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Colombie : la paix passe aussi par l’éducation !

La Colombie connaîtra dans quelques semaines ses premières élections présidentielles depuis les accords de paix signés entre le gouvernement et les ex FARC en novembre 2016. L’avenir de l’application de ces accords dépend en grande partie du nom du prochain président colombien…

Colombie : la paix passe aussi par l’éducation. Educapaz : Remise des diplômes à Tolima

Educapaz : Remise des diplômes à Tolima

Les différents candidats à l’élection étaient invités le 16 avril dernier à présenter leur programme en matière d’éducation lors d’un colloque co-organisé par la revue Semana Educación, la Fondation Empresarios por la Educación, Educapaz et Todos por la Educación. Intitulé :  #LaEducaciónImporta en estas elecciones, il s’est focalisé sur les priorités et besoins du pays, autour de trois axes principaux : assurer des apprentissages de qualité, combler le fossé éducatif entre rural et urbain, entre classes aisées et défavorisées, investir dans l’éducation. Deux candidats seulement auront fait le déplacement, mais la matinée a rassemblé un grand nombre d’intervenants et une assistance fournie, tandis que sur Twitter l’événement se maintenait en 2e position avant de passer finalement en première.

La première partie de la matinée faisait le point sur les défis en matière d’éducation, avec une conférence, du directeur de la Mission d’éducation de qualité du PNUD, sur l’importance d’investir en éducation : « investir sur les personnes n’est pas une dépense, c’est rentable », disait-il, à condition qu’il s’agisse d’une éducation de qualité. Les deux tables rondes qui ont suivi reprenaient la question de la qualité de l’éducation, par le biais de la pertinence des contenus et de la formation des enseignants, car : « on ne peut pas donner de ce que l’on n’a pas ». Dans les deux tables rondes revenait en force la question de l’éducation dans les zones rurales, souvent déficiente, inadaptée au milieu, et qui aggrave les inégalités. Certaines expériences d’intégration de projets de production agricole dans les contenus pédagogiques existent, mais elles sont encore trop rares. D’autre part, les zones rurales colombiennes ont été les plus touchées par le conflit de ces cinquante dernières années, et Yeferson Daniel Mendoza, lycéen de 16 ans originaire de la campagne, participant à la table ronde, eut ces paroles fortes à l’adresse des deux candidats qui avaient honoré l’invitation, Humberto de la Calle et Sergio Fajardo : « Beaucoup d’enfants chez nous ont su ce que c’était qu’un fusil avant de savoir ce que c’était qu’un crayon ».

La paix est fragile, et plusieurs des intervenants l’ont dit de manière différente. La fin du conflit armé et la paix ne sont pas équivalentes, mais le fait de sortir du conflit armé représente une chance pour apprendre à être différents sans être pour autant ennemis. La Colombie a besoin de retrouver la paix, de se construire dans une perspective différente, et l’éducation pourrait être le moteur de la transformation du pays.

Travailler dans l’éducation, c’est travailler pour l’espérance

Les initiatives en faveur de l’éducation à la paix et de la mise en valeur des zones rurales sont nombreuses en Colombie, comme par exemple le jeune Bureau national d’Éducation rurale (Mesa Nacional de Educaciones Rurales), né en février 2017 à la suite du 4e Congrès national d’éducation dans les zones rurales[1], et qui travaille à la consolidation d’une proposition éducative pour les zones rurales du pays. S’appuyant sur un réseau régional et sur ses relations avec un grand nombre d’organisations, le Bureau s’attache à être le relais de ce qui se passe dans les différentes provinces, et a pour objectif de générer une proposition concrète adaptée au monde rural.

Travailler dans l’éducation c’est travailler pour l’espérance, et les différents acteurs d’Educapaz (Programme national d’éducation pour la paix) ne manquent ni d’espérance ni de projets. Ce programme est né il y a trois ans à partir d’un certain nombre d’organisations et institutions de la société civile[2], désireuses d’aider à construire la paix en Colombie grâce à une éducation intégrale dans les zones rurales, et à l’éducation socio émotionnelle,  citoyenne et pour la réconciliation. L’une de ses dernières actions a été la remise des diplômes en Gestion participative de la politique publique éducative dans le département de Tolima. Un moment particulièrement chargé de sens, puisque Tolima est la région où sont nées les FARC, que cette proposition d’éducation rurale pour la paix. « Pendant longtemps on nous a considérés comme une zone rouge du conflit, à partir de maintenant on va nous connaître pour notre travail en faveur de l’éducation en zone rurale », disait une des nouvelles diplômées.

L’espérance de paix en Colombie passe bien par l’éducation, elle passe aussi par un engagement du futur gouvernement pour une éducation à même de réduire les inégalités, contre la corruption et contre l’impunité. Il ne reste que quelques semaines aux actuels candidats pour donner des gages en la matière.

Annie Josse
mai 2018

[1] Ce Congrès s’est tenu en novembre 2016 à Bogota, au siège de la Conférence épiscopale colombienne.
[2] Entre autres l’Université xavérienne, Foi et Joie, la Fondation pour la réconciliation…
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