoyens et aux partenaires internationaux.

En novembre 2019, les conférences épiscopales du Burkina-Niger, du Mali, de la Côte d’Ivoire et du Ghana ont organisé durant deux jours un atelier inter-conférences sur la sécurité au Sahel, auquel participaient des évêques, des prêtres et des laïcs délégués des différentes conférences. Analysant les causes et les manifestations de la crise sécuritaire et humanitaire, ils s’engagent dans leur message final à collaborer à son règlement, à la prise en charge des populations et à la prévention des conflits. Leur appel à leurs concitoyens, aux pouvoirs publics, aux leaders religieux, aux acteurs internationaux, s’adresse également aux conférences épiscopales sœurs, leur demandant de promouvoir la solidarité dans « la défense de la dignité humaine dans les pays touchés par le conflit », de développer la conscientisation, le plaidoyer, et des initiatives concrètes de solidarité.

L’ONG International Crisis Group (ICG), organisation non gouvernementale indépendante et à but non lucratif qui œuvre en faveur de la prévention et de la résolution des conflits armés, vient de publier un rapport intéressant : « L’Afrique de l’Ouest face au risque de contagion jihadiste », dont elle nous propose la synthèse.

Synthèse

« En Afrique de l’Ouest, les mouvements jihadistes armés avancent comme le désert, du nord vers le sud. Leur influence au Burkina Faso inquiète de plus en plus les États côtiers d’Afrique de l’Ouest. Si quasiment aucune attaque n’a eu lieu dans ces pays, leurs dirigeants craignent que les militants utilisent le Burkina Faso comme une rampe de lancement pour des opérations plus au sud. La région envisage, via la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), de lancer des opérations militaires de grande envergure. Mais celles-ci pourraient se révéler contre-productives face à un problème qui nécessite des outils plus pointus ; elles risquent d’aggraver les tensions communautaires dans ces zones fragiles. Les pays côtiers devraient plutôt se concentrer sur des mesures moins onéreuses et sans doute plus efficaces : la collecte et le partage de renseignements, des arrestations ciblées, et l’amélioration des relations avec des communautés négligées du Nord. La Cedeao devrait par ailleurs œuvrer à limiter le risque de crise électorale dans plusieurs États côtiers, qui détourneraient des efforts contre les jihadistes.

Le spectre de la contagion du jihadisme au Golfe de Guinée hante l’Afrique de l’Ouest. L’expansion rapide du militantisme islamiste au Burkina Faso a considérablement accentué cette inquiétude. Ce pays occupe en effet une position centrale, reliant le Sahel aux pays côtiers et partageant des frontières avec quatre d’entre eux : le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo. Le Burkina entretient aussi des relations historiques, humaines, économiques et politiques particulières avec ses voisins méridionaux. Tout ceci en fait une porte ouverte sur le Golfe de Guinée. Désormais implantés au Burkina, les groupes jihadistes occupent une position idéale pour se projeter vers le sud.

Les groupes jihadistes ont indiqué à plusieurs reprises vouloir étendre leurs activités à la côte de l’Afrique de l’Ouest. Certes, il n’est pas certain qu’ils en aient immédiatement les moyens : ils n’ont encore commis aucune attaque dans le septentrion des pays côtiers ; et n’ont frappé le Sud qu’une seule fois, en Côte d’Ivoire en mars 2016. Mais les militants agissent souvent plus par opportunisme ou en exploitant les désordres qu’en suivant une stratégie élaborée. La force de ces groupes armés pourrait donc naître de la fragilité même des États côtiers.

Dans ce contexte, les faiblesses des pays du Golfe de Guinée, souvent similaires à celles de leurs voisins du Nord, sont d’autant plus inquiétantes. Plus riches que les pays sahéliens, ils sont néanmoins rongés par le même sous-développement des périphéries éloignées du pouvoir central, le désenchantement d’une partie de la population vis-à-vis d’États absents ou brutaux, et des services de sécurité et de renseignement dysfonctionnels. Dans plusieurs pays du Golfe de Guinée, des élections qui s’annoncent litigieuses auront lieu en 2020, faisant planer la menace de violences politiques. Les élections présidentielles en Côte d’Ivoire, en Guinée et au Togo, pourraient créer des divisions et s’avérer particulièrement dangereuses. La fragilité de la région tient aussi à l’incapacité des États à travailler ensemble. Ils ont peiné à trouver une réponse commune à la menace jihadiste. La création de plusieurs structures ayant une même mission de sécurité et de développement a dispersé les efforts. La Cedeao tente désormais de les coordonner, de ramener un certain ordre et de monter des opérations militaires conjointes entre ses États membres.

Mais l’organisation sous-régionale n’a pas de chef de file, et le milliard de dollars nécessaire à ces opérations conjointes, que la Cedeao entend trouver parmi ses États membres, est sans doute hors de portée pour des pays en difficulté économique.

Une option plus efficace et moins onéreuse existe. Au lieu d’accélérer les opérations militaires, les Etats côtiers devraient se concentrer sur le partage de renseignements et le renforcement des contrôles aux frontières. Ils devraient redoubler d’efforts pour regagner la confiance des communautés locales et ralentir l’infiltration jihadiste dans leurs septentrions. À ce stade de la menace, les autorités devraient privilégier des opérations ciblées, sur la base de renseignements fiables, plutôt que des opérations de grande envergure qui risquent d’engendrer des abus contre des civils, en particulier au sein de communautés souvent suspectées d’être proche des jihadistes. Il importe aussi que la Cedeao et ses partenaires internationaux, en particulier l’Union européenne et la France, intensifient leurs efforts diplomatiques pour prévenir les crises électorales potentiellement violentes, qui pourraient menacer la stabilité de ces pays au même titre que les groupes jihadistes, et créer pour ces derniers un terrain fertile ».

Lire le rapport complet

Annie Josse
Janvier 2020

Selon des statistiques récentes, depuis le début de 2019, un total de 238 attaques armées ont été signalées au Burkina Faso, transformant le pays africain en épicentre de la crise sécuritaire du Sahel. La COMECE appelle l'UE à soutenir les autorités du pays, ainsi que les Églises et les communautés religieuses, pour prévenir les affrontements et les conflits et renforcer le respect mutuel. Lire le communiqué de la COMECE

 

 

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