La mission chrétienne est pour le présent

Madagascar - © Alfonso Bartolotta

Alfonso Bartolotta de la Congrégation des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée, actuellement en mission à Madagascar, nous donne des nouvelles ! Son séjour à Bésafy est l’occasion de se remémorer un message du Pape François toujours d’actualité pour la vocation de tout chrétien, résumé en trois verbes : « Écouter, discerner, vivre l’appel du Seigneur. »

En écrivant la synthèse de mon séjour à Befasy (Madagascar), j’avoue qu’un Message du Pape François – même si cela date déjà – pour la Journée Mondiale de prière pour les Vocations (2018), m’a beaucoup éclairé. Un message d’une grande importance et toujours d’actualité pour la vocation de tout chrétien, résumé en trois verbes : « Écouter, discerner, vivre l’appel du Seigneur. »

Écouter : « Il convient alors de se préparer à une écoute profonde de sa Parole et de la vie, à prêter aussi attention aux détails de notre quotidien, à apprendre à lire les évènements avec les yeux de la foi, et à se maintenir ouverts aux surprises de l’Esprit. »

Discerner : « Chaque chrétien devrait pouvoir développer la capacité à “lire à l’intérieur” de sa vie et à saisir où et à quoi le Seigneur l’appelle pour continuer sa mission. »

Vivre : « La vocation est aujourd’hui ! La mission chrétienne est pour le présent ! Et chacun de nous est appelé – à la vie laïque dans le mariage, à la vie sacerdotale dans le ministère ordonné, ou à la vie de consécration spéciale – pour devenir témoin du Seigneur, ici et maintenant. »

Le 27 décembre 2024, c’est mon deuxième voyage à Befasy, après une première visite durant mon année sabbatique.Un voyage en compagnie de mon confrère Brunot, de trois religieuses de la congrégation de St Joseph d’Aoste et de leur chauffeur, tous malgaches. Le fort soleil de l’après-midi nous accompagne tout le long de la route, sans cesser sa présence très chaleureuse… Le trajet compte environ 2 heures de route, essentiellement sur une piste en terre battue et parfois sablonneuse. À mi-chemin, nous arrivons à l’endroit le plus difficile, celui de la rivière qu’il faut traverser avec la voiture, malgré le courant et avec de l’eau jusqu’à la partie supérieure des pneus. Grâce à l’expérience et à la maîtrise du chauffeur, nous parvenons de l’autre côté sans souci majeur.

Une fois arrivés, nous déchargeons les bagages et les courses faites en ville, puis nous buvons une boisson fraîche pour nous désaltérer. Après une rapide douche bien méritée, nous prenons le repas du soir, sous la véranda en bois.C’est ici, dans la mission de Befasy, que je commence une longue période de trois mois et demi pour aider mon confrère, le père Brunot, en attendant le retour du curé, le père Stanislaw, parti en Pologne. Les panneaux solaires nous permettent d’avoir l’électricité, heureusement, et de pomper l’eau dans le réservoir. C’est un rythme bien différent de celui de la ville de Morondava. Dans cette région, c’est la fin de la longue saison sèche, il fait chaud non seulement le jour mais aussi la nuit…

Au cours de la première nuit, voilà que deux légers coups de tonnerre annoncent l’imminence de la pluie qui, providentiellement, arrive soudain, après presque neuf mois de sécheresse. C’est ainsi que s’ouvre la tant attendue saison des pluies. La nuit poursuit son cours habituel tout en permettant au rythme régulier de la pluie, qui résonne sur le toit en tôle, de nous bercer jusqu’à l’aube. La deuxième nuit nous réserve la même et belle surprise. Le dicton « jamais deux sans trois » – je pense – vaut bien aussi en cette heureuse circonstance. La manifestation de la pluie, au cours de la troisième nuit et à plusieurs reprises, signe solennellement que la saison des pluies est vraiment commencée.

Le dimanche 29 décembre, nous célébrons une messe d’action de grâce. Brunot me demande de la présider en langue malgache tandis que lui en assure l’homélie. La communauté chrétienne est nombreuse, composée surtout d’enfants, d’adolescents et de jeunes. C’est la fête de la Ste Famille : nous confions à Sa protection la très grande famille humaine – l’humanité tout entière – dans sa diversité et sa particularité, et surtout les nombreux pays qui, depuis longtemps, ont du mal à sortir des conflits et des guerres. L’abondance de la pluie se manifeste régulièrement tout le long de l’après-midi, jusqu’au soir et durant la nuit, en ce premier dimanche dans la brousse de Befasy. Dès le début de la semaine, après l’arrosage naturel tombé du ciel, la terre est prête pour être ensemencée. Tôt le matin, beaucoup de personnes se dirigent vers leurs champs pour labourer et semer.

Mon confrère m’invite également à prendre part à cette initiative vitale qui assure la vie et la survie de la population locale. Nous allons dans le champ de la mission, accompagnés par un groupe de bénévoles – hommes, femmes, jeunes, adolescents et enfants – pour semer les arachides. Les hommes retournent la terre humide, formant de simples trous ; les autres mettent trois graines d’arachides dans chaque trou, qu’ils recouvrent d’un mouvement du pied, comme le geste rapide d’un coup de balai… Quant à moi, j’observe d’abord la technique et le mouvement puis j’essaie d’en faire autant… Bien évidemment, ma manière de faire attire l’attention des autres, leur donnant ainsi l’occasion de chuchoter et de rire… C’est le passage obligé du processus d’intégration : il faut accepter, sans complexes – j’oserai dire – la dérision positive, exprimée avec bonté et bienveillance.

