L’Eglise catholique d’Australie
Voici une présentation de l’Église catholique d’Australie. Les informations proviennent de Glenn Mowbray, responsable administratif de la Conférence des Évêques catholiques d’Australie, à Canberra.
L’Australie a 23 millions d’habitants, environ 25% sont catholiques. Lors des recensements, il y a une question sur l’affiliation religieuse. D’où les statistiques. Le prochain recensement aura lieu en 2016. C’est la catégorie « no religion » qui croît le plus. On verra ce qu’il en est l’an prochain. 25% des gens se déclarent catholiques, mais seulement 12% de ces 25% ont une pratique catholique, d’une manière ou d’une autre.
Il y a 28 circonscriptions ecclésiastiques de rite latin, et 5 éparchies d’un rite oriental, dans ce dernier cas, à chaque fois pour toute l’Australie. Et deux ordinariats personnels : un pour les militaires, et un pour les anciens Anglicans qui ont rejoint l’Église catholique.
Melbourne est le diocèse le plus important. Car l’agglomération de Sydney a été divisée en trois diocèses, il y a déjà 30 ans. Les diocèses qui ne sont pas diocèses d’une ville capitale (d’un État) sont évidemment plus petits.
Il doit y avoir environ 1900 prêtres séculiers, et en plus environ 1000 prêtres religieux. Et 150 diacres. Pour 1300 paroisses. Il y a de bonnes statistiques religieuses disponibles dans le pays, en partie réalisées par l’Association des prêtres.
Ce qui domine la scène religieuse actuellement, c’est encore et toujours la question de la pédophilie des prêtres. Une commission royale d’enquête (sorte de commission parlementaire d’enquête) a été établie qui doit faire la lumière sur cette affaire de pédophilie (pas seulement dans l’Église catholique, mais pour toutes les institutions…). En 2017, cette Commission royale doit publier ses résultats définitifs. Elle s’orientera sans doute vers de nombreuses propositions, l’une d’entre elles sera d’indemniser les victimes. Pour un montant total de 3 milliards de dollars (australiens, c’est-à-dire environ 2 milliards d’Euro), et sans doute la moitié de cette somme devrait être payée par l’Église catholique.
L’Église catholique de son côté a établi un Conseil pour la vérité, la justice et la guérison. Ce conseil représente toute l’Église catholique, les diocèses et les ordres religieux, très impliqués dans l’affaire de pédophilie, car souvent ces ordres ont géré des écoles ou des institutions fermées (orphelinat, maison de redressement …) propices à la survenue de scandales de pédophilie.
Ce Conseil manifeste que l’Église veut être unie face à cette question, aussi ce Conseil représente toutes les composantes de l’Église devant l’État, et plus particulièrement devant la Commission royale d’enquête.
Actuellement, il y a un regain d’intérêt et de scandale public autour de cette question, car le Cardinal Pell est convoqué par la commission royale, avec des suspicions de ne pas avoir été assez énergique quand il a eu connaissance de cas de prêtres pédophiles.
Le Cardinal Pell est une des figures majeures de l’Église catholique de l’Australie. Il est cardinal, et beaucoup de gens pensent donc qu’il est le patron de l’Église catholique en Australie. Il est conservateur sur beaucoup de sujets, et avait donc l’oreille de beaucoup de milieux conservateurs (il est aussi républicain, ce qui est moins conservateur en Australie). Il fait partie du G9 autour du pape. Et a été nommé à la tête d’un organisme en faveur de la transparence des affaires financières au St Siège, depuis cette date, il a quitté son poste de Sydney et a rejoint Rome. Il a 73 ans. Beaucoup de gens pensent qu’il est à la tête de la Conférence Épiscopale du pays, ce qui n’est pas le cas, et ne l’a jamais été. Il n’avait jamais été élu président de la Conférence Épiscopale. C’est l’évêque Denis Hard, archevêque de Melbourne, qui est actuellement président de la Conférence épiscopale (pour un mandat de deux ans, renouvelable deux fois).
Les évêques se réunissent deux fois par an, en mai pour 7 jours, et en novembre pour 4 jours. A Sydney, car les transports sont plus faciles pour venir de n’importe où dans le pays à Sydney, que pour aller à Canberra où se trouve le secrétariat de la Conférence.
