Quelle Église le Pape François vient-il rencontrer en Hongrie ?
Le Pape François se rendra à Budapest, du 28 au 30 avril prochain. Comment décrire brièvement l’Église en Hongrie ? C’est la question que nous avons posée au Père Pierre Clermidy, sj, bon connaisseur de la Hongrie et longtemps accompagnateur de la communauté catholique hongroise de Paris.
Les catholiques représentent environ 40 % de la population. Souvent persécutée durant la période communiste, l’Église a connu une forme de renouveau après la chute du mur de Berlin en 1989. Sans esprit de revanche, l’Église a toutefois récupéré un certain nombre de bâtiments qu’elle utilise à des fins pastorales, éducatives ou sociales. Beaucoup de prêtres et de religieux sont revenus d’exil et ont contribué à ce renouveau. Un énorme travail de traduction et d’édition a aidé les chrétiens dans le domaine de l’intelligence de la foi. Beaucoup de mouvements de jeunesse, jusqu’alors interdits, ont été réactivés. L’association des scouts hongrois (mouvement œcuménique) est en constante progression numérique. Le mouvement d’éducation catholique Regnum Marianum est également très dynamique. Beaucoup d’institutions scolaires catholiques se sont (ré)ouvertes dans l’enseignement primaire, secondaire et supérieur. Le sérieux et la créativité pédagogique dont ces institutions catholiques privées font preuve inspirent parfois l’enseignement public. Citons pour exemple, le programme d’actions sociales auquel chaque lycéen du pays doit consacrer une soixantaine d’heures durant ses années de lycée, qui est une reprise d’une initiative lancée par le lycée jésuite de Miskolc. Les associations caritatives comme Caritas ou l’Ordre des Chevaliers de Malte sont très actives, en particulier dans l’accueil des immigrés et dans le soutien à la minorité tsigane.
Après trente années de reconstruction et de dynamisme, l’Église semble toutefois présenter une forme d’essoufflement. Les sociologues des religions décrivent la présence de trois générations assez distinctes : les plus âgés qui ont connu la période communiste et qui sont peu ou prou des héros de la foi ; la génération intermédiaire qui a été très engagée dans le renouveau de l’Église, mais qui commence à prendre de l’âge ; la jeune génération enfin qui est très marquée par la sécularisation et qui est donc très peu nombreuse. Le nombre des séminaristes est en chute. Les ordinations diminuent. Le nombre de prêtres en crise ayant quitté le sacerdoce n’est pas anecdotique. Hormis quelques exceptions, les paroisses accusent une baisse de fréquentation.
En Hongrie, comme ailleurs, l’Église ne vit pas hors sol. La période du Covid, la crise économique et énergétique, la guerre en Ukraine, pays frontalier, sont des réalités que l’Église a dû affronter et apprendre à accompagner. La visite du pape François est accueillie avec joie et enthousiasme par l’Église catholique, et plus largement par la société hongroise. Tour à tour, la présidente de la République hongroise, Katalin Novác, et le premier Ministre, Viktor Orbán, l’un et l’autre d’obédience protestante, avaient personnellement rencontré le pape à Rome et l’avaient invité à venir en Hongrie. Le pape François insiste souvent sur l’urgence de construire des ponts plutôt que d’ériger des murs. La Hongrie, petit pays d’Europe centrale, se sentira encouragée, grâce à la visite du Saint-Père, dans sa vocation d’être un pont entre l’Est et l’Ouest.
Père Pierre Clermidy, SJ – avril 2023