Dans le village, je suis le seul étranger donc l’unique non malgache ; c’est bien évident d’ailleurs qu’aux yeux des autres, la manière de faire d’un étranger puisse leur sembler parfois étrange… À leur place, avouons-le, nous aurions sûrement la même attitude. Nous restons au champ durant quatre heures – deux heures le matin puis deux autres l’après-midi – dans la joie et la bonne ambiance, sous la chaleur généreuse du soleil…

Ce que je retiens le plus de ce moment, c’est la beauté et l’ambiance de travailler ensemble, comme une famille. Les parents et les enfants sont présents pour prendre part au travail qui assurera leur vie et leur survie, en ce lieu si enclavé et aride. C’est à la fois la transmission du savoir-faire des parents envers leurs enfants et l’initiation des petits à la prise de conscience en prenant part activement à la vie familiale, dès le bas âge.

Comment ne pas souligner, après une averse, l’indescriptible retrouvaille entre la première pluie abondante et la terre si assoiffée, ou encore, l’incomparable odeur qui se dégage d’un sol qui exhale son parfum, venant titiller agréablement la sensibilité de nos narines ?

Combien de dons l’immense générosité de la nature réserve-t-elle au genre humain souvent lent à s’en apercevoir ! Ces instants vitaux se déroulent, tout simplement et harmonieusement, sous mes yeux. C’est merveilleux, et je le considère comme un véritable clin d’œil de Dieu.

Le 31 décembre : mon premier réveillon de fin d’année en pays malgache. Oui, il s’agit du tout premier car l’an passé j’étais parti à La Réunion pour le baptême du petit Oscar, le premier nouveau-né d’un couple d’amis, Almel et Alex. En fin d’après-midi, un moment d’adoration rassemble une trentaine de fidèles pour rendre grâce à Dieu de l’année écoulée et lui confier également la nouvelle année si imminente.

La communauté des sœurs nous invite à passer ensemble le réveillon. Une occasion pour nous retrouver et échanger, faire connaissance et partager autour d’un repas fraternel et convivial. Une tablée de huit personnes, cinq religieuses, une jeune postulante et deux oblats. Nous évoquons le fait que pour nous tous, c’est le tout premier réveillon de fin d’année dans la mission de Besafy. Nous n’attendons pas minuit mais cela ne nous empêche pas de nous souhaiter joyeusement les vœux d’une heureuse année 2025 afin qu’elle apporte à tous la santé, le bonheur et la paix.

Vers 22h30 j’étais déjà au lit en espérant trouver le sommeil malgré la chaleur, l’ambiance festive et la musique dans les différents quartiers du village. Au cœur de la nuit, vers 01h45, l’orage et le rythme de la pluie me font sursauter. Je me dis, ça y est, le nouvel an commence bien : l’eau du ciel bénit et arrose la terre, heureusement ! Tratry ny Taona 2025 !  Heureuse Année ! Buon Anno ! Happy New Year !

Étant réveillé, j’en profite pour arroser le début de 2025 en prenant un double verre d’eau… car j’avais soif ! Il faut dire que la pluie est, généralement, un signe de bénédiction sauf si elle vient gâcher l’ambiance festive et dansante…

En effet, peu de temps après, toutes les animations s’arrêtent brusquement pour protéger les appareils alimentés par les petits groupes électrogènes en plein air ou à la belle étoile ! Du coup, le calme et la sérénité regagnent le village, promettant à tous une agréable nuit… un peu plus fraîche !

Sœur Louisette, la Directrice de l’école « Ste Thérèse de l’Enfant Jésus » me propose de passer une heure dans chacune des quatre classes du collège. Il s’agit de donner aux collégiens l’occasion de dialoguer et d’échanger pour pratiquer un peu plus la langue française. Je ne suis ni français ni enseignant mais cette proposition pourrait offrir aux élèves – qui ont tendance à parler uniquement en malgache – une opportunité de s’exprimer en français.

Le temps passe vraiment vite. Je me rends compte que, pendant mon séjour à Befasy, j’ai passé au total 40 heures avec les collégiens, dont 10 heures dans chaque classe de la sixième à la troisième. Une forte et belle expérience, celle d’être, tout simplement, présent, parmi eux et avec eux.

Mon dernier jour au collège, le vendredi 4 avril, à la fin du cours, un élève vient en classe pour me dire que la Directrice veut me parler. Il m’accompagne et, à ma grande surprise, je vois la Directrice entourée par tous les collégiens et les enseignants, autour du grand arbre dans la cour.

Elle prend la parole pour me remercier d’avoir donné du temps pour le bien des collégiens. Puis deux élèves, à leur tour, au nom des tous les collégiens, prennent la parole pour m’exprimer leurs remerciements. Enfin, quatre élèves – un de chaque classe du collège – viennent auprès de moi pour me remettre quatre enveloppes comme un geste d’amitié et de reconnaissance de la part de tous les collégiens.

À l’intérieur des enveloppes, il y avait leur simple mais sincère geste de partage pour me souhaiter un bon voyage vers Morondava. Beaucoup d’entre eux, ce matin-là, se sont privés d’acheter leur goûter, pendant la récréation, pour participer à la collecte.

À mon tour de remercier tout le monde, la Directrice, les enseignants et les collégiens. Avant de nous séparer, on ne pouvait pas manquer la traditionnelle photo souvenir avec tous les élèves du collège, à savoir : 32 en 6ème, 21 en 5ème, 24 en 4ème et 19 en 3ème.

Veloma ! Au revoir ! Arrivederci ! Goodbye !

Fraternellement,

Alfonso Bartolotta omi

Befasy, 27 décembre 2024 – 14 avril 2025

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