Brésil : Églises et élections

Prêtre du diocèse de Limoeiro do Norte, situé dans l’état du Ceará (nord-est du Brésil), le P. Francisco de Aquino Júnior analyse les liens entre Églises et élections, à l’occasion de la campagne électorale qui se déroule au Brésil et lance un appel contre le dévoiement des sentiments religieux des croyants.

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L’une des caractéristiques actuelles de la politique brésilienne est la manipulation de la religion (instrumentalisation des Églises par des groupes aux politiques contraires à l’Évangile de Jésus-Christ) mais aussi la manipulation religieuse de la politique (instrumentation de la politique par des groupes, des responsables religieux). De plus en plus, on fait appel au religieux pour défendre ou attaquer des programmes, des groupes politiques. Et ceci au nom d’intérêts, de groupes politiques ou religieux contraires à l’Évangile. Jamais le Saint Nom de Dieu n’a été autant instrumentalisé, on n’a jamais autant blasphémé…

Nous assistons à une véritable manipulation et au dévoiement du christianisme par des groupes politiques d’extrême droite liés à différentes Églises. Au nom de « dieu » et de la « foi », les droits de l’homme, la réforme agraire, la démarcation des terres indigènes et des villages quilombos [communautés formées par les esclaves en fuite, ndlr], les politiques publiques en faveur des pauvres et des secteurs marginalisés sont attaqués ; les préjugés contre les pauvres, les femmes, les noirs, les indigènes, les personnes LGBTQIA+ sont entretenus ; la réduction drastique des politiques sociales, l’armement de la population et la destruction de l’environnement sont promus.

Il faut dire haut et fort que ce « dieu » n’est pas le Dieu de Jésus-Christ et que cette « foi » n’est pas la foi chrétienne. Le Dieu de Jésus est le Dieu qui a libéré le peuple de l’esclavage en Égypte, qui défend le pauvre, l’orphelin, la veuve et l’étranger. Il est le Dieu de la vie, de la justice et de la paix. Et la foi chrétienne, qui est abandon confiant et obéissance à ce Dieu, se concrétise dans la fraternité vivante – l’amour même de ses ennemis ! – et dans la lutte pour une société plus juste et plus fraternelle. Cela devrait guider et dynamiser l’action chrétienne dans tous les domaines de la vie. En politique aussi, y compris lors des élections.

L’Église n’est pas un parti, mais elle prend parti

L’Église n’est pas un parti politique élaborant un plan de gouvernement, présentant des candidats et participant à des élections. Elle n’a pas de candidats et n’en désigne pas. C’est le rôle des partis. Et le choix appartient à chaque électeur. Mais l’Église n’est pas indifférente à la politique, à l’exercice politique que sont les élections, puisque lors des élections, c’est un projet politique, une manière de conduire la société qui est en jeu. L’Église n’est pas un parti, mais elle prend parti pour la défense du bien commun, de la justice sociale, des droits de l’homme, de la paix et de la protection de la maison commune.

C’est en sens que nous devons réfléchir à la place et à la mission des Églises dans la politique et dans le processus électoral en particulier. Leur tâche consiste à rappeler et à diffuser les valeurs et les principes évangéliques qui doivent dynamiser les relations sociales et l’organisation politique de la société : la fraternité, la justice sociale, les droits de l’homme, la paix et le souci de la maison commune. Cela devrait guider le positionnement et les choix politiques des chrétiens, ainsi que leur collaboration avec les autres, avec les différentes entités sociales, indépendamment de leur affiliation religieuse, de leur profession de foi.

Il est nécessaire de réagir contre le dévoiement politique des Églises, qu’il s’agisse de politiciens qui utilisent le nom de Dieu en vain, justifiant des politiques qui portent atteinte à la dignité humaine, produisent des inégalités sociales, de la violence et la destruction de l’environnement (loups déguisés en agneaux, nid de vipères), ou de pasteurs qui concluent des accords politiques pour profiter de l’État et manipuler les Églises, transformant la chaire en tribune et traitant les fidèles comme du bétail (faux pasteurs, « sépulcres blanchis »).

Les Églises chrétiennes et les différentes traditions religieuses ont une place et un rôle dans le processus électoral : rappeler et diffuser les valeurs et les principes religieux qui permettent la coexistence fraternelle, la justice sociale et le soin de la maison commune. Ces valeurs et principes doivent être promus via des projets politiques concrets, guider les choix électoraux des croyants. Mais il faut que ce soit très clair, surtout en ces temps de dévoiement religieux :

1) Les Églises ne sont pas des partis politiques, elles n’ont pas de candidats et n’en désignent pas ;

2) Les choix politiques doivent être faits par des croyants-électeurs qui ne sont pas du bétail pouvant être manipulé par de faux pasteurs et chefs religieux.

Père Francisco de Aquino Júnior

Docteur en théologie, prêtre du diocèse de Limoeiro do Norte (État de Ceará), professeur de théologie à l’Université catholique de Fortaleza (FCF) et à l’Université catholique de Pernambuco (UNICAP).

Cet article, publié en portugais, le 30 septembre, sur le site Instituto Humanitas Unisimos, a  été traduit par Maria Mesquita Castro (SNMM). L’intertitre est de la rédaction du site.

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