La Roumanie avant la visite du pape
Le pape se rendra en Roumanie en visite apostolique du 31 mai au 2 juin 2019. La Roumanie est l’un des pays de l’Union européenne qui compte une majorité d’habitants de confession orthodoxe. Cette visite papale est aussi l’occasion de s’intéresser à ce pays membre de l’Union, assez méconnu ou caricaturé.
Le 30 octobre 2015 a éclaté à Bucarest l’incendie le plus ravageur de l’époque récente en Roumanie. Lors d’un concert de rock au Club « Colectiv » un incendie a fait 28 morts, et 36 autres personnes sont mortes de leurs blessures dans les jours et semaines qui ont suivi.
Quelques jours plus tard, l’archevêque catholique de Bucarest s’est rendu sur les lieux de la catastrophe, premier représentant d’une Église. L’Église orthodoxe, apparemment, ne savait pas comment traiter ce malheur, et a privilégié, dans un premier temps, le silence.
L’archevêque Robu a prié en silence et a retenu l’attention des médias par une courte déclaration : « Nous prions pour ceux qui ont survécu, et nous prions Dieu pour les victimes. J’ai prié Dieu pour le pardon à accorder aux défunts. Et j’ai prié Dieu pour obtenir le pardon, pour nous, nous tous dans ce pays, nous n’avons rien fait pour qu’une telle catastrophe ne se produise pas et que la Roumanie change. Nous devrions avoir honte, nous tous, le gouvernement, les institutions étatiques et les Églises, qu’en 25 ans, nous n’avons rien changé dans ce pays ».
Les paroles de l’archevêque Robu ont eu un large écho, bien que seule une infime partie de la population de Bucarest soit catholique. Le territoire de l’archevêché s’étend sur les deux tiers de la surface du pays, mais là vivent à peine 60 000 membres de l’Église catholique.
Au total, l’Église catholique ne représente qu’une petite minorité en Roumanie, environ 5,6% de la population est catholique, la grande majorité des Roumains appartient à l’Église orthodoxe. De plus, l’Église catholique a de multiples visages, plus exactement il y a deux Églises catholiques dans le pays : l’Église gréco-catholique et l’Église catholique-romaine.
L’Église gréco-catholique
L’Église gréco-catholique (appelée parfois l’Église uniate) date de l’année 1700, quand une partie de l’Église orthodoxe de Transylvanie (le territoire appartenait à l’époque à la monarchie des Habsbourg) a reconnu la juridiction du pape, mais a conservé le rite oriental et ses propres structures ecclésiales. L’Église gréco-catholique, durant la période communiste, a été l’Église la plus persécutée, et de la manière la plus brutale : elle a été interdite et « réunie » de force avec l’Église orthodoxe. Les évêques et prêtres qui ont résisté à ce mouvement ont fini dans les prisons communistes, nombreux sont ceux qui ont disparu ainsi.
Malgré tout, cette Église (gréco-catholique) a survécu dans la clandestinité, même si aujourd’hui elle a moins de membres que durant la période de l’oppression et de la persécution.
L’Église catholique latine
Pour enrichir le tableau : l’Église catholique-romaine elle-même est diverse en Roumanie, elle est plurilinguistique. Les diocèses et communautés les plus grandes se trouvent en Transylvanie, et on y parle en général hongrois. Il y a là des régions entières qui sont majoritairement catholiques-romaines, et l’Église est l’un des piliers identitaires les plus forts pour le groupe ethnique hongrois, qui compte plus d’un million de personnes et dont les membres appartiennent soit à l’Église catholique soit à l’Église réformée (calviniste).
Dans de nombreuses villes de Transylvanie, le tableau est encore plus multicolore : des messes sont célébrées en roumain, en hongrois et aussi en allemand.
Dans la partie est du pays finalement, en Moldavie, on trouve dans le diocèse de Iasi une grande communauté roumaine, avec plus de 225 000 membres pour l’Église catholique romaine.
