Avec Ignace et François-Xavier, « voir toute chose nouvelle en Christ »

L’Espagnol Ángel Benítez-Donoso, SJ, 37 ans, étudiant en théologie au Centre Sèvres et aumônier en classe préparatoire au Lycée Sainte Geneviève à Versailles, évoque le sens que revêt pour lui le 400ème anniversaire de la canonisation de saint Ignace de Loyola et de Saint François-Xavier qui sera célébré le 12 mars 2022.

Le 12 mars 1622, la ville de Rome s’est préparée à célébrer un événement historique. Dans une même cérémonie allaient être canonisés l’Italien Philippe Néri aux côtés des Espagnols Thérèse d’Avila, Isidore le Laboureur, Ignace de Loyola et François-Xavier. « Quatre Espagnols et un saint ! » disait le peuple romain avec une certaine dérision. Indépendamment des mérites personnels de chacun de ces cinq géants spirituels, le fait que leur canonisation soit regroupée en une seule célébration était une sorte de reconnaissance de l’action de Dieu à un moment délicat pour l’Église : au milieu de la fragilité humaine et institutionnelle, Dieu avait su inspirer, par son Esprit, des hommes et des femmes courageux pour mener à bien la nécessaire Réforme catholique. Samedi prochain, l’Église célèbre le 400ème anniversaire de cet événement, l’occasion de se souvenir de la figure d’Ignace de Loyola (1491-1556) pour que, comme lui, nous puissions aussi écouter la voix de l’Esprit et faire face aux difficultés que notre monde et notre Église traversent.

Cette célébration s’inscrit dans le cadre d’une Année ignatienne, convoquée par le Père Général Arturo Sosa, SJ, à l’occasion du cinquième centenaire de la blessure d’Ignace lors de la bataille de Pampelune (20 mai 1521), qui marquera le début d’un chemin de conversion personnelle qui changera à jamais l’histoire de l’Église. Pour cette raison, le pape François a voulu célébrer personnellement l’Eucharistie qui aura lieu dans l’église du Gesù, à Rome, samedi à 17h, et qui sera retransmise sur internet pour tous les pays. Ici en France, tous les jésuites de moins de 50 ans se réuniront pour une journée festive qui se terminera par une veillée de prière à Montmartre – un lieu emblématique pour nous, puisque c’est là que les premiers jésuites ont prononcé leurs vœux en 1534.

Quand un boulet de canon change la trajectoire d’une vie

En tant que jeune jésuite, je vis cette célébration comme une occasion de continuer à approfondir les racines de ma vocation. Une vocation qui s’enracine dans une longue histoire d’hommes qui, à l’image d’Ignace, ont voulu suivre le Seigneur « sous l’étendard de la Croix ». Une histoire de service et de dévouement qui a commencé par un échec : un boulet de canon qui a brisé les rêves et les projets du jeune Ignace. Cette célébration est pour moi l’occasion de rappeler le mystère d’un Dieu qui a voulu que, là où le monde n’est capable de voir que l’échec et la mort, surgisse une vie abondante capable de tout transformer. Les blessures, le péché, la mort, la Croix… étaient réels dans l’histoire d’Ignace, sont réels dans ma propre histoire et continueront à être réels dans l’histoire du monde et de l’Église. Mais nous croyons en un Dieu qui a voulu avoir un dernier mot d’espérance dans la vie d’Ignace, dans ma vie et dans la vie de l’Église.

Bien que ce soit sans aucun doute un jour spécial pour les jésuites, la vie d’Ignace peut servir d’exemple au-delà des limites de la Compagnie de Jésus elle-même. Tout d’abord, nous sommes nombreux à former la famille ignatienne : hommes et femmes, laïcs et religieux, tous partenaires dans l’unique mission de Jésus-Christ à laquelle nous voulons participer à travers le charisme ignatien, incarné par les Exercices Spirituels. Une grande variété de personnes qui ont découvert dans la spiritualité ignatienne un moyen de « chercher et trouver la volonté de Dieu en toutes choses » et de poursuivre ainsi l’œuvre d’Ignace, de François-Xavier et de tant d’autres qui ont donné leur vie au service de la foi et de la promotion de la justice. En ces jours par exemple, le Réseau Xavier vient de lancer une campagne mondiale pour soutenir le travail que JRS (Service Jésuite des Réfugiés) réalise dans les pays limitrophes de l’Ukraine, en accueillant et en accompagnant les réfugiés qui fuient la guerre.

Mais indépendamment des charismes particuliers et des traditions spirituelles, la mémoire d’Ignace peut aussi être une source de grâce pour toute l’Église. L’exemple d’Ignace nous invite à vivre ce temps de carême avec « un cœur large et grande générosité », en recherchant une conversion qui ne peut se produire qu’en réponse à une rencontre personnelle avec Jésus-Christ ; confiants que, comme Ignace, un jour on pourra « voir toute chose nouvelle en Christ ». La mémoire d’Ignace est aussi l’occasion de grandir dans l’espérance : comme cela s’est produit il y a cinq cents ans, alors que l’Église traversait l’une des plus grandes crises de son histoire, Dieu continue à renouveler sa promesse et sa fidélité ; l’Esprit continue à souffler avec force, inspirant des hommes et des femmes courageux et généreux pour que, comme Ignace et ses compagnons, ils puissent aujourd’hui aussi réaliser la réforme ecclésiale que les temps nous demandent et à laquelle le pape François nous invite.

Ángel Benítez-Donoso, SJ

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