Les défis de l’Église en Australie
- Gérer la question des abus sexuels des prêtres. Dans toutes les dimensions de cette affaire. Y compris la dimension financière, encore à venir.
- Mettre en œuvre une pastorale de la jeunesse. On y consacre beaucoup d’énergie et d’argent. Il y a un bureau spécial de la Conférence des Évêques pour cette question. L’idée est peut-être de créer un Festival national de la jeunesse, à organiser entre deux Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ). Ce festival devrait regrouper des jeunes, plus jeunes que ceux qui participent aux JMJ. Une sorte de continuité, de progression… On envisage aussi de créer une Youth Leaders Convention. Un regroupement de jeunes en situation de responsabilité.
- Les sorties d’Église. Un nombre important de catholiques « sortent » de l’Église, ne s’identifient plus comme catholiques. Les catholiques actifs eux aussi régressent en nombre. Pour relancer une dynamique, il faudrait un renouveau de la paroisse, de la vie paroissiale. Il y a eu jadis un effort dans ce sens : parish renewal, opération appelée Parish 2000, avant le jubilé de l’an 2000. Redynamiser la vie en paroisse.
Les points forts de l’Église en Australie
- La fierté de ce que l’Église catholique a fait pour le pays, ce qu’elle a donné à la société en matière de service social, éducation, santé… l’Église a fait plus que quiconque dans ce pays. 750 000 élèves et étudiants sont scolarisés par l’Église, dans 1700 écoles. Les hôpitaux catholiques sont en général tenus par des congrégations religieuses. Toute l’Australie est couverte par le service social catholique, au service de tous.
- Les relations avec les aborigènes. Certes l’Église a participé à la politique de l’État qui a enlevé les enfants aborigènes à la responsabilité de leurs parents, pour les confier à des institutions, souvent catholiques, leur donner une culture « différente… australienne » pour qu’ils s’intègrent dans la société. L’Église a contribué à cette politique violente, elle l’a reconnue, elle a présenté ses excuses. Mais depuis les années 60, l’Église a de bonnes relations avec les Aborigènes, elle respecte leurs cultures, elle a développé une liturgie spécifique. Mais il faut voir que les aborigènes, ce n’est pas un groupe (homogène), mais ce sont des groupes très divers… ce qui fonctionne pour un groupe, ne fonctionne pas forcément pour un autre groupe. Il y a plusieurs cultures aborigènes. Le dialogue doit se faire avec chacune d’entre elles. Depuis, beaucoup d’aborigènes sont devenus catholiques.
- Une Église ouverte aux migrants. Et pourtant la société australienne est réticente. Beaucoup de gens pensent de la manière suivante : notre société est riche, mais cette présence d’étrangers constitue une menace. Les réfugiés : on aimerait les voir ailleurs. L’État d’ailleurs « traite » les réfugiés ailleurs que sur le sol national. Une sorte de sous-traitance à certains États voisins : Timor, Nauru, etc… Les évêques protestent contre le refus d’accueillir des réfugiés de la part du gouvernement. Elle en accueille quelques-uns dans des locaux d’église.
- L’Église d’Australie fait venir des prêtres d’un peu partout dans le monde, pour subvenir aux besoins spirituels et/ou pastoraux. Les Évêques australiens voyagent pour recruter. La bureaucratie au plan national est inévitable lorsque l’Église importe autant de forces vives. Il y a un bureau au plan national pour faciliter l’obtention de visa et titre de séjour lorsqu’on prêtre veut venir travailler en Australie. Il y a souvent des problèmes, des problèmes d’argent avec les prêtres africains, des prêtres qui se sentent étrangers lorsqu’ils sont seuls dans une Église bien trop grande.
La Conférence des Évêques d’Australie est membre d’une conférence épiscopale régionale, the Federation of Catholic Bishops Conferences of Oceania (FCBCO).
Une assemblée plénière réunit tous les évêques d’Océanie tous les quatre ans. Cette assemblée élit une commission exécutive. Le secrétariat est rotatif : il suit le président. Et tous les quatre ans, cela tourne. Actuellement, c’est la Papouasie-Nouvelle Guinée qui assure la présidence, et donc le secrétariat se trouve chez eux. Cela va tourner l’année prochaine…
Interview réalisée par Antoine Sondag
23 décembre 2015