Confinement en Bolivie
« Les plus de 65 ans comme moi sont interdits de sortie de leur domicile depuis plus de 3 semaines et encore sans doute pour quelques semaines », nous partageait fin avril Jacques Delort, prêtre du diocèse de Bourges qui, après huit années passées en Bolivie et un retour dans son diocèse pendant 6 ans, a demandé à repartir en Bolivie. Il y a atterri à la fin de 2019, quelques mois avant le début du confinement.
Les Boliviens vivent avec un gouvernement provisoire, nous explique-t-il, depuis la chute d’Evo Morales, réfugié en Argentine. De nouvelles élections auraient dû avoir lieu début mai, elles ont été reportées et n´auront vraisemblablement pas lieu avant la fin de l´année. Pour l´heure, la priorité, comme partout, est donnée à la lutte contre le coronavirus. « Décrétées par l´actuel gouvernement provisoire à la mi-mars, les mesures prises dans la lutte contre l´expansion de l´épidémie, ont consisté surtout à exiger des personnes qu’elles restent chez elles sous peine d´amendes et d´emprisonnement temporaire. »
La situation en Bolivie est relativement enviable comparé à celles des voisins latinos. Au 14 mai, les chiffres officiels sont de 3148 cas déclarés et 142 décès, avec environ 15% du nombre total de cas dans le département de Cochabamba. Et les tensions entre autorités gouvernementales et autorités sanitaires sont fortes en ce qui concerne la gestion de la crise.
Cette crise sanitaire qui a de nombreuses répercussions dans tous les domaines. Sur le plan économique, « c´est la paralysie de nombreux secteurs de l´économie informelle, une vie très au ralenti pour tous, c´est le démantèlement de réseaux de narco trafiquants qui ont financé par le passé de nombreux travaux publiques aujourd’hui en panne : stades, écoles, ponts, routes, aménagements urbains etc… Par ailleurs, les autorités nationales, provinciales et urbaines s´accordent depuis peu à offrir des programmes d´assistance sous forme de « bonos », d´aides financières directes ou indirectes, pour répondre à l´angoisse et aux besoins de premières nécessités d´une majorité de familles qui vivent ordinairement de leur travail informel au jour le jour et ne savent pas de quoi demain sera fait, ni même si elles pourront alimenter leurs familles. » Sur le plan socio-éducatif, le repli forcé sur la famille se fait pesant. Jacques rapporte qu’il « n´y a plus de vie sociale dans un pays où d´ordinaire les gens aiment se rassembler et faire la fête, cherchant par là à se libérer des tensions que la vie quotidienne leur impose. »
Sur le plan religieux, il n’y a aucune autorisation de sortie ou de visite pour les ministres du culte et de l´action pastorale, confinés comme le reste de la population. Dans cette situation, le travail d’accompagnement et de soutien spirituel, la prière et les célébrations se poursuivent comme ailleurs par l’intermédiaire des réseaux sociaux ; de même que l’aide alimentaire proposée par la Fondation Nuqanchik que soutient Jacques. (Facebook : Fundación Nuqanchik et Giltzarria – Fundación Nuqanchik)
Mais, nous dit-il, même si comparativement à ses voisins la Bolivie a été relativement épargnée et si l’épidémie a été contenue, « le pic n´a pas encore été atteint et le pire reste cependant à craindre, au moins dans les grandes villes, dès le jour où une certaine vie économique et sociale reprendra, ce qui ne saurait tarder. » Il sera difficile pour une grande partie des habitants de respecter les mesures d´hygiène et la « reprise du travail informel pour beaucoup, sans garantie et sécurité d´emploi, se fera, à n´en pas douter, dans les mêmes conditions qu´avant la crise sanitaire. Là où il y a de fortes concentrations de populations, sur les marchés et dans les rues commerçantes notamment, comment éviter le pire ? Et les hôpitaux, cliniques et centres de soins ne pourront pas alors faire face à la demande de prise en charge, faute de matériel médical et par manque de personnel qualifié. »
Jacques Delort
Mai 2020