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Manifestations à Cuba : l’Eglise se mobilise

Des manifestants avec des pancartes “La Patrie et la Vie”, en référence au slogan : « La Patrie ou la Mort », par lequel Fidel Castro concluait ses discours.

Devant les manifestations rassemblant dans les rues de la capitale, La Havane, des milliers de Cubains demandant le changement et face à la répression des autorités, les évêques cubains ont publié un communiqué affirmant que « l’on n’arrivera pas à une solution favorable par des impositions, ni par l’appel à la confrontation ».

Les troubles ont commencé le 11 juillet à San Antonio de los Baños, à 25km de La Havane, et se sont étendus à toute la nation cubaine.

En réponse aux manifestations populaires, le président cubain Miguel Díaz-Canel a appelé ses partisans à descendre dans la rue pour affronter les protestataires.

« L’ordre de combattre est donné. Que les révolutionnaires descendent dans la rue », a-t-il déclaré dans un message diffusé par la radio et la télévision cubaines.

Les évêques demandent dans leur message que l’on « s’exerce à l’écoute mutuelle, que l’on cherche des accords et que l’on fasse des pas concrets et tangibles qui contribuent, avec l’apport de tous les Cubains sans exception, à l’édification de la Patrie avec tous et pour le bien de tous’. C’est la Patrie que nous voulons. »

Tout en reconnaissant que « le gouvernement a des responsabilités et a essayé de prendre des mesures pour atténuer ces difficultés », ils soulignent que « le peuple a le droit d’exprimer ses besoins, ses aspirations et ses espoirs et, en même temps, de faire savoir publiquement comment certaines mesures qui ont été prises l’affectent sérieusement ».

Ces mesures gouvernementales dont parle le communiqué sont liées à la récente unification monétaire [1] et à celles prises pour éviter l’extension de la pandémie.

« Frères, nous ne pouvons ni fermer les yeux ni détourner le regard, comme si rien ne se passait, devant les événements vécus par notre peuple hier, dimanche 11 juillet, et qui continuent aujourd’hui à certains endroits », poursuivent les évêques, reconnaissant que malgré les restrictions liées à la propagation du virus Covid-19, « des milliers de personnes ont envahi les rues des villes et villages de Cuba pour protester publiquement, exprimant leur malaise  face à la détérioration de la situation économique et sociale de notre pays, qui s’est considérablement aggravée ».

Aujourd’hui disent-ils, « comme pasteurs, nous sommes préoccupés par le fait que la réponse à ces demandes est l’immobilisme, qui contribue à faire perdurer les problèmes sans les résoudre », et parce que « non seulement les situations s’aggravent, mais en plus nous allons vers une rigidité et un durcissement des positions qui pourraient engendrer des réponses négatives, avec des conséquences imprévisibles mais dommageables pour nous tous ».

Ce message s’adresse à tous les Cubains de bonne volonté et rappelle les enseignements du pape François ainsi que l’expérience vécue pour redire que « ce n’est pas par la confrontation que l’on surmonte les crises, mais par la recherche de la concorde ».

Rappelant que « la violence engendre la violence, l’agressivité d’aujourd’hui ouvre des blessures et alimente des rancœurs qu’il sera difficile de dépasser demain », ils invitent tout le monde à « ne pas alimenter la situation de crise, mais avec sérénité et bonne volonté, à exercer l’écoute, la compréhension et une attitude de tolérance qui prenne en compte l’autre et le respecte, afin de chercher ensemble les moyens d’une solution juste et appropriée ».

Et ils concluent en demandant à Notre-Dame de la Charité, patronne de Cuba, de « faire de la nation cubaine une maison de frères et sœurs, où la recherche de la vérité et du bien commun prévaut ».

5 points pour une résolution de crise

Après la parution de ce message, l’Église cubaine a reçu de nombreux messages de solidarité de tout le continent, et en particulier du Conseil Épiscopal Latino-Américain (CELAM), qui se fait l’écho du communiqué en répétant : « nous ne pouvons ni fermer les yeux ni détourner le regard, comme si rien ne se passait ».

Le site web du CELAM reprend aussi le message de la Conférence cubaine des religieuses et religieux (Concur) qui soutient les demandes du peuple de Dieu qui est à Cuba en affirmant : « ceux qui sortent dans les rues ne sont pas des délinquants, mais des concitoyens normaux qui ont trouvé une manière d’exprimer leur mécontentement ». La Concur propose dans son texte cinq points qui lui semblent « indispensables pour surmonter la difficile situation actuelle et construire ensemble la fraternité ». Voici ces points :

– C’est un droit légitime et universel de tout citoyen, et non le monopole et le privilège d’un groupe idéologique particulier, de manifester ses griefs de manière ordonnée et pacifique dans l’espace public.

– Il est nécessaire de libérer rapidement tous ceux qui ont été injustement emprisonnés pour le simple fait d’avoir exercé leur droit de manifester, d’exprimer leurs revendications.

– Nous demandons le droit à l’information et à la communication, scandaleusement violé par la coupure des connexions de téléphonie mobile et le blocage des réseaux sociaux. Cela accroît l’incertitude et la confusion au sein d’une population qui se sent déjà dépassée par des situations économiques, sanitaires et sociales critiques.

– Nous devons tous éviter de tomber dans le piège de la violence comme moyen d’imposer sa propre vérité. Nous sommes préoccupés par le fait qu’en raison d’un manque de capacité de dialogue et d’écoute, ceux qui pensent différemment et l’expriment en public sont attaqués, rejetés, persécutés et condamnés par le gouvernement.

– Il est important de nous écouter tous afin de remédier aux causes profondes de ces manifestations. Ce n’est qu’en allant à la racine des problèmes que nous pourrons vraiment y remédier.

Informations reprises de Holgun Catolico 

Traduction Annie Josse (SNMM)

[1] Depuis 1994, Cuba avait deux monnaies nationales : le peso cubain, qui vaut 24 fois moins que le peso convertible, aligné artificiellement sur le dollar. Ce dernier vient d’être retiré de la circulation.

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