Colombie : François, moi je t’attends !
Le site croire.com, en association avec La Croix, reprend des extraits des discours et homélies du pape François, lors de sa visite en Colombie. L’article ci-dessous présentait le pays et l’Église colombienne à la veille du voyage pontifical.
Toute (?) la Colombie attend le pape pour un voyage de 4 jours, du 6 au 11 septembre, durant lequel il visitera 4 villes, avec un accent particulier dans chacune d’entre elles. Il arrivera à Bogota, la capitale, qui sera le lieu de la rencontre avec le gouvernement, avec les jeunes et avec le comité directeur du CELAM (Conseil épiscopal latino-américain[1]). A Villavicencio, ville de 400 000 habitants proche de Bogota, François rencontrera des victimes du conflit entre le gouvernement et les différentes guérillas, et présidera une grande prière pour la réconciliation nationale. Là aura lieu également la béatification du Père Pedro María Ramírez, le « martyr d’Arnero », victime en 1948 de la « révolution d’avril[2] ». Cartagena, ville côtière à la population noire importante, symbolisera la rencontre avec les pauvres et la dénonciation du racisme. Medellin, enfin, la deuxième ville du pays et longtemps la plus violente, la ville « icône » de la foi populaire, attend des paroles sur la piété populaire.
Avec une superficie de 1.138.914 km², soit presque deux fois la France, pour une population de 48.203 millions d’habitants, la Colombie compte environ 90% de catholiques. On pourrait donc s’attendre à ce que la venue du pape déclenche l’enthousiasme. Cet enthousiasme existe chez une grande partie de la population, mais il n’en est pas pour autant généralisé. La campagne lancée sur Facebook FranciscoYoSiTeEspero, le montre : certains ne l’attendent pas, et préfèreraient qu’il ne vienne pas.
Teleamiga, chaîne privée de télévision qui se dit chrétienne, appartenant à José Galat, un conservateur de 88 ans, recteur de sa propre université, a récemment attaqué le pape François qu’elle taxe de faux prophète qui « enseigne des hérésies » et prépare ainsi le chemin à l’antéchrist. José Galat a été condamné fin juillet par la Conférence épiscopale colombienne, qui « en se basant sur le Droit canon», indiquait qu’il (J. Galat) « en rejetant l’adhésion au Pape et en blessant gravement la communion de l’Église, s’engage dans un schisme et conduit d’autres personnes à y tomber ». Cette chaîne jouit d’une bonne audience, et une partie de la population se trouve en pleine confusion.
Ce voyage du pape François est marqué par une grande espérance de paix. Il a comme point de départ une déclaration du pape lui-même, qui avait affirmé qu’il viendrait en Colombie lorsque l’accord de paix serait signé[3]. Le Pape tient sa promesse, il part dans quelques jours pour la Colombie. Et les Colombiens attendent qu’il continue à appeler à la paix, à faire le pari de la paix, dans un pays où le conflit a fait depuis les années 60 au moins 260 000 morts et 45 000 disparus, ainsi que 6,9 millions de déplacés internes. Le slogan retenu pour ce voyage apostolique « Faisons le premier pas », invite à avancer sur le chemin de la réconciliation et de la paix. On se souvient que le référendum sur le processus de paix en octobre 2016 s’était soldé par un « non » à un peu plus de 50%, et qu’il avait fallu d’autres négociations pour qu’il soit finalement accepté.
Le pays est donc divisé sur cette question de la paix, des accords de paix avec les FARC et de leur mise en œuvre. L’Église elle-même est divisée, et on note une certaine défiance vis-à-vis de François de la part de ceux qui sont plutôt du côté du non aux accords. Défiance qui contrastera avec l’ouverture et l’enthousiasme de l’autre partie de l’Église colombienne, en attente d’un message de paix significatif.
… avancer sur le chemin de la réconciliation et de la paix
L’Église de Colombie est également divisée sur un autre plan : il y a ceux qui soutiennent le pape François et valorisent son message, et ceux qui sont plus réservés et ont du mal à l’accueillir, la portion conservatrice de l’Église, qui n’est pas prête à laisser bousculer ses privilèges et à s’entendre inviter à un plus grand témoignage de simplicité, à aller vers les pauvres, à devenir « une Église pauvre et pour les pauvres ». Beaucoup attendent du Pape une parole sur les liens de l’Église avec le parti conservateur, sur son attitude face à l’injustice sociale et aux groupes paramilitaires, ainsi que face aux narcotrafiquants. « Pourquoi la Colombie, fière de son catholicisme, est-elle l’un des pays au plus fort taux de violence et de corruption tout au long de son histoire ? Quelle formation l’Église a-t-elle transmise dans ce pays où la corruption représente 30% du budget de l’État ? Quelle lecture théologique la hiérarchie de l’Église colombienne fait-elle de la réalité du pays ? », se demande le journaliste José Fabio Naranjo.
En marge de la visite pontificale, les 3 et 4 septembre respectivement, auront lieu une demande de pardon pour l’implication de membres de l’Église dans la violence en Colombie, et une séance académique qui analysera les discours et pratiques violentes légitimés en Colombie par des visions religieuses et réfléchira sur l’attitude pénitentielle en lien avec le défi de la réconciliation. Une initiative du père Javier Giraldo, SJ, de la Commission inter-ecclésiale de Justice et Paix, et de la Faculté de théologie de l’Université xavérienne de Bogota.
Le pape François pourrait également rencontrer en Colombie la Conférence épiscopale du Venezuela, tout entière ou en partie, selon ce qu’a annoncé un évêque colombien.
Finalement, qu’est-ce que cette visite du Pape pourra apporter à la Colombie ? Chaque pontificat a ses priorités, et beaucoup affleurent dans la personne et les paroles de François. On pourrait les résumer dans un retour à « l’essentiel » de l’Évangile. Il nous parle de joie, de simplicité, de miséricorde, de réalité sociale, d’une foi qui s’engage dans le présent et cherche à répondre à ses défis. L’Église de Colombie n’est pas appelée à autre chose…
Annie Josse
Août 2017
Voici une vidéo du pape (en espagnol) diffusée par la Conférence des Evêques de Colombie.
[1] Le CELAM est un regroupement de toutes les conférences épiscopales de l’Amérique latine. Son secretariat est basé à Medellin. Le président actuel du CELAM est le Cardinal Rubén Salazar Gómez, archevêque de Bogota.
[2] Le 9 avril 1948, le candidat présidentiel du parti libéral colombien Jorge Eliécer Gaitán est abattu à Bogota. L'assassinat déclenche une révolte populaire d'une extrême violence et fait vaciller le gouvernement conservateur. C'est le début de "la Violencia", la guerre civile colombienne. L’Église est alors accusée de défendre les conservateurs et de favoriser, par sa passivité, le climat de violence contre les libéraux.
[3] Voyage du pape et processus de paix et Accord de paix signé entre le gouvernement et la guérilla des FARC.