Hong Kong aujourd’hui et demain
L’organe suprême du gouvernement de la Chine Populaire vient d’approuver la proposition de loi de renforcement de la sécurité nationale afin d’assurer la stabilité sociopolitique et économique de la Région Administrative Spéciale de Hong Kong. Il s’agit d’identifier et d’éradiquer les foyers de troubles qui provoquent un chaos. C’est aussi une action contre les influences étrangères qui poussent à la sédition et à la séparation de RAS de Hong Kong. Il n’est pas de mon propos d’entrer dans l’analyse du bien-fondé d’un tel argumentaire.
Ce qui est à noter, c’est que l’unanimité des votes approuvant le projet, sauf un, est une constante dans les prises de décisions du Comité Central. Comme dans tous les régimes semblables, le rapport à la communication pour soigner l’image est plus important que le rapport à la vérité des échanges qui précèdent. De la même façon, dans la plupart des régimes parlementaires multipartites, on considère qu’il est important de soigner l’image de l’unité. Lorsque des dissidences internes surviennent au sein des groupes parlementaires et/ou des partis, elles sont toujours considérées comme des signes de faiblesse politique.
Or, la visibilité de telles mésententes prouve l’existence d’un contre-pouvoir jusqu’au plus haut niveau du pouvoir législatif et le légitime. Dans les régimes sans alternative politique, en revanche, on croit être une bonne exception et pouvoir se passer du recours à une telle joute, que l’on considère comme inutile, contre-performante, voire dangereuse. En résulte l’impossibilité de changement qui tôt ou tard pourrait s’avérer fatale et conduire à l’effondrement, donc on tient comme on peut.
En attendant, un vent de panique trouble la vie locale. L’interdiction de tout rassemblement, officiellement pour des raisons de sécurité sanitaire qui sert de bon prétexte, muselle maintenant (jusqu’à quand ?) la possibilité d’expression pacifique de l’opposition de l’immense partie de hongkongais qui cherchent à leur façon à s’assurer de la viabilité du principe « one country two systems ». La radicalisation exprimée dans les affrontements violents avec la police dessert une telle expression pacifique dont les hongkongais sont pourtant coutumiers.
Mais puisqu’il n’est maintenant plus possible de s’exprimer ainsi, face à cette nouvelle loi, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la nécessité de partir, cherchant à protéger leurs biens en ouvrant des comptes en banque à l’étranger, et certaines entreprises délocalisent ou ferment leurs activités. Chacun cherche à se positionner en protégeant ce qui lui semble le plus important : conscience personnelle, désir de liberté, emploi, biens matériels, tout ceci à la fois ou séparément.
Pour le gouvernement en revanche, la bataille se situe surtout sur le plan de la stratégie de communication qui précède celle de l’action. Le mode opératoire est toujours le même : attendre, chercher une solution « pacifique », y compris par les emprisonnements et les disparitions, puis agir. Mais l’action obéit aux règles applicables en temps de guerre. Cette stratégie s’enracine dans le principe élaboré il y a deux mille ans par un fameux stratège militaire.
Plusieurs conséquences sont à redouter, parmi lesquelles une gouvernance directe de Pékin, (en commençant par le commandement de la police) et la surveillance accrue des personnes et de leurs moyens de communiquer. Cela concerne évidemment la liberté d’expression religieuse, nécessairement conflictuelle, à un moment critique qui obéit au principe selon lequel, justement, on ne peut pas obéir à deux maîtres à la fois.
Le fort ressenti anti-américain, utilisé comme argument pour ne compter que sur soi-même, n’est pas de nature à rassurer à long terme. C’est le risque d’enfermement sur lui-même qui guette cet immense pays, 1\5 de la population mondiale au potentiel considérable pour un meilleur vivre ensemble. Mais aux dires de son représentant à Hong Kong, la Chine qui n’a jamais été soutenue par les USA (un reproche aux allures d’enfant mal-aimé) est maintenant plus forte.
Est-ce une stratégie pour radicaliser encore plus l’opinion publique nourrie par un fort sentiment patriotique ? Est-ce une stratégie pour endormir les influences réelles du reste du monde, là où c’est possible ? Ou les deux à la fois, et autre chose encore… ? C’est dire le flou qui persiste dans un système opaque, à l’image de la brume qui entoure Hong Kong (Hong Kong veut dire port parfumé, mais peut aussi être plongé dans la brume) et qui peut inspirer le poète pour élever, mais aussi servir de levier stratégique, censé jouer un même rôle pour une population donnée.
Toujours est-il que c’est une attitude de victimisation qui justifie le sursaut de la revanche. Un mécanisme vieux comme le monde… et si finalement il était activé aussi pour lutter contre les dissensions internes via Hong Kong interposé et via ceux qui en prennent la défense ?
Père Rémy Kurowski, sac
Aumônier de la Communauté catholique francophone de Hong Kong
30 mai 2020