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Les évêques du Brésil et la crise du pays

En ces mois d’août-septembre 2016, le Brésil traverse une crise difficile et multiforme. Ralentissement économique, difficultés budgétaires, mesures sociales qui s’essoufflent, scandales de la corruption dévoilés jour après jour… mais il y a surtout une crise politique, et une crise de confiance dans les institutions politiques du pays. Et plus encore dans le personnel politique. On se souvient que la présidente Dilma Roussef a été destituée par le Parlement du pays. Entretemps, l’artisan de cette destitution a quitté la politique lorsqu’il s’est avéré qu’il était lui-même corrompu. Le président intérimaire est honni par une bonne partie du pays, et se fait siffler lors de ses déplacements. L’ancien président Lula, jusqu’ici icône du nouveau Brésil, vient d’être également inculpé.

Dans ce contexte, on constatera que les évêques du pays n’ont pas hurlé avec les loups. Ils ont appelé à la retenue dans la question de la destitution de la présidente Roussef. Ils ne jettent pas d’huile sur le feu dans le débat sur la corruption ou sur les hommes politiques… on lira ici le message que ces évêques viennent de publier à l’occasion de la fête nationale. Occasion de revenir sur la dignité de la politique et sur la confiance qu’ils placent dans le peuple brésilien.

 

 

1- Message à l’occasion de la commémoration de l’indépendance du Brésil

« L’espérance ne déçoit pas » (Rm 5, 5)

Conférence épiscopale brésilienne - Célébration

Conférence épiscopale brésilienne – Célébration

La Conférence Nationale des Évêques du Brésil – CNBB, à l’occasion de la commémoration du 7 septembre, fête de l’Indépendance, réaffirme que le Brésil est un pays libre, souverain et religieux. Il représente l’une des dix plus importantes économies mondiales, un territoire vaste et diversifié, plus de 200 millions de brésiliennes et de brésiliens. Témoignages d’une histoire construite dans la diversité, la tolérance et la coexistence pacifique.

Nous vivons toutefois un triste moment de notre histoire. L’absence de valeurs éthiques et morales a entraîné la profonde crise politique, économique et sociale que nous sommes en train de vivre. L’inégalité sociale historique n’a pas été surmontée. Nous courons le risque de la voir aggravée par la déconstruction des politiques publiques, qui se traduit par une perte de droits.

Nous constatons les difficultés actuelles, mais nous croyons en la capacité du peuple brésilien à surmonter l’adversité, et ce toujours par des manifestations pacifiques. Chaque institution est appelée à remplir ses obligations, dans un État démocratique et de droit, en agissant, dans le domaine qui lui est propre, en faveur du peuple brésilien et jamais en vue d’intérêts particuliers ou corporatifs. La Carta Magna de 1988, fruit d’un processus de participation populaire, gardienne de la démocratie brésilienne, doit être ardemment défendue.

Moins d’un mois nous sépare des élections municipales. C’est une possibilité pour notre population de s’exprimer par les urnes. Ne laissons pas passer cette chance d’une participation active et consciente qui réhabilite la politique et éduque à la citoyenneté. Rappelons qu’il s’agit d’une élection sans financement industriel et régie par la loi Ficha Limpa[1], acquis importants de la société brésilienne.

« Géant par ta propre nature… ton avenir reflète cette grandeur »[2].

Que la fête nationale soit une occasion de réaffirmer l’engagement de tout le peuple brésilien en faveur de la démocratie par le dialogue et la recherche inlassable de la paix, pour construire ensemble un Brésil fraternel et juste. « L’espérance ne déçoit pas » (Rm 5,5).

Notre-Dame d’Aparecida, patronne du Brésil, intercède pour nous!

 

Brasília-DF, 07 septembre 2016
(traduction par Annie Josse)

2- Les crises du Brésil. Prise de position des Églises

Le Brésil traverse actuellement une crise à multiples facettes. Économique, avec le recul du PIB. Sociale, à cause des limites d’un budget lui aussi en difficulté. Politiques surtout, avec les scandales à répétition de la corruption, les révélations gênantes pour beaucoup de partis et d’hommes politiques, le début d’une procédure d’impeachment contre la présidente Dilma Roussef, la mise en cause de l’icône nationale l’ancien président Lula da Silva… un climat assez détestable, la crise politique risque d’empêcher l’État de s’atteler à la tâche prioritaire de gérer l’économie et la société au profit des plus vulnérables qui restent très nombreux dans le pays.

 

Pro-Dilma_Sao-PauloLa Conférence des Évêques catholiques (CNBB) a publié, le 10 mars 2016, une déclaration au sujet de cette crise. On trouvera ici la traduction-en-Français de ce texte. Le texte original se trouve sur le site de la CNBB.

La CNBB fait partie du Conseil National d’Églises chrétiennes du Brésil appelé CONIC qui a également publié une déclaration à propos de la crise politique du pays.

La Commission pastorale de la Terre (CPT) est une pastorale créée en 1975 pendant la dictature militaire. Elle a été (et est encore) un acteur politique fondamental pour le renforcement des organisations paysannes, la défense de la réforme agraire et la dénonciation des crimes pratiqués contre les travailleurs ruraux. Elle a également publié, le 5 avril, un communiqué très critique sur la crise traversée par la Brésil. Traduction du communiqué

On remarquera que ces trois instances des Églises au Brésil prennent leur distance avec le climat de chasse à l’homme qui sévit dans le pays. On pourrait presque dire que les Églises appuient discrètement D. Roussef et L. da Silva. Elles s’engagent surtout pour mieux enraciner la démocratie dans le terreau brésilien. Et rappeler les urgences du pays, en matière sociale et de développement durable.

Voici ce que nous écrit un militant d’une ONG paysanne, qui se situe lui-même politiquement (à la gauche du Parti des Travailleurs), et qui prend position dans le débat sur l’impeachment de Dilma Roussef…

« Notre crise nationale approche de sa fin ou, plutôt, Est-ce la fin d’une étape, avec la très probable éviction de notre présidente et sa substitution par une bande de fripouilles épouvantables. Je fais partie d’une extrême minorité au pays, l’opposition de gauche. Lula et Dilma ont été élus par la gauche mais ont gouverné pour la droite et ils payent le prix de leurs choix. Bien sûr, ils ont promu des programmes sociaux importants mais toujours dans le sens du paternalisme d’état et pas dans le sens d’une plus grande autonomie des travailleurs et paysans. Maintenant la bourgeoisie brésilienne ne sait plus quoi faire de Dilma et préfère nommer un des siens pour mettre en œuvre des politiques d’austérité. C’est ça le véritable enjeu de la crise actuelle. Alors, je m’oppose au limogeage de la présidente mais je n’approuve pas la politique qu’elle a mené. De toute façon, on bosse comme des fous pour faire face à la crise qui va nous tomber dessus après le départ de Dilma car il est plus que probable que le nouveau président va mettre fin aux programmes d’assistance technique aux paysans

Jean-Marc Van Der Weide 
Fundador e diretor da ONG Agricultura Familiar e Agroecologia – AS-PTA
Membro do Conselho Nacional de Desenvolvimento Rural da Agricultura Familiar – CONDRAF

 

[1] « Fiche propre » ou « casier judiciaire vierge »
[2] Hymne national brésilien
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