Des pierres vivantes françaises dans la mosaïque slovène
La Mission catholique slovène de Freyming-Merlebach, dans le diocèse de Metz, existe depuis plus de 100 ans, et sa naissance est liée aux mines de Lorraine. Le père Joseph Kamin, aumônier national, nous partage les témoignages de chrétiens français membres de la communauté slovène.
Témoignages de paroissiens
Française, j’assiste aux messes en slovène, même si je ne comprends pas la langue. Assister à la messe à la Mission slovène de Merlebach, avec l’expérience d’un beau lien spirituel avec la communauté, des salutations humaines chaleureuses, avant même d’entrer dans la chapelle, est une rencontre humaine sympathique, respectueuse et bienveillante. Lorsque j’entre dans la chapelle slovène, mes sentiments changent chaque dimanche. Un mélange de curiosité, de respect, de surprise face à la diversité culturelle et spirituelle du lieu, un lien spirituel et des yeux qui crient « waouh ! » à la vue des mosaïques, des fresques de pierre, qui confèrent au lieu une note unique de tranquillité dans un espace déjà rempli de spiritualité, de sincérité, de solidarité et de piété slovène, qui atteint le cœur de chacun. Le slovène domine dans la liturgie, même s’il y a une lecture en français et que l’évangile et l’homélie sont bilingues.
Même sans mots, par un sourire, une poignée de main, un regard, une salutation lumineuse, nous partageons parfois la tristesse et la pitié. Ici Slovènes et croyants d’autres nationalités se sentent en véritable communion. Chacun de nous peut apporter sa petite pierre à la communauté, tout comme dans la chapelle il y a des pierres de toute sorte, de la terre slovène, de la Terre Sainte, de gros morceaux de charbon, des tuiles d’argile des anciennes maisons, et par tous ces détails, le Sauveur ressuscité vient devant nous et s’adresse à chacun de nous, et avec force. Être en lien avec ce groupe slovène me fait vibrer et apporte de la lumière dans ma vie. Merci !
Maryline
Il y a 35 ans, j’ai vécu la pire épreuve de ma vie. Après le départ soudain de mon mari et le départ de mes enfants à l’université, je me suis retrouvée seule à la maison. En plus de cela, les problèmes de santé se sont accumulés et j’étais littéralement en train de sombrer. La seule chose qui m’apportait un peu de réconfort c’étaient les répétitions de chants avec la chorale de notre village. Je n’oublierai jamais la personne qui m’a orientée vers un prêtre, non pas de notre paroisse, mais un prêtre slovène, Jože Kamin. Il m’a écoutée sans me juger et je me suis sentie peu à peu revivre. De plus, il m’a invitée à rejoindre la Mission catholique slovène à Merlebach. Une découverte ! Ce que j’ai trouvé dans cette communauté m’a donné la force de me remettre debout. Les Slovènes sont une nation à la culture riche. Ils savent écouter et partager. Leur sourire vient du plus profond du cœur. Je ne comprends pas le slovène, mais à la messe du dimanche, je suis tellement touchée par leurs chants que je pense souvent au dicton « Celui qui chante, prie deux fois ». Au fil des ans, je me suis profondément attachée et connectée à cette communauté qui m’apporte tant de nourriture spirituelle que je ne l’échangerais contre aucune autre paroisse. Merci de m’accueillir.
Raymonde
Mission. Je suis lié à la Mission slovène depuis plus de quarante ans, lorsque je vivais à Freyming où Jože Kamin était diacre et jeune aumônier ; un jour, il a invité les jeunes à venir aider à la restauration d’une vieille maison dans la ville voisine de Merlebach. De ce jour, j’ai encore en mémoire la première image de la « Mission » : trois salons de coiffure aux murs encore imprégnés d’odeur et de grisaille, traces visibles d’un incendie éteint à temps parce que le toit n’avait pas été englouti par le feu. Je me suis demandé ce que Jože voulait faire de cette « Mission ». Aujourd’hui, j’ai une réponse à cette question : la Mission était avant tout un lieu de vie, que Joseph, avec toute une équipe de bénévoles, a remis en état sur plusieurs années. La Mission était avant tout un lieu où nous, les jeunes, étions en quête d’identité et d’une spiritualité pas trop désuète. Avec Jože, nous avons commencé des réunions de jeunes, nous avons créé un département jeunesse avec des costumes et des danses nationales. Nous avions chaque année une retraite spirituelle dans les Alpes, à La Flatière, face au Mont-Blanc.
La messe du dimanche à la Mission reste pour moi quelque chose de festif, parce qu’elle nous ouvre à l’autre dans toutes ses dimensions humaines et spirituelles. D’abord la prière dans la chapelle et ensuite, lors des rencontres mensuelles, la convivialité humaine et amicale autour d’un chant partagé jusqu’à la fin de l’après-midi.
Une Mission sortie des mains des migrants slovènes, des mineurs, de leurs amis locaux, des retraités, des jeunes et des moins jeunes qui passaient par là et qui, par leur travail acharné, ont donné à ce bâtiment son âme et sa marque indélébile. Je me souviens des premières pierres que j’ai posées dans le chœur. Elles sont censées représenter l’Eglise comme une communion qui s’élève vers le ciel, comme elles s’élèvent dans leurs différentes nuances d’argile vers le plafond de notre chapelle. Aujourd’hui, elle s’est enrichie de milliers d’autres pierres venues du monde entier. Ce lieu saint, puis le hall, le jardin d’hiver, la cuisine et enfin les chambres mansardées, sont liés dans mon esprit à la mémoire des personnes qui viennent encore dans cette chapelle et de celles qui vivent toujours sous ce toit, dont beaucoup sont passées dans l’éternité. Les tuyaux de cuivre et les tuiles brunes me font penser à Ivan Kasteliec ou Karel Miglič. Les grandes peintures murales m’évoquent le jeune artiste polonais Jean-Luc Wlalaczyk, qui a magnifiquement transcrit l’âme slovène sur les murs. Toutes les tables et les portes ont été fabriquées par un menuisier autodidacte, Lesnjak, un ancien mineur de fond. En entrant dans la cuisine, je sens encore l’odeur du travail des cuisiniers bénévoles, dont Mici Mav, qui ne franchissait jamais le seuil de la Mission sans apporter un plat de strudel doré. Tant de visages qui continuent à vivre avec nous aujourd’hui.
Que signifie donc pour moi la Mission slovène ? Pour moi, c’est un lieu où nous avons construit une âme commune dans un bâtiment et en même temps une communauté unie dans toute sa diversité, que je suis heureux d’aider en tant qu’organiste. En tant que Français, je me sens comme un immigré dans la mission catholique slovène, dont la langue, malgré mes visites en Slovénie, m’est encore – malheureusement – très étrangère. La mélodie des chants slovènes, elle, me tient à cœur, très à cœur. Lorsque je suis les chanteurs à la messe dans notre chapelle, toutes les notes se confondent avec les voix humaines qui donnent de l’espace au chant slovène. La musique est une vibration unique. La musique devient prière. Mission – trois syllabes qui sonnent comme une invitation à co-créer quelque chose d’humain, à co-créer quelque chose d’humainement grand et beau, pour l’Essence unique qui est au-dessus de nous tous.
Jacky
Pour tous nos lecteurs qui comprennent le slovène, les témoignages complets, ainsi que d’autres, sont à retrouver dans la revue Nasa Luc, revue des Slovènes dans le monde, qui nous a autorisés à les reproduire.
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