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Mgr Alfredo Vizcarra Mori à la rencontre des acteurs pastoraux de la Conférence des évêques de France

Mgr Alfredo Vizcarra

Mgr Alfredo Vizcarra Mori, archevêque du Vicariat apostolique de Jaén dans le nord-est du Pérou, est venu en Europe pour alerter sur la nécessité de défendre les communautés indigènes face à l’exploitation des ressources minières par des multinationales en Amazonie. Le 16 mai 2024, des membres du Service national Mission et Migrations et des membres de la commission Justice et Paix France l’ont reçu à la Conférence des Évêques de France.

En février dernier, Mgr Humberto Tapia Díaz, évêque du diocèse de Chachapoyas, Mgr Bernardo Mejía Corral, évêque du diocèse de Chulucans et Mgr Vizcarra ont participé à une manifestation, organisée par les Rondas Campesinas [1] (« rondes paysannes ») et signé une déclaration en soutien à la population de Piura, dans le nord-ouest du pays, qui rejette le projet minier Rio Blanco [2], l’une des plus grandes mines de cuivre à ciel ouvert au monde.

Lors de visites sur le terrain, Mgr Vizcarra et son confrère du diocèse de Chachapoyas ont constaté la présence de compagnies minières, et un comité a donc été constitué pour développer une stratégie d’action face à cette menace et pour agir au point de vue légal, mais aussi lancer une étude comparative – exploitation minière versus agriculture – pour vérifier si le discours des compagnies minières qui présentent l’exploitation minière comme la panacée pour le développement et l’enrichissement de tous est fiable. Des études semblables ont déjà été menées et démontrent que ces discours sont mensongers. Des solutions concrètes, qui viendraient en appui des actions légales et de la lutte de la population, devraient aussi y intégrées. Au-delà de la présence légale de compagnies minières, des sites illégaux d’extraction minière ont été découverts. Ces sites illégaux portent préjudice aux intérêts des populations locales ainsi qu’à l’environnement.

Des ronderos [3] de Ayabaca et de Yacupampa, voisins du Vicariat apostolique de Jaén, tous les représentants des districts de Jaén et de Saint-Ignace, le président du gouvernement autonome de la nation awajúm ainsi que le président et la vice-présidence du gouvernement autonome de la nation wampís étaient présents. Après la manifestation, les ronderos, les dirigeants indigènes et les trois évêques ont décidé de continuer à lutter, au niveau régional, contre les problèmes liés à l’implantation des compagnies minières dans toute la région. Ce n’est pas simple mais c’est un travail collectif très intéressant.

Le réseau Muqui[4], auquel appartiennent les diocèses de Chachapoyas et Chulucans ainsi que le Vicariat, le réseau « Église et industrie minière » [5] pourraient accompagner, coordonner les actions légales et voir comment les renforcer via l’étude comparative. Pour le moment, un avocat les accompagne bénévolement mais il serait important de pouvoir mettre en place une équipe d’avocats pour faire un travail de plaidoyer et de formation de la population. L’information pourra être diffusée via la radio.

La population locale est très peu éduquée, pauvre, ne bénéficie d’aucun soutien de l’État ce qui la rend vulnérable face aux propositions qui lui sont faites par les entreprises minières, sans avoir conscience de l’impact sur sa santé, son environnement et son mode de vie.

En parallèle de la lutte contre les ravages liés à l’industrie minière, les conditions de vie de la population locale doivent être améliorées. C’est une région productrice de café mais il faudrait aider les paysans à améliorer, à diversifier leur production de café pour l’exportation, ce qui implique aussi de prendre soin du territoire… Quelques paysans appartiennent à des coopératives mais elles ne sont pas toujours très aidantes. Ce n’est pas le cas dans toute l’Amazonie, mais sur la partie du Vicariat, il est très difficile de trouver des ressources alternatives notamment pour des questions logistiques.

Trente-deux leaders péruviens, notamment des membres des Rondas Campesinas, ont été assassinés ces deux dernières années. Pour le moment, très peu de liens existent avec d’autres organisations comparables au niveau international. Jusqu’à présent, ces initiatives, qui restent locales, ne rencontrent pas d’opposition frontale des compagnies minières ou du gouvernement… cependant quelques jours après la manifestation, les installations de la radio ont été touchées par un vol de matériel qui en a perturbé la retransmission !

Si jusqu’à présent, il n’y a pas de conflit ouvert avec les compagnies minières, il en existe avec les sites illégaux d’exploitation tenus par des paysans locaux ou par des Péruviens venant d’autre parties du pays. Sur ces sites illégaux apparaissent des problèmes liés à la drogue, à la traite des êtres humains, à la prostitution qui a entrainé une augmentation de 40% du taux de transmission du VIH.

Les populations locales ne sont informées du contenu des contrats signés entre le gouvernement et les compagnies minières. Avant la signature du contrat octroyant la concession, il aurait dû y avoir une consultation préalable de la population ce qui n’a pas été fait.

Les organisations locales et les organisations indigènes rejettent toute exploitation minière parce que cela porte préjudice à leur environnement mais aussi à leurs productions agricoles.

Cette préoccupation est portée par les diocèses d’Amazonie, moins par la Conférence des évêques du Pérou. Le REPAM [6] porte aussi ce souci. Au Pérou, en tant que Vicariat de l’Amazonie, aucune stratégie précise n’a pas encore été définie mais le REPAM sera de plus en plus mis à contribution.

Il serait nécessaire, éventuellement via le CAAAP [7] qui est aussi le relais du REPAM, que soit mise en place une équipe de professionnels à laquelle il serait fait appel notamment au niveau de la partie légale des actions menées dans la lutte contre les projets miniers. Bien sûr, cela nécessite des financements. Il est également important de pouvoir collaborer avec d’autres organismes européens à la construction de stratégies de lutte.

Maria Mesquita Castro
Service national Mission et Migrations
Juin 2024

[1] Apparues dans les régions rurales du nord du Pérou, dans les années 1960, ces patrouilles communautaires suppléent à l'absence de l'Etat dans certaines régions du Pérou et sont des organes de justice des communautés paysannes.

[2] Projet de mine à ciel ouvert qui couvre près de 6 472 hectares et qui aurait vocation à s’étendre se situant dans la zone proche de la frontière avec l’Équateur dans les provinces de Huancabamba et Ayabaca.

[3] Membres des Rondas Campesinas

[4] réseau d’institutions nationales et locales qui cherchent à promouvoir le développement durable et à défendre les droits de la communauté et des populations des zones d’influence minière ou métallurgique.

[5] Le réseau « Églises et industrie minière » est un espace œcuménique composé de communautés chrétiennes, d'équipes pastorales, de congrégations religieuses, de groupes de réflexion théologique, de laïcs, d'évêques et de pasteurs qui cherchent à répondre aux défis posés par les impacts et les violations des droits socio-environnementaux causés par les activités minières dans les territoires où ils vivent et travaillent.

[6] Réseau Ecclésial Pan-Amazonien (REPAM), projet issu des neuf Églises de la région amazonienne, qui promeut les droits et la dignité des personnes vivant en Amazonie.

[7] Centre amazonien d’anthropologie et d’application pratique (CAAAP), créé en 1974 par neuf évêques de l’Amazonie péruvienne, pour être au service des populations vulnérables de l'Amazonie, en particulier les peuples indigènes.
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Communiqué en espagnol

communiqué mgr Alfredi Vizcarra

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