Colombie : missionnaire du Sud au Sud
Sœur Isemane Magis, Fille de Jésus de Kermaria, haïtienne, est arrivée il y a quelques mois à Cali, troisième ville de Colombie. Elle y vit avec deux sœurs colombiennes et une française, dans un quartier populaire.
Isemane, peux-tu nous partager ton parcours jusqu’à maintenant ?
IM : Je suis née et j’ai grandi à Port-de-Paix en Haïti, où j’ai aussi travaillé dans une école comme professeur. Je suis ensuite allée à Port-au-Prince où j’ai travaillé en primaire à l’école Notre Dame d’Altagrace. Puis j’ai commencé à cheminer avec les Filles de Jésus et en 2009 je suis partie au Cameroun pour le postulat et le noviciat, jusqu’en 2013 où je suis rentrée en Haïti. J’ai repris des études pour avoir le bac, et en même temps j’avais la mission d’accompagner les jeunes et certains parents. Je faisais le lien entre les jeunes et leurs parents dans les cas de difficultés relationnelles. J’écoutais les jeunes et les parents, et je voyais comment réajuster les choses. Je suis ensuite allée à l’université pour commencer des études en sciences informatiques. Mais je ne suis pas restée parce qu’on m’a demandé de partir pour la Colombie.
Donc après ta formation au Cameroun et quelques années de mission en Haïti, tu arrives en mission en Colombie…
Je ne suis pas arrivée directement ici mais je suis d’abord allée trois mois au Honduras, je suis en Colombie depuis le 17 décembre et à Cali depuis le 16 janvier.
La conception classique de la mission qu’il y avait jusqu’à il y a peu, c’était du Nord vers le Sud.
Oui, chez moi en Haïti j’ai connu des prêtres et des religieuses qui venaient de France et du Canada.
En 1989, le CELAM appelait les Églises d’Amérique latine à “donner à partir de notre pauvreté, au-delà de nos frontières”. Depuis un temps, il y a des missionnaires du Sud qui vont vers le Nord. Toi tu es dans un autre modèle, d’un pays du Sud vers un autre pays du Sud. Comment as-tu reçu la demande de venir en Colombie ?
Je n’avais pas de problème pour venir en Colombie. Mais le problème était qu’en Haïti, on nous demandait depuis quelque temps de partir en mission ailleurs, mais sans nous remplacer là-bas. Nous n’étions plus que trois sur place, deux Françaises et moi. J’ai mal accueilli la demande qui m’était faite, pas parce que je ne voulais pas quitter mon pays, mais parce que, lorsque j’ai demandé si on avait cherché des sœurs pour la mission en Haïti, on m’a répondu que non, qu’il n’y avait pas de sœurs disponibles. Cela m’a semblé un peu dur, d’autant plus que je venais de commencer des démarches pour travailler en école secondaire. Je voulais donner des cours de créole, sciences sociales et sciences physiques. Mais je n’ai pas eu le temps de commencer !
On nous demande de partir en mission ailleurs, mais sans nous remplacer là-bas.
Comment as-tu été accueillie ?
Je dirais que bien. À Bogota où j’ai passé un mois, je n’ai pas eu beaucoup de contacts. Mais les gens à la paroisse étaient contents de me voir et de savoir d’où je venais. Ici à Cali, quand je suis arrivée, les prêtres de la paroisse étaient très contents, et les gens de la paroisse aussi. Après la messe ils venaient me voir en me disant : « merci parce qu’il y a quelqu’un de notre couleur ». Il y a ici beaucoup d’afro-descendants. Ils sont très contents et moi aussi je suis contente, pas d’être au milieu des Noirs ou au milieu des Blancs, mais je suis contente de mon choix et je me sens à l’aise.
Annie Josse
Cali, avril 2018