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Amazonie : les contradictions du président Temer

Le président brésilien semble souffler le chaud et le froid sur les défenseurs de l’ Amazonie. Après les avoir d’abord soutenus, il mettait en juin son veto à deux projets de loi proposés par le Parlement, visant à réduire les zones de préservation de la forêt amazonienne, qui représente 60% de la superficie du Brésil. L’une de ces lois aurait fait raser 100 00 hectares de forêt pour construire un chemin de fer, l’autre aurait consacré 486 000 hectares de la Forêt Nationale de Jamanxim à des activités agricoles ou minières.
Le 23 août, Michel Temer publiait un décret présidentiel de suppression de la réserve amazonienne de minerai (RENCA), contre lequel se sont élevés le 28 août la Commission Épiscopale pour l’Amazonie de la Conférence nationale des évêques du Brésil et le Réseau Ecclésial Pan-Amazonien.
Quelques jours plus tard, un juge fédéral suspendait le décret présidentiel.

Amazonie : le poumon de la terre

Amazonie : le poumon de la terre

 

Note de rejet du décret présidentiel qui supprime la RENCA

 

Le Réseau Ecclésial Pan –Amazonien (REPAM) lié au Conseil Episcopal Latino-Américain et des Caraïbes (CELAM) et, au Brésil, à la Conférence Nationale des Evêques du Brésil (CNBB), conjointement avec la Commission Episcopale pour l’Amazonie de la CNBB, par le biais de sa Présidence, unie à l’Eglise Catholique Pan-Amazonienne et à la société brésilienne, particulièrement aux peuples des Terres Indigènes Waãpi et du Rio Paru D’Este, répudient publiquement l’annonce anti-démocratique du décret présidentiel, hautement néfaste, qui supprime la Réserve Nationale de Cuivre et Associés (RENCA) le 23 août dernier.

La RENCA est une zone de réserve, en Amazonie, qui s’étend sur 46.450km² – la taille du territoire du Danemark. La région abrite neuf zones protégées, trois d’entre elles étant des zones de protection intégrale : le Parc National Montagnes du Tumucumaque, les Forêts étatiques du Paru et d’Amapá, la Réserve Biologique de Maicuru, la station Ecologique du Jari, la Réserve Extractiviste Rio Cajari, la Réserve de Développement Durable du Rio Iratapuru et les terres indigènes Waiãpi et Rio Paru d’Este. L’ouverture de la zone à l’exploitation minière de cuivre, or, diamant, fer, niobium, entre autres, accélèrera la déforestation, la perte irréparable de la biodiversité et les impacts négatifs sur les peuples de toute la région.

Le Décret supprimant la RENCA bafoue la démocratie brésilienne, car afin d’attirer de nouveaux investissements vers le pays, le gouvernement brésilien n’a consulté que les entreprises intéressées par l’exploitation de la région. Aucune consultation des peuples indigènes et des communautés traditionnelles n’a été réalisée, comme le demande pourtant l’article 231 de la Constitution fédérale de 1988 et la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Le gouvernement cède aux pressions des grandes entreprises minières qui demandent depuis des années cette suppression ainsi qu’à celles du groupe de parlementaires liés aux compagnies extractives qui financent leurs campagnes.

Nous entendons le cri de la terre et le cri des pauvres

Contrairement à ce qu’affirme le gouvernement dans une note, en ouvrant la région au secteur minier il devient impossible de garantir la protection de la forêt, des unités de conservation et encore moins des terres indigènes – qui seront directement affectées de manière violente et irréversible. Il suffit d’observer les traces de destruction que les entreprises minières brésiliennes et étrangères ont laissées en Amazonie ces dernières décennies : déforestation, pollution, forte consommation des ressources hydriques et sa contamination par des substances chimiques, augmentation de la violence, drogue et prostitution, aiguisement des conflits pour la terre, agression incontrôlable des cultures et modes de vie des communautés indigènes et traditionnelles, avec des grandes exonération d’impôts et bénéfices minimes pour les populations de la région.

Des risques environnementaux et sociaux incalculables menacent le « poumon de la Planète plein de biodiversité » qu’est l’Amazonie, comme nous le rappelle le Pape François dans son encyclique Laudato Si, alertant  qu’ « il y a des propositions d’internationalisation de l’Amazonie qui servent uniquement des intérêts économiques des corporations transnationales » (LS 38). La politique ne doit pas se soumettre à l’économie, au diktat et au paradigme efficientiste de la technocratie, car la priorité doit toujours être la vie, la dignité de la personne et le soin de la Maison Commune, la Terre Mère. A Santa Cruz de la Sierra, en Bolivie, le 9 juillet 2015, le pape François n’a pas hésité à proclamer «  disons non à une économie d’exclusion et d’inégalité, où l’argent règne au lieu de servir. Cette économie tue. Cette économie exclue. Cette économie détruit la Terre Mère. »

Dans Laudato Si, le pape François a aussi attiré l’attention sur le fait que « le drame de l’ »immédiateté » politique (…) conduit à la nécessité de produire de la croissance à court terme » (LS 178). Au contraire, pour lui, « à la table de discussion, les habitants locaux doivent avoir une place privilégiée, eux qui se demandent ce qu’ils veulent pour eux et pour leurs enfants, et qui peuvent considérer les objectifs qui transcendent l’intérêt économique immédiat » (LS 183).

La suppression de la RENCA représente une menace politique pour le Brésil tout entier, imposant une pression additionnelle sur les terres indigènes et les Unités de Conservation, en laissant le champ libre à d’autres flexibilisations, comme l’autorisation d’exploitation minière sur les terres indigènes, interdite par l’actuel Code Minier.

Pour toutes ces raisons, nous nous unissons aux diocèses locaux d’Amapá et de Santarém, aux environnementalistes et à la parcelle de la société qui, à travers des manifestations sur les réseaux sociaux et des pétitions, réclament l’immédiate suspension du décret présidentiel qui supprime la Réserve.

Nous appelons les parlementaires à défendre l’Amazonie, à empêcher que davantage d’entreprises minières détruisent un de nos plus grands patrimoines naturels.

Nous ne nous résignons pas à la dégradation humaine et environnementale ! Unissons nos efforts en faveur de la vie des peuples qui vivent dans le biome amazonien. Le futur des générations à venir est entre nos mains !

Que Dieu nous anime au plus profond de nos cœurs, nous illumine et nous confirme dans notre quête de la Terre Sans Maux autant rêvée.

 

+ Cláudio cardinal Hummes
Président du REPAM et de la Commission Episcopale pour l’Amazonie

 + Erwin Kräutler
Président du REPAM-Brésil et Secrétaire de la Commission Episcopale pour l’Amazonie

Traduction : CCFD – Terre Solidaire

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