Les objectifs de la société civile au niveau mondial dans le contexte de la COP 28

Dubaï

Le 8 décembre 2023, la Marche mondiale, lancée depuis Dubaï dans le cadre de la COP28, s’est tenue dans de nombreuses régions du monde.

Il est intéressant d’analyser les slogans qui y sont évoqués car ils reflètent des objectifs globaux sur lesquels il nous faut redoubler d’efforts pour les atteindre :

Le changement du système néolibéral vient en premier car, faisant clairement écho au message envoyé par le pape François à la COP 28, l’une des banderoles disait : « C’est le système (néolibéral) qui doit changer ; pas le climat. »

Et face au militarisme et au surarmement, c’est un objectif central si on l’aborde à partir de la proposition faite à la COP par le pape François : allouer les ressources consacrées à la guerre, au développement des pays pauvres et à la protection de l’environnement, trois thèmes (armement, lutte contre la pauvreté et protection de l’environnement) très présents dans la pensée du Pape. Ce sont les questions les plus urgentes et elles sont interdépendantes. « Le militarisme est l’éléphant dans l’alcôve du climat », disait une autre banderole.

« Combien d’énergie l’humanité gaspille-t-elle dans les si nombreuses guerres en cours, comme en Israël et en Palestine, en Ukraine et en beaucoup d’autres régions du monde : des conflits qui ne résoudront pas les problèmes mais les accroîtront ! Combien de ressources sont-elles gaspillées en armements, qui détruisent des vies et ruinent la maison commune ! Je renouvelle une proposition : « Avec les ressources financières consacrées aux armes ainsi qu’à d’autres dépenses militaires, créons un Fonds mondial, en vue d’éradiquer une bonne fois pour toutes la faim » (Fratelli tutti 262 ; cf. saint Paul VI Populorum Progressio 51) et mettre en œuvre des activités qui favorisent le développement durable des pays les plus pauvres, en luttant contre le changement climatique, a dit le Pape dans son discours.

Concernant les objectifs spécifiques liés au thème du sommet, les jeunes qui constituent un mouvement mondial affinent leur réflexion et se prononcent en faveur de la « justice climatique » ; « Nous sommes unis, Sud et Nord, pour exiger la justice climatique », pour « financer l’adaptation » au changement climatique » et pour « faire payer les pollueurs ».

Au sujet de la justice climatique, le pape François a exprimé : « Il ne faut pas pénaliser le développement de nombreux pays, déjà chargés de lourdes dettes économiques, mais considérer l’impact de quelques nations, responsables d’une dette écologique inquiétante envers tant d’autres (cf. ibid. 51-52)) ». Je souligne que le Pape reprend une proposition du président colombien Gustavo Petro : « Il serait juste de trouver des moyens adéquats pour annuler la dette économique qui pèse sur certains peuples, en tenant compte de la dette écologique qui est en leur faveur ». Sans hésitation, un appel est lancé pour « stopper l’exploitation des énergies fossiles ».

Néolibéralisme contre démocratie : Si l’on comprend le multilatéralisme et le rôle de l’ONU dans le monde comme des mécanismes « démocratiques » au niveau mondial (bien que le droit de veto des grandes puissances au conseil de sécurité de l’ONU sape la démocratie dans cette organisation) ; Hier, le secrétaire de l’ONU a déploré la « paralysie de l’organisation » pour imposer un cessez-le-feu à Gaza et ainsi mettre fin au génocide intense et quotidien des enfants, des femmes et des personnes âgées.

Concernant les violations graves du droit international humanitaire, des banderoles aux couleurs du drapeau palestinien exigent la fin de la colonisation et un « cessez-le-feu immédiat ». La défense des droits de l’homme était clairement présente lors de la Grande Marche et le respect des droits de l’homme est la démocratie.

De même, nous verrons comment les intérêts néolibéraux des grandes entreprises s’imposent et bloquent des décisions nécessaires au bien commun… « Les négociations internationales ne peuvent pas avancer de manière significative en raison de la position des pays qui mettent leurs intérêts nationaux au-dessus du bien commun général. » (Laudato si’, 169). « Nous assistons à des positions rigides, voire inflexibles, qui tendent à protéger des revenus de particuliers et ceux de leurs entreprises, en se justifiant parfois sur la base de ce que d’autres ont fait dans le passé, avec des renvois périodiques de responsabilité.  La position des Émirats arabes unis a été particulièrement provocante et incohérente d’un point de vue éthique, car ils ont contraint leurs alliés à ne soutenir aucune résolution contre l’exploitation pétrolière, renforçant ainsi la position des compagnies pétrolières de plus en plus fermées à tout accord.

La crise de l’ONU va bien au-delà de ces faits : le pape François y a fait référence à plusieurs reprises et dans son discours à Dubaï il a répété : « Il est bien connu que divers accords et engagements pris « n’ont été que peu mis en œuvre parce qu’aucun mécanisme adéquat de contrôle, de révision périodique et de sanction en cas de manquement, n’avait été établi » (Laudato si’ 167). « Que cette COP soit un tournant : qu’elle manifeste une volonté politique claire et tangible, conduisant à une accélération décisive de la transition écologique, à travers des formes qui aient trois caractéristiques : qu’elles soient « efficaces, contraignantes et facilement contrôlables » (ibid., n. 59). Qu’elles soient mises en œuvre dans quatre domaines : l’efficacité énergétique, les sources renouvelables, l’élimination des combustibles fossiles et l’éducation à des modes de vie moins dépendants de ces derniers. Et Il a clairement déclaré : « Il ne sert à rien de préserver aujourd’hui une autorité dont on ne se souviendra demain que pour son incapacité à intervenir quand cela était urgent et nécessaire (cf. ibid., n. 57) ».

laissons de côté les divisions et unissons nos forces !

Quelle est la solution pour s’en sortir ?… Une voie commune, le multilatéralisme. « Le monde devient tellement multipolaire, et en même temps tellement complexe, qu’un cadre différent pour une coopération efficace est nécessaire. Il ne suffit pas de penser aux rapports de force […]. Il s’agit d’établir des règles globales et efficaces » (Laudate Deum, 42). Il y a une méfiance croissante à l’égard de la communauté internationale. Il est essentiel de reconstruire la confiance, base du multilatéralisme.

Au niveau de la société civile, le rôle actif des jeunes dans la protection de l’environnement est un signe des temps et il est de la responsabilité des institutions adultes, comme l’ONU, de soutenir efficacement leurs efforts : « C’est la bonne politique qui est la solution : si le sommet donne un exemple concret de cohésion, la base en profitera, là où de très nombreuses personnes, en particulier des jeunes, s’impliquent déjà dans la promotion du soin de la maison commune. »

Multilatéralisme, cohésion, coopération… L’appel du pape François veut aller au plus profond : « Je voudrais vous dire du fond du cœur : laissons de côté les divisions et unissons nos forces ! Et, avec l’aide de Dieu, sortons de la nuit des guerres et des dévastations environnementales pour transformer l’avenir commun en une aube de lumière ».

José Fabio Naranjo

COP28

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