Haïti, une crise qui n’en finit pas…

La Lettre de Saint-Jacques est un bulletin d’information qui appartient à la Société des Prêtres de Saint-Jacques (S.P.S.J.). Cette congrégation a été fondée officiellement le 29 mai 1966 par Mgr François Poirier, bien que ses origines remontent à 1864 lorsque les premiers missionnaires français sont arrivés en Haïti. Le pays fait face à une crise multidimensionnelle sans précédent, caractérisée par une insécurité croissante et une situation humanitaire désastreuse. Découvrez les témoignages des prêtres de la congrégation.
Depuis plusieurs années, nous avons l’impression qu’Haïti se trouve dans une pente descendante avec une insécurité qui contraint la population à se sentir dans une prison à ciel ouvert. Ce constat est visible à Port-au-Prince et les villes avoisinantes. Les gens circulent, mais avec la peur au ventre. Beaucoup ont été victimes des actes de kidnapping et ruinés, car pour leur libération, ils devaient payer une rançon dont les sommes dépassent souvent largement ce qu’ils possèdent. Combien de familles sont ainsi détruites psychologiquement, physiquement et économiquement. Certaines d’entre elles sont obligées de fuir la capitale pour se réfugier dans des villes de province. D’autres, à contrecœur, ont même dû quitter le pays pour chercher refuge dans un autre où elles ne sont pas toujours bien accueillies. Comment Haïti, pays si attachant, en vient-elle à une telle situation, doit-on se demander ?
Aujourd’hui, dans certains quartiers, particulièrement au sud de la capitale, la vie n’est plus possible. La population est chassée en laissant derrière elle sa maison et tout ce qu’elle avait. Chacun prend avec soi ce qu’il peut et s’enfuit pour trouver refuge ailleurs, en espérant un nouveau commencement. Ce qui n’est pas si facile car il faut de nouveau partir presque de rien.
Pour s’enfuir, certains risquent leur vie en prenant la mer pour rejoindre une ville de province (surtout ceux qui partent vers le sud) parce que la voie terrestre est quasi impossible. Vous comprenez bien que cela a une grande incidence sur le pays tout entier. Car l’échange commercial entre la capitale et le reste du pays est impossible.
Où est l’État ?
Il est vrai que l’État est le garant de la bonne marche des institutions et de la protection de ses citoyens. Cependant, depuis plusieurs années, cette vérité est contredite, car l’État est absent. De temps en temps, la police essaie de donner quelques petits résultats, mais cela ne se poursuit pas dans la durée. D’ailleurs, plusieurs policiers ont perdu leur vie par des balles des bandits qui sont très bien armés. Ils ne manquent ni d’armes ni de munitions alors qu’ils ne se sont jamais déplacés. Mais d’où viennent-elles ? Sûrement pas du ciel.
Depuis le mois d’avril dernier, il y a un conseil présidentiel de transition qui avait pour mission entre autres de rétablir la sécurité et de réaliser les élections fin 2025. Pour l’instant, rien n’est fait. Bien sûr, il y a eu beaucoup d’annonces, mais cela en reste là. Attendons pour voir la suite.
Une force internationale
Il y a un an, une résolution de l’ONU a autorisé une mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti. Cette mission est dirigée par le Kenya. Toute méfiante vis-à-vis de cette force étrangère, lui rappelant la mauvaise expérience faite avec la MINUSTHA (force onusienne ayant introduit le choléra dans le pays) – la population se trouve résignée à faire confiance en l’éventuelle efficacité de cette force, pour la sortir de cette crise chronique… sans se faire d’illusion pour autant.
La voix de l’Église
L’Église catholique en Haïti par la voix de la Conférence des évêques n’a cessé d’élever sa voix pour demander aux autorités de prendre leurs responsabilités. Elle n’a cessé de dénoncer la violence, la corruption, le cynisme et la mauvaise gouvernance. Mais son appel reste sans réponse. Le récent message que les évêques ont envoyé à l’occasion de la fête de Noël vient de s’ajouter à la longue liste des messages déjà délivrés. Jusqu’à quand pour que le cri de la population, le message de l’Église arrive jusqu’aux oreilles de ceux qui détiennent le pouvoir de décision ?
Malgré tout, nous osons espérer un lendemain meilleur à la suite d’une prise de conscience de tous les acteurs de la société. Haïti doit redevenir ce qu’elle a été : la perle des Antilles, une terre d’accueil.
La Lettre de Saint-Jacques n°231, janvier 2025
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La société des Prêtres de Saint-Jacques est présente en Haïti depuis son origine
Message de Noël des évêques d’Haïti