L’impact social de l’Église catholique
L’action de l’Église catholique en Roumanie déborde largement la proportion assez réduite des catholiques dans l’ensemble de la population du pays. Cela remonte en premier lieu à un certain nombre de personnalités importantes, qui étaient catholiques, histoires du passé ou du présent : le mouvement national de Roumanie en Transylvanie (à l’époque une province de l’Empire austro-hongrois) aux XVIII et XIXe siècles était enraciné dans l’Église gréco-catholique. Mais aussi dans un passé plus récent, au moins deux premiers ministres roumains étaient catholiques.
L’Église catholique en Roumanie a déployé son action depuis la fin du communisme principalement dans le domaine social, et cela déborde largement les frontières de cette Église. La Caritas, organisation d’aide de l’Église, compte aujourd’hui parmi les acteurs principaux lorsqu’il s’agit d’offrir des services sociaux, de lutter contre la pauvreté et de se préoccuper de groupes marginalisés dans la société.
Même s’il y a eu dans les années récentes des développements économiques positifs, dont ont profité principalement les grandes villes, il n’en reste pas moins que des grands groupes de population continuent de lutter pour assurer leurs besoins de base. De nombreuses personnes vivent dans une pauvreté oppressante, et pour de nombreux enfants, surtout dans les groupes marginalisés socialement, terminer avec succès l’école élémentaire ne va pas de soi. Une étude publiée par la Commission européenne l’an passé, montre que plus de 40% de ceux qui sont en huitième année de l’enseignement obligatoire (à peu près le niveau de la 4e en France) sont en fait des analphabètes fonctionnels. L’État ne donne pas l’impression de prendre ce problème au sérieux.
L’action sociale de la Caritas
Les groupes cibles de la Caritas ne se composent pas seulement de catholiques, mais de personnes dans le besoin et de toutes confessions. C’est pourquoi le travail de la Caritas est aussi reconnu par l’État et cofinancé par lui (malheureusement seulement de manière limitée, mais toutes les ONG souffrent de cela, pas seulement la Caritas).
Tout cela n’empêche pas la Caritas de se saisir de thèmes problématiques. Un exemple en est l’inclusion sociale des Roms, une minorité qui est touchée par une pauvreté extrême et qui continue d’être discriminée et exclue… des jardins d’enfants, des centres sociaux, des programmes de formation pour jeunes et adultes, et un travail social direct doivent contribuer à permettre à ces personnes de sortir de la pauvreté par des voies durables.
Il y a quelques années, la Caritas a soutenu la reconstruction de villages détruits par des inondations du Danube, et parmi ceux qui travaillaient à ce programme, il y a avait de jeunes jésuites volontaires. Et ceci dans un village quasiment totalement orthodoxe. Le dimanche, ces jeunes ont participé au culte dans l’église orthodoxe, et le curé les a appelés dans le chœur pour les présenter à l’assemblée : « ils sont catholiques, et sont venus dans notre village pour nous aider. Cela devrait être un exemple de la manière dont nous devrions nous comporter les uns avec les autres ». Les mots du curé étaient ambitieux et exigeants. Pour l’Église catholique, cela constitue un grand défi, si on veut être à cette hauteur.
Thomas Hackl
De la Caritas de Satu Mare et Caritas nationale de Roumanie
(traduit de l’allemand : Antoine Sondag)
La Roumanie a une superficie d’environ la moitié de la France. Pour une population de 20 millions d’habitants. Les premières années après la chute du communisme ont été marquées par une émigration importante, surtout vers l’Italie et l’Espagne. Ce courant s’est ralenti depuis la crise financière de 2007-2008. La sortie du communisme en 1989 s’est apparentée plus à un coup d’État qu’à une véritable révolution. Il reste donc beaucoup de réformes à mener à bien pour opérer le passage à une économie de marché, un État de droit, une lutte efficace contre la corruption, une vie démocratique apaisée… Beaucoup de Roumains se sentent humiliés parce qu’une majorité de Français ne jugent leur pays qu’à partir de la dizaine de milliers de mendiants et de Roms roumains qu’on croise dans les rues de Paris. Les Roms regroupent de 5 à 10% de la population roumaine. La Roumanie a adhéré à l’OTAN en 2004 et à l’Union européenne en 2007. Le pays compte six diocèses catholiques latins, et cinq diocèses gréco-catholiques.