Chili : Un pape qui nous fera du bien
Le 15 janvier, le Pape François se rendra au Chili. Quelle Église et quel pays trouvera-t-il à son arrivée ? Nous avons demandé à Laura Donoso, une Chilienne qui vit à Coquimbo, ville située à 450 kms au nord de la capitale, Santiago, de nous dire comment elle voit les choses et ce qu’elle attend du passage du Pape François dans son pays.
Le Chili est un pays de 17.574.003 d’habitants, avec un peu moins de 60% de baptisés, et autour de 4% d’assistance à la messe dominicale. L’Église a un faible taux de crédibilité et le nombre de pratiquants baisse considérablement. Je me risque à en suggérer les raisons : une Église hiérarchique très opaque, mais qui se fait entendre, et qui dans ce cas parle alors de grands principes. Une Église au début très peu transparente pour faire face aux premiers cas de pédophilie dénoncés. Et c’est à mon avis la grande cause de la baisse de crédibilité de l’Église, en particulier dans les milieux les plus favorisés. Quelque chose d’impensable pour beaucoup de gens, et aussi pour moi. Si l’Église n’a agi que très lentement au début, il existe aujourd’hui des commissions créées avec une grande rigueur pour prévenir et dénoncer ces actions horribles. Et pourtant une communauté masculine consacrée à l’éducation a dénoncé il y a tout juste un mois des abus commis il y a des années.
Je suis frappée de voir que ces faits ont engendré envers l’Église une antipathie féroce, reflétée par les réseaux sociaux, et qui choque en raison des généralisations que l’on y fait : « prêtres pédophiles ». En ignorant que la majorité d’entre eux ne vivent que pour suivre et prêcher un Jésus vivant et proche.
Je suis une femme de 68 ans, et ces situations m’ont profondément blessée, en même temps qu’elles m’ont renforcée dans ma grande foi en Jésus-Christ et m’ont fait toucher du doigt combien sainte et pécheresse est notre Église. Un autre élément qui me fait réfléchir est le cléricalisme de l’Église chilienne. On donne très peu de participation aux laïcs, et que dire du rôle de la femme… Tout cela est très loin du vouloir du Pape François.
J’étais habituée à vivre dans une autre Église. Le Concile Vatican II m’a beaucoup marquée, et même si j’étais assez jeune, j’ai beaucoup aimé la réforme liturgique où nous pouvions célébrer dans notre propre langue, avec des prêtres tournés vers les fidèles, une Église qui s’ouvrait à l’œcuménisme, et j’ai eu à 18 ans la joie de participer dans ma propre école à une célébration œcuménique, une Église proche du peuple en paroles et en actes et où l’option de Jésus pour les pauvres était réelle. J’ai aussi été encouragée par le concept de peuple de Dieu et par la participation qu’on donnait aux laïcs dans l’Église. C’était aussi une Église qui prenait des risques pour les droits humains, si souvent bafoués en 17 ans de dictature militaire.
… un pape humain qui va à l’essentiel, qui nous parle d’un Christ vivant …
Un prestigieux journal de centre droit titrait aujourd’hui : « La résistance que le Pape François trouvera au Chili ». Les organisations contre les abus au Chili organisent précisément le jour de l’arrivée du pape dans le pays un séminaire d’activistes internationaux, et l’on n’écarte pas la possibilité de mouvements hostiles.
La présidente chilienne[1] , agnostique, marxiste mais aux convictions éthiques profondes, a dit à propos de la visite du pape : « Il verra un Chili, plus juste, plus inclusif et plus digne. », et qualifie cette visite de « possibilité de dialogue et de reconnaissance mutuelle de qui nous sommes, quelles valeurs nous inspirent et quelle société nous voulons construire ».
Quelque chose qui est très beau au Chili, c’est la piété populaire. Du nord au sud du pays, il y a des sanctuaires mariaux très fréquentés. Au nord, près d’un des endroits que visitera le Pape François, se trouve le sanctuaire de La Tirana, où affluent tous les 16 juillet, fête de Notre Dame du Mont-Carmel, patronne du Chili, des milliers de fidèles qui prient, chantent et dansent en l’honneur de Notre Dame. Un autre lieu de pèlerinage est Andacollo, dans la 4e région, près de l’endroit où j’habite, et où se rassemblent chaque année plus de 500 000 pèlerins. Leurs danses sont très belles et les danseurs reçoivent une solide formation chrétienne. On est saisi par leur esprit marial et leur piété profonde qui se transmet de génération en génération. Un troisième sanctuaire est Lo Vásquez, dans la 5e région, où se rassemblent le 8 décembre environ 1.000 000 de fidèles pour la messe et dans les nombreux lieux habilités pour célébrer le sacrement de la réconciliation. Dans le sud du Chili, on fête en de nombreux endroits la Vierge de la Candelaria par des neuvaines et des processions.
Javier Peralta, directeur exécutif de la Commission nationale de la visite du pape, déclare : « Nous espérons qu’au Chili le grand mouvement se produise chez les personnes : qu’un grand nombre de Chiliens participent, que nous ayons la chance de bien comprendre nos problèmes, de mettre en place des instances de dialogue, de respecter nos différences et de construire une plus grande paix sociale. C’est à cela que nous travaillons. »
Le Pape passera trois jours avec nous et célèbrera trois grandes messes à Santiago, Temuco (sud) et Iquique (nord). Il visitera des lieux importants et aura diverses rencontres. Il est à souligner qu’il rencontrera des femmes incarcérées dans la prison de Santiago du Chili.
Je suis personnellement heureuse de cette venue du pape François. Un pape humain qui va à l’essentiel, qui nous parle d’un Christ vivant, d’une Église proche qui scrute les signes des temps et s’engage envers l’homme d’aujourd’hui. Un pape au langage direct qui annonce et dénonce avec force. Un pape qui nous fera du bien.
Laura Donoso Torrealba[2]
(Traduction Annie Josse)
[1] Michelle Bachelet, du parti socialiste, présidente de la République du Chili de 2006 à 2010 et de nouveau depuis mars 2014.
[2] Laura Donoso Torrealba est membre de l’Institution Thérésienne, une Association internationale de fidèles présente au Chili depuis 1928.