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Maroc : confinement à Taroudannt

Le sud marocain où vit le père Marc Helfer, du diocèse de Strasbourg, n’est pas particulièrement touché par le Covid, mais il n’en est pas moins confiné comme le reste du pays.

Maroc5. Maroc confinement à Taroudannt

 

Inséré à Taroudannt, comme prêtre Fidei Donum, je vis le confinement avec patience, selon les directives gouvernementales, comme toute l’Église catholique, jusqu’au 20 mai pour le moment. La plaine du Souss et la ville de Taroudannt dans le sud marocain ne sont pas particulièrement touchées par la pandémie, mais nous respectons la réglementation en vigueur pour éviter tout risque de contamination.

Au-dehors j’entends la voiture sanitaire qui diffuse plusieurs fois par jour des consignes de sécurité. Et le soir au moment du couvre-feu de 18h, d’autres voitures passent désinfecter les rues. L’autre soir, rentrant d’un riad voisin (4 minutes à pied) où je m’étais connecté à internet (impossible chez moi depuis un certain temps), et retournant chez moi seulement à 19h, je me suis retrouvé tout seul dans la rue. Impressionnant, comme en temps de guerre. En fait, c’est une autre forme de guerre que nous sommes en train de vivre, plus de 160 pays touchés ! Comme quoi « un grain de sable » a eu cette capacité de mettre la planète à plat, humainement, économiquement, socialement…

J’espère que notre « maison commune » va réfléchir son devenir sur d’autres bases que l’argent et la rentabilité, et repenser ses modes de vie. Je repense au mot du cardinal du Honduras, Maradiaga, cité par mon évêque Cristobal dans sa lettre pastorale : « le coronavirus a mis à genoux un monde qui vivait installé dans la superbe », lui-même ajoutant : « L’humanité reçoit une leçon d’humilité » Et pour le moment, les uns sont pris, les autres laissés…

Aurons-nous la capacité, surtout, de relire, après les évènements, le sens de ce qui est arrivé, les leçons à en tirer, humainement, économiquement, politiquement, écologiquement, spirituellement ?   En fait il faudrait commencer la réflexion, la remise en question, dès maintenant. Mais surtout nous demander pourquoi tout cela est arrivé ? Vraiment, nous ne sommes pas tirés d’affaire. Cette pandémie ne vient-elle pas révéler l’errement d’une humanité qui a tourné le dos à une éthique de la vie ?

Ici, mon confinement est plutôt royal, grâce à un grand jardin jouxtant la maison, en pleine médina, permettant aussi de faire de l’exercice. Mes voisins sont moins gâtés, les enfants, par ailleurs étant strictement interdit de sortie. En milieu de journée je vais faire des petites courses ce qui permet tout de même de saluer des gens, de nous encourager, mais aussi de faire circuler la parole… Mais je sens bien que les difficultés financières de ceux qui travaillaient comme des journaliers ont déjà atteint leurs sommets. Ils n’ont plus rien. A chaque sortie, je suis arrêté, soit pour me demander un petit travail rémunéré, soit pour de l’argent. Pour certains de mes voisins j’ajoute à mes propres courses des fruits et des légumes que je leur donne. Une initiative de solidarité, soutenue par la petite communauté chrétienne, mise en route par une Française qui a ouvert un resto associatif, pour épauler et former des filles de la rue, va permettre d’aider les plus pauvres qui ont été répertoriés par la municipalité et des associations.

Sommes-nous humainement assez fort pour traverser ce temps de confinement qui laissera aussi ses séquelles ? Quand je pense aux amis marocains, habitués à vivre au-dehors, comment tiendront-ils dans des espaces et appartements réduits ? Est-ce que ce temps de confinement pourrait nous réapprendre à vivre les uns avec les autres, frictions et tensions faisant partie de ce réapprentissage ? Nous n’étions sans doute plus très habitués à associer à nos journées des contraintes et des aléas… sauf sans doute pour les migrants, les malades, les gens des montagnes, les mendiants, les handicapés, les chômeurs, les prisonniers, les victimes d’agressions, les victimes des guerres et des conflits…

Je trouve que le mot « confinement », nous invite, finalement, à vivre davantage « avec finesse », finement… A affiner tout ce qui est devenu banal, grossier, normal, habituel, dans notre vie, entrer dans la profondeur du temps, des choses, des relations, des choix, du désir…

En même temps, la vie continue son effort. Quand je circule dans le jardin, la nature, quasiment indifférente à ces bouleversements liés à la pandémie du virus, continue de fleurir, des bébés-tortues viennent de naître, la formation des fruits des agrumes annonce déjà la récolte suivante. Le cycle de vie se poursuit.
Chez les humains aussi la vie continue son effort. Des bébés naissent, sans savoir dans quel contexte ils entrent dans ce monde, des solidarités spontanées voient le jour, des bénévoles se rendent disponibles, avec précaution, défiant le virus, allant, entre autres, porter des repas aux personnes âgées ou personnes en solitude…

Depuis trois semaines, nous sommes tenus réglementairement à porter un masque lorsque nous sortons de nos maisons, faute de nous voir infliger une amende, voire une peine de prison ! Et régulièrement, en allant au marché faire les courses, nous sommes contrôlés par la police au niveau de notre autorisation de circuler et du port du masque.

C’est dans ce contexte que le Ramadan a commencé samedi dernier, le couvre-feu ayant été repoussé à 19h.Cela veut dire que la prière continuera à se vivre à la maison, mais que les visites après la rupture du jeûne ne seront pas possibles entre familles et voisins, ni les promenades en ville, comme cela se faisait habituellement. Du coup, nous sommes tous invités à vivre ce temps de manière plus intérieure.

Surtout, quoi qu’il arrive, essayons d’être des passeurs de vie, c’est ce que ma nature plutôt optimiste laisse résonner à mes oreilles, mais vient aussi bousculer mon esprit parfois incertain…

Marc Helfer

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